« – Oh si vous saviez comme ça nous facilite la vie d'avoir trouvé une baby-sitter française sur Londres ! Vous êtes étudiante ?
– Non, je suis chanteuse, répond Max avec un sourire.
– Chanteuse ? » Demande une des deux petites filles, à laquelle il manque une incisive dans la bouche.
La jeune femme hoche la tête. Le baby-sitting continue d'être une chose vraiment rentable pour le groupe : ça rapporte concrètement de l'argent dans leurs caisses, et ça les fait connaître. En plus, Max aime réellement ça. Des gamin·es à elle, hors de question, mais celleux des autres, elle aime bien s'en occuper. Peut-être qu'elle a un instinct maternel, après tout. Peut-être est-ce un sixième sens de son enfance de fille unique.
Alors c'est sûr, Max a son caractère explosif et elle traîne ses crises de nerfs avec elle, mais bon dieu ce qu'elle aime les gens ! Les vieilles âmes cabossées ou les toutes neuves, un peu naïves et émerveillées... Elle chérit tout ce qui reste d'humain dans ce vieux monde et la part d'empathie et d'humanité dans chaque personne. Max, c'est le genre de fille entêtée, qui se dira toujours qu'une personne, aussi affreuse soit-elle, peut changer et devenir quelqu'un de bien. C'est sa forme de naïveté, son enfant intérieur qui lui dit que tout est possible, que les gens changent et peuvent évoluer en bien.
Elle sait pas si elle a raison de croire ça, Max, mais elle ne peut pas s'en empêcher. C'est plus fort qu'elle, c'est comme ça. Elle a jamais essayé ni même voulu aller contre ça, d'ailleurs. C'est sa nature à elle, son caractère, pourquoi elle changerait ça, Max ?
« – Et tu chantes quoi ? Tu peux chanter une chanson de Juliette Armanet ? Réclame Laurie en approchant son fauteuil roulant de Max.
– Ou de Madison Beer, en anglais ! Renchérit Faustine en sautillant.
– Non, dit Max avec un sourire, moi je ne chante que de la vraie musique, tu vois. Si tu veux que je te chante des chansons de femmes puissantes avec des vrais textes et des vraies voix, je peux. Tenez, vous connaissez Cyndi Lauper ?
Alors Max se lance sur le petit synthé, replongée dans les années quatre-vingt, fière de faire connaître de la bonne musique aux deux petites londoniennes.
– But I see your true co-olors shining through ! I see your true colors, and that's why I lo-ove you !
Des accords par-ci par-là, elle ne se rappelle pas bien de tout l'accompagnement musical mais elle s'en fiche, elle chante et c'est l'essentiel.
– So don't be afraid to let them show your true colors… True colors are beautiful, like a rainbow… »
Max lève les mains du clavier et se retourne en souriant. Les petites applaudissent, folles de joie et la chanteuse se sent rayonner. Elle n'échangerait ce genre de moments pour rien au monde, ça, elle en est sûre plus que de tout le reste.
« – Et tu chantes quoi d'autre ? Tu joues dans un groupe ?
– Tu fais des concerts ?
– Et t'as une amoureuse ? Un amoureux ?
– Je chante mes chansons, aussi ! Oui, j'ai un groupe, ça s'apelle les "Red Comets", explique Max en épelant le nom, et non, ajoute-t-elle en riant, je n'ai ni amoureuse ni amoureux.
Laurie fait une moue déçue tandis que Faustine continue à lui tourner autour en posant une avalanche de questions sur le groupe.
– Et pourquoi t'as pas d'amoureux·se ?
Max hausse les épaules.
– Parce que je suis pas amoureuse ! Je tombe pas amoureuse, moi. Enfin, si, évidemment, j'ai eu plein de coups de foudre dans ma vie ! Tu veux que je te dise un truc ? Je suis amoureuse de plein de trucs. Je suis amoureuse des yeux de Paul McCartney, de la voix de Lana del rey, de la chanson Rock'n'roll suicide, de "Ma bohème" de Rimbaud, de l'odeur de l'océan, et de la sensation que ça fait de manger des churros dans le froid de décembre… Et puis, je suis amoureuse des gens. Des gens qui s'aiment, des gens qui doutent, des gens qui ont peur, puis qui se lancent quand même, des gens qui s'en foutent, de celleux qui s'en font trop pour pas grand chose, des trop nostalgiques qui écoutent les mêmes chansons en boucle, ou de celleux qui sont toujours dans la recherche de quelque chose de nouveau et qui partent se perdre dans des horizons vagues. Je suis amoureuse des gens qui se rencontrent, même brièvement. Des gens qui se lâchent jamais des yeux, jamais du cœur, qui brillent et qui font comme des constellations dans le ciel du monde. Et, ouais, je crois qu'on peut le dire, je suis amoureuse des étoiles. Celles qui sont toujours là quand tu lèves les yeux, comme si elles étaient toujours de ton côté, et qu'elles veillaient sur toi. Donc tu vois, finalement, je suis amoureuse. Et pas qu'un peu.
VOUS LISEZ
CONSTELLATIONS
Ficção GeralMax entre en deuxième année d'étude de psychologie. Pourtant studieuse et investie à l'ordinaire, ses rêves d'enfant enfouis depuis bien longtemps ressurgissent petit à petit. Elle les laisse s'installer, quitte à se faire guider par ceux-ci. Où la...