CHAPITRE 3

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Décembre 2022

Max jette un dernier coup d'œil dans l'appartement : le lit dans le coin qui l'a vue au plus profond de ses insomnies artistiques ; la cuisine, à droite, qui a subi ses piètres tentatives culinaires ; le salon avec le canapé bleu qui a assisté à ses révisions jusqu'au bout de la nuit et la petite salle de bain où Max a tant pleuré à causes de ses doutes, de la pression des études, ou simplement de joie quand elle était fière d'elle.

Max soupire. Sa tête est encore en plein dilemme intérieur, angoissée, appréhendant le futur. Elle, pourtant si mûre, si réfléchie, partant sur un coup de tête grâce ou à cause de Nadir, de sa satanée chanson et de quelques bières de trop. Elle fait quelques pas, qui résonnent drôlement dans la pièce, et décroche le dessin ressorti de nulle part. Max sourit. Elle n'a pas changé d'avis, elle veut vivre. Elle voudrait que sa détermination grandissante prenne le dessus mais son angoisse est plus forte, pour le moment. Mais peut-elle vraiment revenir en arrière ? Nadir était si fier d'elle !

Alors elle plie minutieusement la petite chanteuse en robe rouge et la glisse dans sa poche, roulant sa valise derrière elle. Elle n'a emporté que quelques vêtements, l'album de Lana Del Rey - Born To Die - et un carnet vert. Le reste, elle l'a donné à celleux qui en avaient vraiment besoin. Sa valise, elle la remplira de rencontres, de notes et de pastilles au miel pour la voix...

Elle ferme la porte, bagages dans une main, poster de Paul McCartney dans l'autre, et avant de quitter Lyon, sa ville de rêve - d'adolescente -, elle descend au quatrième étage, chez la famille Fauchet, et sonne, sûrement pour la dernière fois.

« - J'ai un cadeau pour Eliott. »

Le petit garçon, comme à l'ordinaire, saute dans tout les sens, dans un flot de paroles plus ou moins compréhensibles.

« - C'était le mien, il était affiché dans ma chambre quand j'étais ado, et puis après dans mon appart d'étudiante, dit Max avec un sourire, et maintenant, c'est le tien, Eliott. »

Les yeux du gamin s'agrandissent en pétillant.

« - Pour moi ?! Pour moi pour moi pour moi ?! »

Et devant le regard attendri de Max, qui ignore sa boule au ventre, il recommence à gesticuler de bonheur dans le couloir.

« - Danse de la joie ! Maman, maman, maman, viens voir ! Max m'a donné son poster de Paul ! Paul McCartney ! T'as vu ?! T'as vu comme il est beau ?! »

Et avec un pincement au cœur, Max se retrouve seule dans la cage d'escalier, avec les oreilles encore bourdonnantes de cris d'enfant. Elle ne peut plus reculer maintenant. Alors elle prend le bus, se retrouve à la sortie de Lyon, et tend son pouce tremblant aux automobilistes pressé·es. Quand le temps devient long, elle met ses écouteurs et écoute en boucle "Tôt le matin" pour couvrir ses doutes. Max soupire avec la moue d'une citadine peu patiente et s'apprête à acheter un billet de train pour quelque part au hasard, quand un Van gris-vert s'arrête devant sa silhouette perdue.

« - Vous allez où ma p'tite dame ?

- Où vous voulez bien m'emmener !

- Moi je pars à Paris, vous savez, c'est loin d'ici. Si vous voulez que j'vous y dépose en chemin, vous me le dites, ce s'ra avec plaisir !

- Paris ?! C'est idéal, ça, Paris ! Dit Max en s'installant sur le siège passager.

- C'est quoi, votre joli nom, ma p'tite dame ?

- Max. Et je ne suis pas petite » dit-elle en tendant la main vers celle de son chauffeur de fortune.

Celui-ci laisse échapper un rire, remet ses lunettes de soleil sur son nez et la lui serre volontiers.

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