Chapitre 45

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« Charmante, cette petite brasserie. Il y a une ambiance de taverne de village très sympathique, j'aime beaucoup.

- Arrête d'en faire des caisses et bois-la, ta fichue bière, » cingla Sanji, la joue enfoncée dans sa main.

Zoro ricana, mais s'étouffa avec sa salive, ce qui lui déclencha une quinte de toux devant laquelle le blond ne put que s'esclaffer. Il avait gagné son pari, celui de rentrer à la gare avant le départ du bus à Saint-Sébastien. Même devant la stupéfaction générale, il n'avait rien voulu dévoiler quant à ce qui lui avait permis d'arriver à l'heure au point de rendez-vous. Bien que cela lui coûtât, Sanji tint parole et l'emmena dans une brasserie dont la terrasse donnait sur une cour intérieure garnie de plantes, de sculptures artisanales et d'oiseaux en céramique perchés sur des rondins de bois. Un cadre agréable qui les avait tous deux séduits, leur offrant une tranquillité qu'il était impossible de trouver à la villa, avec les autres.

« Quand est-ce que tu t'es fait percer l'oreille ?

- Oh, ça ? dit Zoro en portant sa main à son lobe gauche. Au collège, quand j'ai commencé à vouloir faire ma racaille. Ça plus ma cicatrice à l'œil, ça me donnait vraiment une dégaine de Yakuza en devenir. Et en plus, tout le monde savait que je faisais du kendô. C'était un peu moi la terreur du quartier.

- Ça ne me surprend absolument pas, pouffa Sanji en s'imaginant un Zoro plus petit et moins musclé, les sourcils froncés et un bokken dans les mains en train de poursuivre ses camarades de classe dans les recoins sombres de la cour de récréation. Raconte-moi tout, je veux savoir si t'étais une racaille digne de ce nom !

- Pff, genre tu t'y connais en racaille ! » Il prit une gorgée de bière, s'enfonça dans sa chaise et croisa les bras, un sourire flottant au visage. « Je traînais avec une bande de crétins qui me trouvaient cool. Pas des vrais amis, mais des mecs suffisamment cons et sympas pour faire les quatre cents coups avec moi, foutre le bordel en cours, passer des soirées à boire de l'alcool et manger des bonbecs sous un pont. J'ai arrêté de compter le nombre de fois où je me suis fait sortir de cours et exclure de l'établissement. Je parlais mal, j'en branlais pas une, je menaçais mes camarades, bref, j'étais un vrai enfoiré. Mais les mecs qui me suivaient l'étaient encore plus, ils rackettaient, ils tabassaient, ils volaient. L'un d'entre eux est décédé d'overdose au lycée, d'ailleurs. J'approuvais pas spécialement ce qu'ils faisaient, mais je ne faisais rien pour les en dissuader non plus, donc j'étais coupable aussi de tous ces délits. Enfin, je me rends compte que j'étais vraiment, vraiment stupide, mais à l'époque, je me complaisais là-dedans. Je buvais, je me marrais, j'avais des potes. Les conséquences m'importaient peu.

- Tu buvais déjà à treize ans ? Tu m'étonnes que t'aies un problème avec l'alcool maintenant !

- Rigole pas, ça vient vraiment de là ! J'étais un petit imbécile qui se croyait au-dessus de tout, qui pensait pouvoir échapper à l'addiction, à l'autorité, aux règles.

- C'est beau, ce regard critique que t'as sur ta jeunesse, reconnut Sanji avec une moue admirative. Comment tu t'es assagi ? T'es quand même bien plus fréquentable maintenant que ce que tu viens de décrire.

- Figure-toi que c'est notamment Kidd qui m'a tiré de là. On s'est rencontrés au lycée. Tu vois le personnage aujourd'hui ? C'était le même il y a six ans. Gueulard, extraverti, sans filtre, orgueilleux et insupportable. Je crois que lui ai plu dès l'instant où je suis entré dans la salle de classe. Il a pas arrêté de me parler, de me coller, de me casser les couilles au point qu'on est devenus amis sans que je comprenne comment. Il était tellement différent des cassos avec lesquels je traînais avant, on pouvait vraiment rire de tout, passer des soirées cool sans qu'il y ait ni alcool, ni cigarettes, ni film porno de mauvaise qualité. On pouvait parler sans que ça tourne toujours autour du cul et de l'illégalité, on pouvait jouer, on pouvait être sérieux tout comme on pouvait faire les cons... C'était et c'est toujours un ami en or. Et bien sûr, le kendô aussi m'a fait revenir dans le droit chemin. Je m'étais trop écarté du bushidô, mon maître me l'a fait comprendre. Je respectais bien trop la voie du sabre pour en bafouer les principes et j'ai préféré le chemin des samouraïs d'antan à celui de la racaille qui a échoué scolairement. C'est niais sa mère, mais j'étais vraiment heureux d'être de retour au dojo, en accord avec mes principes et ceux du bushidô. Et d'avoir un excellent ami.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant