CHAPITRE 1

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Octobre 2022

Max jette un coup d'oeil rapide dans le miroir, rajuste son chemisier, attrape son sac au passage et se précipite dehors. Elle monte dans le bus à la dernière minute et enfonce ses écouteurs dans ses oreilles. Enfin elle respire. La musique a toujours eu un effet magique sur Max. Ses yeux verts cerclés d'eye-liner regardent la pluie s'écraser avec bruit sur la vitre. Max sourit. Elle aime bien la pluie. Dans sa tête elle révise ses cours en jettant des regards furtifs vers la fille aux boucles d'oreilles grenouilles qui lui lance des sourires depuis qu'elle est montée. Mais elle n'aura pas le temps de faire sa connaissance car au prochain arrêt, Max descend en direction de la Fac.

« – Notons que si le cerveau n'est pas réceptif à cette information, c'est peut être à cause d'une potentielle anomalie, c'est pourquoi...  »

Elle peine à rester concentrée, pour une fois. Elle a toujours été très scolaire, pourtant, Max. Elle étouffe un bâillement en pensant à l'année dernière. Elle a l'impression que c'était plus facile avant. La prof parle dans le vide, Max décroche complètement. Ça fait trois mois qu'elle a commencé sa deuxième année de Fac, pourtant c'est comme si elle avait déjà trop ingurgité de leçons sans queue ni tête dans sa courte vie.

Et puis il y a ces mots qui viennent tout seuls, qui traversent la tête bouclée de Max, qui ressortent ensuite. Ou pas. Parfois elle a besoin de les écrire pour qu'ils la laissent enfin tranquille. Ils s'accompagnent d'une petite mélodie, aussi, des fois. De toutes petites mélodies, avec de toutes petites phrases, qui peuplent les pensées de Max, au milieu des bribes d'anatomie humaine et de tout un tas de définitions tarabiscotées. Il y a pleins de choses, dans sa tête, à Max. Des mots, des notes, des couleurs...

La pluie continue de tomber, dans le ciel gris lyonnais. Max passe une main ennuyée dans ses boucles brunes. Elle n'arrive plus à se concentrer. Elle a une chanson dans la tête, une chanson de Lana Del Rey. Son regard se perd dans les gouttes et son cerveau continue en boucle : "well my boyfriend's pretty cool, but he's not as cool as me..." C'est juste un jour sans, se dit Max. Elle a peut être raison. Mais peut être qu'elle a tort, puisque les jours avancent et qu'ils se ressemblent tous. Une ribambelle de "jours sans".

« – Max ma chérie ! Tout va bien ? Tu viens dîner dimanche prochain ou plutôt dans deux semaines ? À moins que tu aies une fête ou autre de chose de prévu, je ne veux pas te faire annuler tes plans ! Enfin, bref, tu me diras hein, parce que ton père me fait la vie pour "te laisser vivre ta vie", tu sais comment il est ! »

Max écoute le flot de paroles qui sortent du combiné. "Te laisser vivre ta vie", la phrase reste en flottement dans sa tête, sans vouloir sortir.

« – Toujours pas de petit copain, de petite copine ? La Fac se passe bien ? Tu arrives à suivre ? Tu arrives à gérer les cours et ton petit boulot ?

– Oh oui, ça va. Enfin, peut être un peu moins bien que l'année dernière, je crois. J'ai l'impression d'être moins à ma place qu'avant. Je crois. Enfin je ne veux pas t'inquiéter hein, mais je me sens bizarre.

– Oh ma chérie, ce n'est pas un problème ! Tu finiras par t'organiser, trouver tes repères, ton bonheur. Les études peuvent être éprouvantes, mais elles permettent d'accéder à un métier, ton métier, Max ! Celui de tes rêves ! »

"Tes rêves". "Vivre ta vie".

Est-ce que c'est vraiment ce que je suis entrain de faire ? Se demande Max, intérieurement. Elle s'assoit à son bureau pour réviser, ouvre son trieur, prend un stylo et cherche dans son tiroir une feuille bristol. Mais au fond d'une pile de notes, Max voit un coin colorié dépasser.

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