Épilogue : « Et je suis sûre que tu serais sublime. »

366 25 48
                                    

Depuis vingt bonnes minutes, le silence du salon n'est troublé que par un bruit de pages que l'on tourne. Magnus et Catarina sont assis à la table recouverte de magazines et de catalogues, parfaitement concentrés sur un choix crucial.

— Je crois que je t'ai jamais vu autant te prendre la tête sur une tenue, s'amuse Catarina en fermant un énième magazine.

— Il faut que ce soit parfait, grogne l'indonésien. Je ne peux pas faire d'erreur. Et si, en voyant Alec devant l'autel, je me rends compte que je me suis trompé ?

— Ce n'était pas ton idée de garder le secret jusqu'au mariage ?

— Ouais... Quelle idée de merde !

Il souffle longuement et referme lui aussi son magazine avant de se lever pour aller dans la cuisine. Il lui faut un autre café. Sa meilleure amie le suit, en riant. C'est vrai que c'est son idée de choisir séparément leurs costumes pour se faire la surprise, et il en était content jusqu'au moment de se pencher sur le choix du sien. Il a des goûts extravagants alors qu'Alec a des goûts beaucoup plus classiques, il craint que leurs costumes ne s'accordent pas.

Bien sûr, Alec a déjà fait son choix depuis deux semaines et Magnus n'a réussi à lui soutirer aucun indice. Pourtant, il a usé de tous ses charmes.

— Je devrais peut-être choisir une robe, plaisante-t-il. Le risque serait moins grand.

— Et je suis sûre que tu serais sublime !

Ils se mettent à rire et l'indonésien secoue la tête. Dans l'absolu, ça l'amuserait sans doute mais Robert a finalement accepté d'assister au mariage. Magnus ne sait pas par quel miracle c'est possible, sans doute ne veut-il juste pas rater le mariage de son fils aîné, même si c'est avec un autre homme. Bref, provoquer un esclandre en remontant l'allée en robe ne sera clairement pas au programme de la journée.

— Ne t'en fais pas, le rassure Catarina. Moi, je sais comment est son costume, je ne te laisserai pas choisir quelque chose qui ne serait pas harmonieux. C'est mon rôle de demoiselle d'honneur, après tout !

— Mais je t'en ai montré au moins quinze costumes différents et tu n'as rien dit du tout !

Elle rit de nouveau, sans rien dire de plus. Il ne reste qu'un mois et demi avant que la date qu'ils ont fini par choisir n'arrive et il y a encore tant de choses à préparer. Mais aujourd'hui, il a décidé qu'il trouverait son costume et ne se concentrerait sur rien d'autre.

Pas même sur le fait que, depuis quelque temps, Alec semble avoir la tête ailleurs et se perd dans ses pensées de plus en plus souvent. Même Micah l'a remarqué. Leur vie à tous les trois s'est réglée incroyablement aisément, le petit est d'un tempérament beaucoup plus calme que son père – et sa mère – bien qu'il lui arrive parfois de faire d'énormes crises de colère quand il n'arrive plus à mettre de mots sur ce qu'il ressent. Son chagrin, ses craintes qui perdurent à propos de son don. Ça dure une heure ou deux et puis ça disparaît presque comme c'est venu. Peut-être que cela se calmera. Depuis quelques jours, il n'a plus son plâtre et il a même pu prendre le car pour aller à l'école. Sa jambe est encore fragile mais d'ici quelques semaines, il sera guéri.

Et Camille n'a pas refait surface. Parfois, Magnus arrive même à passer une journée entière sans penser à elle et à ce qu'elle a fait. Il se sent un peu sur la voie de la guérison, lui aussi. Mais il lui arrive encore de se réveiller en sursaut, à cause d'un cauchemar où il se retrouve broyé sous les roues d'un camion, ou bien englouti de nouveau par cet horrible froid. Il n'en parle que très peu, le seul au courant c'est Alec, parce qu'il ne peut ni ne veut rien lui cacher. Il s'est déjà remis de Victor, il se remettra de Camille. Bref, « cela aussi passera ».

La porte d'entrée s'ouvre soudain et fait sursauter les deux amis, de nouveau concentrés sur leurs recherches. Magnus ferme vivement le catalogue avant de regarder l'heure. Il est à peine quatorze heures, ça ne peut pas être Micah qui revient de l'école. Alec apparaît dans l'encadrement de la porte sans même avoir pris le temps d'enlever ses chaussures, il est un peu essoufflé, et se fige quand il se rend compte que son fiancé n'est pas seul.

— Alec, tout va bien ? s'inquiète aussitôt l'asiatique en se levant.

— Oui ! Oui, ça va !

Le brun traverse la pièce à grandes enjambées et prend Magnus dans ses bras. Le plus âgé échange un regard surpris et un peu préoccupé avec l'infirmière. Si tout va bien, pourquoi est-il si bouleversé ? Tendrement, il passe ses mains dans le dos d'Alec qui cherche ses mots. Il s'écarte après plusieurs minutes.

— J'ai reçu un appel de la clinique.

— La clinique ? Pourquoi ?

— J'y suis allé. Je suis allé voir le médecin... Et j'ai fait les examens supplémentaires.

Magnus hausse les sourcils, de plus en plus surpris. Depuis leur retour de San Francisco, il n'a jamais trouvé l'occasion de reparler de ça, pour ne pas risquer de se disputer à nouveau avec lui.

— T-tu ne m'avais rien dit, souffle-t-il, désarçonné.

— Non, parce que... Je ne voulais pas ramener le sujet pour rien. Et je ne voulais pas te donner de faux espoirs.

— Okay.

Toujours sans comprendre, l'indonésien regarde son compagnon, attendant une suite. Pourquoi lui en parle-t-il maintenant, alors ? Son cœur s'accélère un peu tandis qu'une première réponse se forme dans sa tête.

— Du coup, si tu m'en parles, c'est que...

— Le médecin vient de me donner les résultats, explique le brun en hochant la tête. Je ne suis pas stérile. On va pouvoir avoir un bébé.

Ses yeux se remplissent de larmes – tout comme ça a déjà été le cas une demi-heure avant, quand le médecin lui a appris la nouvelle – et Magnus l'attire de nouveau contre lui. Il resserre, lui aussi, ses bras sur la taille de l'indonésien. Il est tellement heureux qu'il n'arrive même pas à le formuler. Depuis les examens, il avait tellement peur de se faire, à lui, de faux espoirs. Plus d'une fois il s'est traité d'idiot d'avoir essayé, en tentant de se persuader qu'il n'y aurait pas de bonne nouvelle pour ne pas être écrasé au moment fatidique.

Durant quelques minutes, ils ne sont plus que tous les deux, même la pauvre Catarina a complètement disparu de leurs radars, mais elle est bien trop heureuse pour eux, elle aussi, pour les taquiner. Après tout ce qu'ils ont traversé, même s'ils aiment Micah de tout leur cœur, ils ont droit à ce bonheur, n'est-ce pas ?

Extralucid Love - 2. Un fantôme du passé [Malec AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant