Chapitre 1 : « Merci d'avoir fait ça pour moi. »

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D'un pas tranquille, Magnus traverse le couloir jusqu'à l'ascenseur qui le ramène au rez-de-chaussée. Il essuie ses joues et examine son maquillage dans le miroir de la petite cabine. Quelque part, il se félicite encore d'avoir investi dans du maquillage waterproof qui l'est vraiment. Il rejoint ensuite le parking derrière le bâtiment et va s'installer dans sa voiture.

Alec, assis côté passager, est au téléphone et a adopté son attitude professionnelle pour ne pas laisser deviner son trouble à quiconque pourrait l'entendre. Alors Magnus ne dit rien. Il se contente de glisser le papier rose pétant que vient de lui donner le psychologue devant son compagnon, le collant sur le tableau de bord. Alec hoche lentement la tête et le prend pour le lire. L'indonésien n'écoute que d'une oreille alors qu'il part en direction de leur maison.

Ils sont encore à mi-chemin quand le plus jeune grogne au téléphone, jetant un regard discret à l'indonésien :

— Je préfère qu'il t'appelle plus tard pour les détails. Je t'avoue que je n'ai pas très envie de savoir ce qui s'est passé après que je suis parti.

Magnus sourit et secoue la tête, amusé. Il reste concentré sur sa conduite, même quand Alec, après avoir raccroché, se cale contre le dossier en soupirant longuement. Le silence s'installe, un peu gêné et tendu, alors l'indonésien tend le bras pour allumer la radio. Puis ses longs doigts viennent effleurer ceux d'Alec, que le jeune homme garde sur sa cuisse.

Le trajet se termine sans qu'ils ne s'adressent la parole. Ce n'est qu'une fois devant la porte de chez eux, alors que Magnus se bat avec son trousseau de clés – décidément, il va falloir qu'il sépare ses clés personnelles et ses clés professionnelles parce qu'il ne s'y retrouve plus – qu'Alec vient l'enlacer en se plaquant contre son dos. Le front posé sur l'épaule de son fiancé.

— Je n'aime pas quand on se dispute, souffle-t-il. Même pour de faux.

— Moi non plus, mon ange.

Posant ses mains sur celles du détective, l'extralucide soupire doucement. Non, il n'aime pas ça. Mais maintenant qu'Alec est tout contre lui, il se sent déjà mieux.

— Merci, lui dit son compagnon. Merci d'avoir fait ça pour moi.

— Tu n'as pas à me remercier pour ça, voyons.

— Si. Parce qu'en prime, je t'ai frappé.

— Oh chéri...

Le plus âgé se retourne pour faire face au brun qui porte clairement sur son visage le dégoût qu'il ressent d'avoir porté la main sur lui.

— Tu ne m'as pas « frappé », je n'ai rien senti.

En réalité, c'est un demi-mensonge, mais il ne tient pas à accabler Alec alors qu'il s'en veut déjà pour le geste lui-même. La main tendre du brun se pose sur la joue de l'indonésien et la caresse doucement. La caresse est la même que celle du psychologue, et pourtant il n'y a que les doigts d'Alec pour faire déraper son cœur. Magnus rit doucement :

— Et puis il fallait ça, tu n'étais pas convaincant quand tu faisais des sorties dramatiques.

— Ah... C'est vrai. Ça, c'est ton truc.

Enfin, un sourire étire ses lèvres charnues et il les pose sur celles de Magnus qui répond aussitôt à son baiser, les bras enroulés autour de son cou.

Le métier de détective privé n'implique que peu souvent des affaires à la Sherlock Holmes. Luke et Alec sont davantage contactés pour trouver des preuves d'adultères que pour sauver l'héritier des Baskerville d'un chien démoniaque. Et pour les histoires d'infidélité, il est parfois plus simple de tendre un piège à la personne soupçonnée. Mais autant Luke est capable de faire semblant de draguer une femme mariée, au besoin – avant de se faire pardonner auprès de Maryse –, autant se faire passer pour le mari d'Alec, ce n'était pas dans ses cordes. En face d'un psychologue, il fallait qu'ils soient tout de même convaincants. Luke a alors proposé de demander à Magnus d'accompagner Alec pour voir si ce mec est vraiment du genre à séduire ses patients. D'après le mari du psychologue, ce n'est pas la première fois qu'il le fait, mais il leur a été impossible de trouver les autres aventures potentielles. Maintenant, Luke et le client vont pouvoir retrouver cet homme au rendez-vous qu'il a donné à Magnus, noté sur le post-it rose, et lui présenter les papiers du divorce.

Bien sûr, ils se sont préparés pour cette entrevue mais jusqu'au dernier moment, ils ne savaient pas lequel des deux était susceptible de plaire au psychologue. Pas que ça ait été difficile à découvrir, vu les regards que l'homme portait sur l'indonésien. Plus longs et appuyés que lorsqu'il regardait Alec. Deux signaux possibles. Remonter la manche du côté droit : Alec lui plaît. Du côté gauche : c'est Magnus. Et il n'y avait plus qu'à se disputer. Tout était prévu, jusqu'à la gifle théâtrale.

Compte tenu de l'heure, Magnus se dirige aussitôt vers la cuisine, puisque c'est à son tour de préparer le repas. Alors qu'il se creuse la tête devant le réfrigérateur ouvert, Alec le rejoint et va s'appuyer contre le comptoir, les yeux rivés sur le post-it qu'il a de nouveau dans la main. Il doit l'amener à Luke, demain, mais une pensée désagréable le fait souffler, mâchoires serrées.

— Quelque chose ne va pas, chéri ? demande Magnus en fermant le réfrigérateur.

Le brun relève les yeux, surpris. Il ne s'attendait pas à attirer l'attention de son amant. Il secoue la tête et met le papier dans son portefeuille. Il n'a pas très envie de lui dire le fond de sa pensée, parce que c'est idiot et qu'il n'aime pas montrer ce côté de lui. Les doigts vernis s'enroulent néanmoins autour de son poignet.

— Dis-moi, s'il te plaît, insiste Magnus. J'ai fait quelque chose ?

— Non. Non, bébé, c'est moi.

Il pousse un nouveau soupir, excédé par ses propres réactions et prend l'indonésien dans ses bras. Il enfouit son visage contre la peau caramel et inspire sa délicieuse odeur pour réussir à se calmer.

— Je déteste l'idée que ce mec t'ait donné rendez-vous dans un hôtel qui loue des chambres à l'heure, finit-il par avouer, à contrecœur.

— Oh.

Le médium retient un rire et passe ses bras autour de la taille du brun pour le rassurer. Il ne s'attendait pas à ce genre de réaction, surtout pas pour un détail aussi minime à ses yeux.

— Ce n'est pas comme si j'avais l'intention d'y aller, continue-t-il.

— Je sais bien, c'est juste... Te donner rendez-vous, à toi, dans ce genre d'endroit...

— Comment ça ?

— Mais... Tu mérites mieux que ça ! Croire qu'il aurait assez d'une heure pour se rassasier de toi... Je croyais que les psys étaient censés être intelligents !

Cette fois, Magnus éclate de rire et Alec resserre son étreinte pour continuer à se cacher. Bien sûr que ses propos n'ont pas de sens, il s'en rend compte mais c'est ce qu'il ressent. Il n'y peut rien, il est jaloux, et savoir que cet homme s'est imaginé coucher avec son fiancé l'empêche de réfléchir correctement. Quand le rire de Magnus cesse, il s'écarte pour voir son sourire.

— Tu devrais rappeler Luke pour lui raconter ce qui s'est passé quand je suis parti. Il a l'air de vouloir des détails pour le confronter plus franchement, puisque ni toi ni moi n'y serons.

— Tu n'y seras pas ? s'étonne le trentenaire.

Pour toute réponse, Alec se contente de secouer la tête et sort de la cuisine, peu désireux d'entendre cette conversation. En entrant dans le salon, il s'aperçoit qu'un message a été laissé sur la ligne de la maison.

Magnus attrape son portable pour appeler Luke, autant mettre cette histoire derrière eux très vite. Le détective décroche aussitôt et, après les banalités d'usage, demande à l'indonésien de lui donner les informations qui lui manquent. Sans parler trop fort, il explique à Luke les quelques caresses données par le psychologue pour le séduire, les baisers qu'il a essayé de lui voler et la triste histoire d'un mariage malheureux qu'il lui a raconté. Au demeurant, il pourrait ne pas avoir menti, mais pour avoir la sympathie de Magnus il aurait fallu qu'il ne trompe pas son mari dès qu'il en a l'occasion. En plus de ça, profiter de la détresse de ses patients venus lui demander conseil, c'est sacrément tordu.

Après avoir raccroché, il va voir Alec dans le salon, bien décidé à passer à autre chose. Il n'a pas très envie de cuisiner, alors ils pourraient se faire livrer quelque chose. Et ensuite regarder tranquillement un film, lovés l'un contre l'autre sur le canapé. Mais quand il arrive dans l'autre pièce, il trouve Alec, debout devant le guéridon sur lequel est posé le téléphone.

— Il y a un message de la clinique, dit Alec en redressant les épaules.

Extralucid Love - 2. Un fantôme du passé [Malec AU]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant