Chapitre 40

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Le 8 passa au 9 sur son portable à minuit pile.

On était le 9 mars, c'était l'anniversaire de Yoongi et Taehyung rageait dans son lit.

On était le 9 mars, c'était l'anniversaire de Yoongi et il ne pouvait même pas lui envoyer un message pour se foutre de sa gueule en plaçant un joli : passe une bonne journée.

Il ne pouvait pas tout simplement parce que Yoongi ne trouverait pas ça drôle, alors ça n'avait aucun sens.

Ne trouvant pas le sommeil, il se leva doucement, et alla s'asseoir sur sa chaise de bureau pour observer l'étendue nocturne.

« Le ciel est joli comme un ange. », disait Rimbaud. Taehyung ne pouvait qu'acquiescer face à cette vérité.

La lune brillait comme à son habitude, et Polaris l'accompagnait, comme la merveilleuse compagne qu'elle était, en essayant de scintiller autant qu'elle. Taehyung lui sourit et jeta un petit coup d'œil à la photo à côté de son bureau. Elle resterait présente. Toujours avec lui où qu'il aille, peu importe la route qu'il empruntait, peu importe les embûches qu'il affrontait, elle était sa boussole, à jamais au nord.

Les gens partaient, les astres jamais. Si Polaris devait se transformer en supernova, il en mourrait.

Voulant occuper ses doigts, il prit son carnet à dessin. Il avait réussi à créer quelques œuvres ici et là, qui ne le décevait pas. Dans la bouche de sa mère, c'était plutôt « le plus bel art que l'univers n'ait jamais porté ». Son père était d'accord.

C'était acté, leur fils était un artiste.

Taehyung ne se sentait pas du tout comme tel. Pour dire vrai, il ne se sentait pas grand-chose, mais avec ces différentes couleurs entre ses doigts, il s'exprimait d'une façon qui ne le forçait pas à mettre des mots sur ce qui se bousculait à l'intérieur. C'était enivrant, c'était facile et surtout, c'était libérateur.

Il commença à esquisser un visage, il ne savait pas où il allait. Il ne savait jamais vraiment ou il allait en commençant. Il laissait le crayon danser sur la feuille comme on danse sur la glace. Les couleurs se firent patineuses artistiques.

Une obsession, qui tourne en boucle sous le crâne. Une obsession, d'un regard asymétrique. Une obsession, d'une main qui ne le touchera plus jamais. Cette obsession qui brise les frontières de la conscience et qui, omniprésente, roule en continu sur l'estomac.

Il décomposa les plus petits morceaux de ses souvenirs. Il altéra légèrement l'ombre sous ses paupières. Il abusa du noir et du gris et fractionna les mouvements comme une danse qu'il subit. Il subit, ces propres images qui apparaissent dans son esprit et les expulse avec violence sur cette page blanche qui n'a rien demandé.

Les minutes s'égrainaient au son du tic tac de sa montre qu'il entendait malgré la faiblesse du tintement. Enfin, il arriva doucement à un croquis qu'il découvrit lui-même.

Et il le découvrit. Un cadeau qu'on déballe, il ferma les yeux quand il reconnut le visage qu'il venait de croquer. Il le hantait.
 

Putain Yoongi, laisse-moi tranquille, s'il te plaît.
Laisse-moi respirer sans toi à mes côtés.
  

Il continua cependant à dessiner, insistant sur les contours de ses yeux, sur ses cheveux qu'il ébouriffa comme il avait pu le faire dans la vie réelle, sur les petites taches au coin de ses paupières, sur ses petites rides près de ses lèvres. Il ne le fit pas souriant, mais il ne le fit pas triste. Il fit son petit rictus qu'il avait tant appris à aimer après l'avoir si fortement détesté.

Polaris - TaegiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant