CHAPITRE 15

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26 Mars 2023, jour-J de la première partie McEwin


Une foule monstrueuse. Pas un bruit. Une voix annonce les Red Comets dans un micro. Commencer à chanter, sans que plus rien de bouge. Pas une réaction dans le public. Continuer quand même. Malgré la honte et l'angoisse qui la gagne. Pas un applaudissement. Deuxième chanson. Ne pas se décourager.

putain, on aurait jamais du faire cette première partie...

Toujours rien. La voix qui tremble. La déception, amère. Elle s'est trompée sur toute la ligne, elle n'aurait jamais dû faire chanteuse. Elle n'est pas chanteuse. Iels ne graveront jamais l'histoire. Tout ça c'est fini. Ce n'était qu'un mirage...

« – Max, wake up, on va répéter au studio... Max, darlin', lève toi, Zack et Ilio nous attendent... »

Max ouvre les yeux. En sueur. Pas de cauchemar grouillant de monstres comme quand elle avait huit ans, mais pourtant bien pire. Elle ne pensait pas que l'angoisse de cette foutue première partie la poursuivrait jusque dans ses songes nocturnes.

Sur le lit d'à côté, Hope enfile un sweat imprimé de la cover "Pablo Honey" et lui marmonne de se lever dans un franglais pas très clair.

« – T'es prête, Madonna ? C'est le jour-J aujourd'hui ! S'exclame Zack en lui proposant du café.

Max hausse les épaules, sans pouvoir s'empêcher de repenser à son rêve qu'elle n'espère pas prémonitoire. Elle n'a jamais autant doutée d'elle-même, mais elle préférerait se faire assassiner par Courtney Love plutôt que de l'avouer.

Iels répètent au studio-garage, chacun la bague des Red Comets au doigt. Hope tire nerveusement sur ses cigarettes, encore plus nombreuses que d'ordinaire. Max sent que tout le monde est stressé mais personne ne parle. Iels enchaînent les chansons sans chahuter entre les transitions. Pour une fois, Zack ne fait pas de remarques amusées sur la chemise colorée d'Ilio, qui ne l'a pas charié sur quoi que ce soit non plus.

– On fait Constellation une dernière fois, avec le solo de guitare en rajoutant une intro au piano, et on va manger, ça va vous va ? »

Hochements de têtes, même pas de plaintes sur l'heure du déjeuner, plus tardive que d'habitude. Trois, quatre, intro, premier couplet. Iels s'appliquent, avec une tension sous-jacente que chacun·e essaye de dissimuler.

« – Nous sommes une Constellation...

– Essaye de faire le dernier comme une sorte de murmure, ça pourrait faire oune petite effet, non ? Intervient Ilio, avec un accent italien plus marqué, peut-être à cause du stress.

– Ilio, on va pas tout changer à quelques heures du concert !

– On change pas tout ! C'est juste un essai sur la dernière phrase, c'est pas comme si je te demandais de remplacer le mot "Constellation" par "Nénuphar" !

Max soupire en levant les yeux au ciel.

– Allez, on refait le dernier refrain et j'essaye ton truc.

Hurry up, j'ai faim. »

Guitare, batterie en fond, léger. Début du refrain, le motif au piano, sentir les vibrations dans la gorge, respirer, surtout, bien respirer...

« – O-oh nous sommes une constellation / Nous sommes une constellation... Finit-elle dans un chuchoti parfaitement maîtrisé.

This is sooo good, dit Hope avec une mine admirative, now let's go eat I'm starving. »

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