CHAPITRE 13

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« - On reprend, ça fait pas.

- Mais si c'était très bien ! C'est quoi le problème, encore ?!

- L'intro est trop longue.

- On peut rajouter un guitar solo ?

- PAUSE ! On fait une pause, et on reprendra après. Mamamia, j'ai la tête qui va exploser... »

Le local en tôle ondulée qui leur sert de studio fait résonner chaque petit bruit - le médiator qui crisse, les baguettes qui se cognent, les ongles de Max sur son crayon... C'est la première fois qu'iels travaillent véritablement ensemble et qu'iels répètent avec tant d'acharnement. Plus question d'être considéré·es comme des "petit·es jeunes débutant·es de l'industrie musicale", surtout s'iels souhaitent être rappelé·es pour le concert de McEwin. Et pour ça, rien ne fonctionne mieux que du travail minutieux.

Ilio fait passer un paquet de chips à Zack en se plaignant du froid ; Max re-chante ses harmonies en secouant la tête et répétant "ça ne va pas, ça ne va pas...". Hope, égale à elle-même, est dans sa bulle, une cigarette coincée entre l'index et le majeur. Elle croit voir Zack qui s'attarde plus sur les mains d'Ilio que sur les chips, et sourit discrètement.

« - Hope, mon chou, tu pourrais éviter de souffler la fumée de tes clopes sur mon visage ? Demande Max en relisant les paroles de son carnet vert. Pause d'un quart d'heure pas plus, les enfants, ajoute-t-elle, on a du taff.

- Iels sont censé·es nous rappeler quand ? Demande le marseillais en prenant une poignée de chips.

- S'iels nous rappellent-

- Ce qui est fort peu probable, coupe Zack avant de se prendre une tape sur la tête de la part de Max.

- Ce qui arrivera fort assurément, continue Ilio en lançant un regard appuyé au grand brun, iels avaient dit que ce serait cette semaine.

- On est vendredi, intervient Hope.

- Fin de la pause ! Annonce Max. »

Tous·tes grognent dans un brouhaha étonnement fort pour quatre personnes seulement.

« - On enchaîne "Nuit Dans Les Flots" ; "Éphémère" et "Fuckin' heart", ça vous va ?

Trois pouces se lèvent. Ilio fait remarquer que Zack a le même pouce tordu qu'ellui, ce qui fait rire ce dernier mais beaucoup moins Max qui lève les yeux au ciel.

- Quel·les gamin·es j'te jure !

Mais elle esquisse un franc sourire à chacun·e des deux, puis se tourne vers Hope en lui faisant un clin d'oeil. Parfois elle a l'impression que c'est elle qui fait tout tenir, Max. C'est elle qui fédère l'équipe, qui l'organise. Ça ressemble à un rôle de cheffe - elle aime pas trop ça, Max, les chef·fes pourtant - mais dans un groupe, il en faut toujours un·e, c'est comme ça.

- On reprend : trois, quatre ! »

Premier accord. Batterie, léger, en fond. Ilio qui se cale dessus. Un, deux, trois, quatre... C'est à elle. Sa voix résonne sous la tôle ondulée du garage. Ça fait des effets tout étranges. En plus, ce sont ses mots à elle qui remplissent l'air. Pas ceux de Goldman, ni de Madonna, ni personne d'autre que Max. Son regard parcourt la pièce, s'arrête sur Zack, à la batterie ; Ilio, à la basse, le regard tourné vers le marseillais, en essayant de suivre le rythme ; et Hope, la petite américaine si fragile et si dure à la fois.

Un fort sentiment d'appartenance émerge au fond de Max. Ce sont elleux, tous·tes les quatres.

Les Red Comets.

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