Chapitre 4

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   Le quartier n'était pas très animé. A tout juste huit heures du matin, la ville sortait doucement de sa torpeur nocturne ; on était bien loin de l'affluence qui surviendrait dès lors que l'heure serait plus avancée. Les rues pavées louvoyaient entre les immeubles et les boutiques en tous genres. Tout était plein de couleurs, que ce soient les gens, les vitrines des magasins ou encore les quelques tags épars, parfois sans intérêt aucun, parfois avec une véritable touche artistique. Deux jeunes femmes discutaient, l'air grave et le pas pressé, un vieux monsieur lisait le journal sur un banc à l'ombre d'un chêne et un jeune homme ouvrait justement sa boutique, apparemment un antiquaire.

    Dans tout cet environnement qui prenait vie sous une brise fraîche, Zoro faisait travailler ses méninges à toute vitesse. Il avait froid, étant sorti en simple T-shirt, et devait impérativement trouver où se cacher avant l'arrivée du sourcil enroulé. Frictionnant ses bras constellés de chair de poule, il hésita longuement à se réfugier dans l'arbre avant de se dire que ce n'était pas assez recherché. Il eut l'idée de courir où ses pas voudraient bien le mener, l'éloignant ainsi de son poursuivant, mais ce n'était pas fairplay. Il avisa une plaque d'égout à ses pieds, mais sa fierté lui fit rejeter immédiatement cette pensée. Le temps filait, et il n'avait pas de solution viable. Il se gratta la nuque un moment avant de s'engouffrer dans une ruelle non loin de là.

    Etriquée à tel point qu'il ne fallait pas être trop enrobé pour s'y faufiler, elle était un excellent spot pour qui savait escalader. Une chance pour Zoro dont les muscles n'était jamais aussi efficaces que lorsqu'il s'agissait de plomber la vie du blondinet, et qui eut vite fait de s'accrocher aux aspérités d'un mur tout en s'appuyant sur l'autre afin de grimper. Dix centimètres par dix centimètres, il finit par atteindre le rebord d'une fenêtre. Il se hissa dessus, s'agrippant aux barreaux pour jeter un œil et voir où menait cette fenêtre. Il faisait trop sombre dans la pièce pour qu'il y voir quoi que ce soit et loin de lui la perspective de rentrer là-dedans par effraction. Il se recula encore plus dans le renfoncement, recroquevillé sur lui-même pour rentrer dans l'espace délimité par la petite lucarne. Les barreaux lui rentraient dans les côtes et une jambe pendouillait dans le vide, menaçant de le faire basculer vers le sol à facilement dix mètres de là. Néanmoins satisfait de sa cachette, Zoro vérifia le chronomètre qui n'indiquait plus que sept minutes vingt à Sanji pour le retrouver. Avec un sourire en coin, il se dit qu'il avait du temps devant lui, assez pour piquer un somme.

   « T'es vraiment con en plus d'être hyper repérable, » déclara une voix bien connue qui se répercuta le long des parois rapprochées.

   Zoro manqua de tomber, surpris par l'arrivée inattendue du sourcil en vrille. Il baissa la tête, croisant le regard agacé de son compagnon de voyage qui pianotait du pouce sur l'écran de son téléphone. Il lui intima de redescendre, ce à quoi Zoro répondit par une ignorance superbe, se réinstallant même sur sa lucarne le moins inconfortablement qu'il pût. Impossible qu'il l'ait trouvé aussi tôt. Sa fierté accusait le coup.

   « C'est une belle invention, la géolocalisation. Encore plus quand il s'agit de trouver quelqu'un de trop teubé pour la désactiver, renchérit-il.

   — Tricheur, cracha le vert, dégouté.

   — T'as perdu, t'es une sous-merde, maintenant tu descends.

   — Viens me chercher, » rétorqua-t-il du tac-au-tac, supportant mal la condescendance de l'autre.

   Ils s'affrontèrent un moment du regard tandis que sonnait une cloche non loin. Leurs fiertés s'entrechoquaient, ainsi que l'irritation presque palpable de devoir joueur au chat et à la souris. Une profonde flemme de rentrer ensemble les étreignait, cependant l'ombre de la rousse tyrannique planait sur eux, les dissuadant de faire bande à part.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant