PROLOGUE

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À tous les rêves d'enfants auxquels on n'a pas laissé une seconde chance...

Mai 2009

« — Open your heart to meeee, darlin', I hold the lock and you hold the keyyy »

La fillette de 7 ans serre fort dans ses doigts la cuillère en bois qui lui sert de micro improvisé. Sa crinière de boucles foncées danse une valse endiablée, encadrant son visage doux. Ses yeux verts sont déjà rebels, ambitieux, et contrastent avec sa peau métisse. Elle ne semble rien voir autour d'elle, et son aura d'énergie remplit toute la pièce au même titre que les paroles de Madonna qui sortent de sa bouche.

Assis·es sur les chaises de la cuisine, l'amour de ses parents se lit facilement dans leurs yeux. Quand la dernière note s'éteint et que la petite fille ré-ouvre les yeux, iels applaudissent leur enfant. La mère appuie un baiser sur sa joue, qu'elle essuie avec une moue.

« - Mamaan ! Proteste l'enfant.

- Tu es un ange, Max, ma chérie !

La petite est fière et la cuisine déborde d'amour.

- Je serai chanteuse plus tard, maman, tu sais.

Elle se retourne vers son père.

- Je t'enverrai des bisous sur la scène, papa, promis !

- En attendant viens là que je t'en fasse un moi !

- Papaaaa, tu me chatouilles ! »

Tout·es les trois arborent des sourires sur leurs visages heureux. Et Max se promet une chose : que jamais ces sourires ne disparaissent.

-

Novembre 2017

« - Max ? Tu travailles encore ?!

- Contrôle de maths demain, Maman, je dois réviser à fond, tu comprends. »

La femme à la mine mi-attendrie mi-inquiète caresse la chevelure bouclée de sa fille, qui arrive tout juste à ses épaules.

« - Ne te couche pas trop tard, mon cœur.

- Quand je serai en étude sup ça sera pire tu sais ! Je ferai peut être même carrément des nuits blanches pour bosser. Je dois m'habituer, 'man, c'est dans deux ans seulement.

- Tu te rappelles quand tu voulais être chanteuse ? Tu te prenais moins la tête. »

L'adolescente esquisse un sourire.

« - J'étais gamine, maman, depuis je sais qu'il faut travailler pour avoir un bon métier, si possible stable et rentable. La fac me paraît être plus sûre que la musique.

- Tu feras bien ce que tu veux, ma chérie. »

Elle dépose un baiser sur la crinière de boucles brunes.

« - Pense à dormir. Bonne nuit Max. »

La lycéenne regarde sa mère refermer délicatement la porte, et aperçois un sourire fier sur son visage. Elle se promet une seconde chose : rendre fièr·es ses parents avec une carrière brillante.

Et elle se replonge dans les équations.

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Août 2081

« - Qu'est ce que je vous sert ? Un Monaco ? Un pastis ?

- De la grenadine, s'il vous plaît. Je ne bois pas d'alcool, réponds la vieille dame avec un sourire.

La serveuse acquiesce et revient en posant la boisson sur la table.

- Dis moi, ma petite, qu'est ce que tu veux faire dans la vie ?

- Agent immobilière. Mes parents ont dit que c'était une très bonne situation, ça, agent immobilière.

- Et qu'est ce que tu veux vraiment faire, dans la vie ? Demande la femme ridée.

- Je voudrais m'installer en Écosse avec ma petite amie, avec un chat, adopter un petit garçon et élever des chèvres, réponds la jeune femme avec un sourire rêveur.

- Alors qu'est ce que tu attends, petite ? Quitte moi ce boulot ce soir, et pars demain.

Sur ce, la vieille aux yeux verts se lève, et laisse un pourboire plus que conséquent. Elle jette un dernier coup d'œil, accompagné d'un sourire malicieux à la serveuse, et part au loin. Helena n'en croit pas ses yeux. Avec tant d'argent, elle pourra facilement ce payer un voyage jusqu'en Écosse, avec Amira. C'est son jour de chance, le signe qu'elle attendait !

Max s'éloigne en direction de la plage. Ses vieux os craquent quand elle s'assoit sur le sable. La nuit tombe peu à peu, et on voit les étoiles. Elle les regarde avec fascination, de ses yeux verts qui n'ont jamais perdu leur éclat. Elle est heureuse, Max.

En levant la tête, elle a l'impression de voir un visage familier.

- Nadir, mon cher ami. Je sens que le jour de nos retrouvailles n'est pas loin, alors je viens te le dire. Je te dois tout. Tu as été ma révélation, ma lumière. Tu m'a guidée, Nadir, tu as été mon étoile dans ma nuit. Je ne voulais rien voir mais c'est toi qui m'a ouvert les yeux. Je te remercie.

Max se tait. Elle pense à tout les gens qu'elle a rencontré, toutes ces étoiles semées sur sa route.

- Nous sommes une constellation.

Elle sourit encore. Elle n'a pas froid, elle n'a pas peur. Elle sait. Et dans le début de la nuit, sous un ciel d'été, Max murmure ses dernières phrases :

- "mourir sous les étoiles, pas dans de petits draps..."

Et ses yeux verts se ferment enfin.

CONSTELLATIONS Où les histoires vivent. Découvrez maintenant