Chapitre 24 - Confiance

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Lorsqu'elle s'était glissée sous ses draps à seulement vingt-deux heures, Hisae n'avait même pas osé émettre l'hypothèse qu'elle parviendrait à trouver le sommeil, surtout après sa sieste de l'après-midi. Pourtant, les minutes n'avaient pas eu le temps de se soustraire sur l'écran de son réveil de chevet avant que Morphée ne vienne s'emparer d'elle dans une étreinte aussi inespérée que doucereuse. La fatigue accumulée au cours des derniers jours – dernières semaines – s'était écrasée avec tant de violence que, interpellée par la régularité de son pouls, Aliska était venue passer une tête inquiète par l'embrasure de la chambre.

La journée de cours qui avait succédé cette nuit pluvieuse s'était ainsi étonnamment montrée plus difficile à suivre qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Que ce soit l'appréhension de ce que les choses pourraient devenir, l'angoisse de voir les résultats de ses examens tomber pour la conforter dans son échec scolaire ; chaque pensée qui avait occupé son esprit au cours de ces longues heures l'avait accaparée bien loin du droit civil ou de la fiscalité. Chaque coup d'œil porté vers l'extérieur, vers la nébulosité fuyante, n'avait eu de cesse de lui répéter que s'il avait plu la nuit précédente, celle qui se profilait serait de toute évidence dénuée d'averse.

Autrement dit, Aliska risquait de vouloir sortir de nouveau.

— Maman me demandait pourquoi tu passais plus trop à la maison, en ce moment, s'éleva la voix d'Elias, la rattachant ainsi à la réalité du monde dans lequel elle évoluait.

— Pardon ?

— Ben ça fait un moment que t'es pas passée. Même quand tu me déposes en me ramenant comme aujourd'hui, tu te dépêches de rentrer chez toi. Alors maman se demandait quand tu t'arrêterais.

Hisae dut réfréner le soupir qui ne demandait qu'à quitter ses lèvres. Face à elle, les iris sombres de son frère s'illuminèrent de cet éclat d'enthousiasme qu'elle y décelait bien souvent, à tel point que trouver une excuse se trouva anormalement difficile. Mais la situation qui lui pesait sur les épaules ne pouvait pas lui permettre d'affronter sa mère. Pas maintenant.

— On verra quand tu seras sage, éluda-t-elle en lui ébouriffant ses boucles brunes.

— Eh ! se débattit l'adolescent avant de se dégager de son étreinte. Je suis toujours sage !

— Mais oui, mais oui.

L'habitation de son enfance se dessina à l'horizon dans son champ de vision, aussi nostalgique que familière. Du coin de l'œil, la jeune femme pouvait apercevoir son frère lui jeter des regards furtifs, et elle ne le connaissait que trop bien pour pouvoir affirmer qu'il attendait de toute évidence une ouverture pour parler d'elle-ne-savait-quoi avant qu'ils n'atteignent le portail de la maison.

— Dis, Hisa, se lança-t-il finalement sans qu'elle n'ait besoin de dire quoi que ce soit. Tu sais si Kaedan Rughis va revenir au collège ?

Une moue surprise étira le visage de l'étudiante, qui s'arrêta inconsciemment dans sa marche au beau milieu du trottoir. Ses pupilles accrochèrent sans la voir la silhouette de son frère, et aucun mot ne réussit à lui arriver. Revenir ? Kaedan avait de toute évidence bien mieux à s'occuper, surtout avec l'affaire dans laquelle il continuait de s'enliser. Mais ce n'était pas le genre de propos qu'elle pouvait tenir auprès d'Elias.

— Hisa ?

— Désolée le moustique, mais j'en doute.

Si elle essaya de se formaliser le moins possible de la déception qui s'imprima sur le visage du garçon, ce fut la boule au ventre qu'Hisae le raccompagna jusqu'à l'entrée, avant de faire demi-tour. La lueur du jour parsemait encore le paysage, lorsqu'elle arriva chez elle après des minutes qui lui semblèrent en avoir duré le double. Il n'y avait pas âme qui vive dans l'appartement, et seule la déclinaison lente des faibles rais de l'astre du jour illuminait les lieux.

L'écho de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant