CHAPITRE 12

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Ce soir là, il y a un peu plus de monde au bar. Ilio les attend, accoudé·e au comptoir avec un verre à la main. Max lui adresse un signe de la main en apercevant sa chemise colorée.

« – J'ai pris ma basse, dit-iel en guise de salutation. »

Zack regarde d'un œil mi-exaspéré mi-attendri Max qui s'agite en leur disant de commencer à s'installer sur la scène. N'empêche qu'il la trouve toute belle, comme ça, sans plus de doutes ni de chagrin. Peut-être que ce n'est qu'en apprence ? En tout cas dès qu'elle est dans son élément, se dit-il, elle a l'air de ne plus penser à rien à part sa musique, et la voir comme ça, ça le rend heureux, Zack, tellement heureux.

Hope, comme à son habitude, reste un peu à l'écart, fume ses cigarettes dans son coin en écoutant les autres parler. Max raconte des anecdotes de la fac, charrie Zack à propos de Vic, tandis qu'Ilio leur vante les montagnes du Piémont. Elle préfère écouter que se faire écouter, Hope. C'est comme ça, c'est son caractère. Elle a appris à l'accepter mais des fois elle se surprend à vouloir être extravertie, à vouloir prendre des initiatives sans se poser a hundred million of questions avant... Hope mordille la manche de son pull. Elle se demande comment Max fait pour avoir accepté sa maladie si rapidement, si facilement. Certes ce n'est pas très grave, et ça n'a rien à voir avec la sienne, mais Hope, ça fait bientôt toute une année entière qu'elle est malade, et elle ne l'acceptera jamais. Même si pour l'instant sa vie n'est pas en danger, et même si des tas de gens vivent très bien avec, ça la terrifie, Hope.

« – Ça va ? Tu dis rien... Tu veux une bière ?

Elle hoche la tête en souriant, rassurant Max que tout va bien. Tiens, sa tâche vers l'oeil a grossi. Ça la rend encore plus belle, même si elle le nierait probablement si Hope lui disait. D'ailleurs elle ne lui dira pas, elle a jamais vraiment su comment dire ce genre de chose. Alors elle se contente d'imaginer de formidables scénarios où elle serait extravertie, disant ce qu'elle pense. En attendant, Hope, elle dit plutôt ce qu'elle pense très fort dans sa tête, en espérant que ça parvienne jusqu'à Max, ce qui est idiot puisque ça ne marche pas. Mais ce n'est pas grave, elle a l'habitude.

– Allez, sur la scène, Roger Taylor ! S'exclame la chanteuse en s'adressant à Zack, avant d'éclater de rire.

– On arrive, Madonna ! Répond-t-il, pourtant en pleine discussion avec Ilio. »

Iels s'entendent mieux qu'il ne l'aurait pensé. Derrière son look coloré et tape-à-l'œil se cache une personnalité aussi douce que forte, passionnée et abritant une flamme de vie et de fougue qui éclaire tout ce qui l'entoure.

D'ailleurs Ilio a beau être bassiste, iel est pourtant bien remarqué·e du public tant son énergie déployée est énorme. Ça l'amuse, Zack, de le voir aussi calme au bord des comptoir et si vivant·e une basse entre les mains, c'en est presque fascinant. Finalement, il s'était peut-être trompé sur son compte. Finalement, il l'aime bien, Ilio.

Les titres s'enchaînent, les harmonies vocales de Max également. Zack trouve Hope bien silencieuse, sans savoir si c'est habituel ou non. Finalement, il l'aime bien, cette petite, aussi. Elle a l'air toute fragile derrière ses airs grunge et punkie entourés de la fumée des cigarettes qu'elle fume à longueur de journée. Il aimerait lui dire que c'est des saloperies, tout ça, mais il ne veut pas passer pour la figure paternelle un peu reloue, alors il la laisse se tuer à petit feu avec son foutu tabac.

« – Angie, I still love you babe... Everywhere I look, I see your e-eyes...

Zack s'est toujours demandé pourquoi Max chantait souvent des chansons d'amour. Est-ce que c'est parce que, très honnêtement, une grande partie de l'entièreté des ressources musicales de ce monde parle d'amour ? S'il lui a confié son histoire avec Vic, elle ne lui a jamais rien raconté de ses antécédents amoureux. A-t-elle vécu un traumatisme dans une relation passée ? Cela lui paraît impossible que Max n'ai eu personne dans sa vie. Elle est belle, intelligente et talentueuse, et tout le monde le sait, l'excuse favorite des étudiant·es – "pas le temps pour les relations amoureuses" – n'est en réalité qu'un vaste mensonge.

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