CONSTELLATIONS

CHAPITRE 7

« – Qu'est-ce que tu fous ?! Demande Zack en bousculant Max devant le miroir de la salle de bain.

– On sort ce soir, prépare-toi. On va dans un bar gay – c'est sympa les bars gays – j'ai contacté le patron, il est d'accord pour qu'on anime toute la nuit.

– Toute la nuit ?! T'es folle Max, définitivement la plus fada de tous les temps ! J'ai un boulot moi ! Un emploi du temps !

– Moi aussi, je te ferais remarquer, répond Max en traçant avec application son trait d'eye liner vert, et je peux te dire que les gosses toute la journée, c'est pas du repos. Allez, on y va. »

Elle sort de la pièce, pantalon en cuir, haut noir, et veste en jean à strass. Zack manque de lui dire que la petite étudiante bien sage a bien changé, mais le regard de Max le fait taire immédiatement.

« – On est censé·es retrouver Hope là-bas.

– Me dis pas que t'as invité cette contrefaçon de Kurt Cobain ?!

– Tiens c'est drôle que tu dises ça, elle a justement un pull rayé rouge et noir, ce soir, dit la chanteuse, en apercevant l'américaine plus loin.

Max lui fait de grands signes tandis que Zack soupire bruyamment.

– Eh, t'en fais pas, je te promet qu'on va s'amuser ce soir... Le réconfort-t-elle. »

Iels montent sur la scène, aussitôt rejoint·es par Hope, qui tape la bise à Max, et serre la main de Zack, à l'aise.

« – Il nous manque décidément un bassiste, guys, fait remarquer l'américaine en éteignant sa cigarette.

– Ça ira pour le moment, déclare Max, on ne se prend pas la tête, on joue, et on voit.

– Sympa tes boucles, fait remarquer Zack en apercevant les pochettes miniatures de "OK Computer" qui pendent à ses oreilles.

Hope lui sourit en le remerciant avec son accent de vieux western, et accorde sa guitare en souriant au garçon, comme pour apaiser les évènements derniers. Le marseillais s'assoit derrière la batterie, baguettes en main. Servir des cocktails toute la journée a beau payer ses coquillettes au ketchup, il se sent mieux ici, sur la scène. Il n'arrive même pas à en vouloir à Max, qui a déboulé dans sa vie sans prévenir. Et si c'était à refaire, il le referait, sans hésiter – même si l'idée de coucher avec elle le met plus mal à l'aise, maintenant.

« – Oh last night, I was taking a walk along the river...

Le jeune homme sourit. Que dans des vieux groupes, cette Max ! Ça lui plaît, à Zack, et il n'est pas le seul, puisque certain·es client·es s'arrêtent longuement pour regarder la chanteuse, au milieu de la scène, comme hypnotisé·es.

– Look into his angel eyes, you'll think you're in paradise, and one day you'll find out he wears a disguise...

Hope tourne la tête vers Max plus souvent que de raison. C'est elle, pense l'américaine, qui a des yeux d'ange...

– Oh, don't look too deep into his angel eyes ! »

Max scrute la foule de visages, la fixant, ou au contraire, complètement détachés. Elle ne s'est pas défaite de cette vieille habitude d'analyser les gens. Ce garçon timide qui se demande s'il ose payer un verre à ce grand brun, qui lui fait de l'oeil ; cette fille au hijab bleu qui embrasse une rousse en mini-jupe ; ce vieux souriant, seul à une table, qui les regarde avec un sourire attendri.... Elle aime ça, Max, elle aime quand la vie grouille devant ses yeux, quand elle voit les gens s'aimer, s'attendre, se sourire, quand la vie croise les chemins des deux personnes les plus différentes qu'il soit, et tisse des liens plus forts que prévu, entremêlant leurs existences comme des spaghettis dans une marmite.