Chapitre 43

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   « Il est cinq heures du matin, bordel de merde ! Cinq heures du mat et vous vous tapez votre meilleure rave dans la maison ! Ayez au moins la décence de sortir, d'aller vous perdre dans les bois reculés et d'y balancer votre musique de tarés loin de toute civilisation désireuse de dormir ! J'vais vous en mettre, moi, du son dans l'avion alors que vous essayerez vainement de pioncer ! Ça va être neuf heures de pur bonheur, vous allez rentrer chez vous avec des cernes plus conséquents que votre avenir ! »

   Zoro regarda bien en face la jeune femme rousse, assommée de fatigue et les yeux injectés de sang, qui se tenait debout au milieu du salon. Il porta une canette de bière à ses lèvres et, sans cesser de fixer une Nami aussi furieuse qu'exténuée, rappuya sur l'écran de son téléphone pour relancer la musique. Dans la grande pièce éclairée par les lumières criardes de la télévision, les basses vibrantes et les notes aiguës s'élevèrent dans un trémolo tonitruant de synthétiseur. Sans plus se préoccuper de la mine désespérée de Nami, il se rallongea à moitié sur Sanji, la tête sur ses cuisses, et reprit sa manette.

   « Si j'avais voulu partir en France avec ma daronne, je lui aurais pris un billet, ajouta-t-il sous les gloussements de Yamato et Luffy, étalés sur le tapis.

   — Si j'avais voulu partir avec une classe de maternelle, j'aurais pris un billet à chacun des trente gosses, » répliqua-t-elle en retournant se coucher, excédée.

   Les hommes purent reprendre tranquillement leur divertissement nocturne qui consistait à s'affronter à Super Smash Bros tout en rappant comme ils le pouvaient sur les grands titres du hip-hop japonais. Cette seconde partie de leur activité était plus délicate du fait de leur état de fatigue avancé, la quantité de bonbons qu'ils avaient ingurgité et leur position avachie qui ne favorisait pas leur articulation. Zoro avait découvert le confort des jambes de Sanji qui lui servaient donc d'oreiller depuis de longues heures. Il avait allègrement envoyé chier sa fierté pour se blottir contre lui, mettant cette faiblesse d'âme sur le compte des quelques verres d'alcool qu'il avait bus pour se concentrer uniquement sur le jeu qui se déroulait sur le grand écran du salon.

   Le blond avait déjà perdu ses vies et se contentait de murmurer les paroles de la chanson entre deux insultes à l'encontre du reste du groupe. Il jouait doucement avec les cheveux de Zoro, s'amusant de leur rugosité et des épis qu'ils formaient. On eût dit un hérisson dont les pics avaient pris la couleur du gazon. Cette analogie le fit sourire et il laissa son pouce effleurer la cicatrice qui l'avait rendu borgne. C'était une longue aspérité pâle, un fin renflement qui s'étendait du haut de son arcade sourcilière au milieu de sa joue, traversant au passage sa paupière définitivement close et ses cils courts. Elle ne le défigurait pas, au contraire. Elle ne faisait que le rendre plus beau encore.

   Son pouce poursuivit sa trajectoire jusqu'à ses lèvres qu'il caressa distraitement. Sans détourner son attention de l'écran, Zoro embrassa pudiquement son doigt, juste assez délicatement pour arracher un rire touché à Sanji, juste assez fort pour qu'il n'eût pas l'impression d'avoir rêvé. C'étaient ces petits contacts physiques inopinés, ces touchers volés en secret qui témoignaient d'une affection sincère bien mieux que toutes les déclarations au monde. Le vert n'était pas quelqu'un de tactile, il ne se laissait pas aller aux étreintes, il n'aimait pas qu'on le colle. Mais là, c'était lui qui recherchait la proximité du blond et ce dernier n'en était que plus attendri.

   « Allez vlan, j'vous ai mis la misère ! s'exclama justement Zoro en levant le poing, victorieux.

   — J'veux ma revanche ! s'écria Luffy, frustré de perdre pour la douzième fois consécutive.

   — Tu ne veux pas plutôt admettre ma supériorité écrasante ? railla-t-il alors que les scores s'affichaient.

   — On peut faire un Mario Kart ? proposa Yamato en mastiquant un dragibus. On verra si ta supériorité écrasante sera si écrasante que ça.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant