Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la place

Chapitre 29

   « Bouge de là !

   — T'as une carapace rouge qui te guette, fais pas trop le malin !

   — C'est qui le con qui vient de se prendre une peau de banane ?!

   — Putain, c'est abusé que tu gagnes là-dessus ! »

   Zoro se laissa tomber sur les oreillers, frustré. Il serrait sa manette fort dans ses mains, faisant blanchir les jointures de ses doigts. Sabreur certes, grand admirateur de la pensée des samouraïs en effet, mais toutes les vertus qu'il en tirait disparaissaient aussitôt qu'on le défiait à Mario Kart. Elles disparaissaient d'autant plus vite lorsque le challenger en question était Sanji, tout fier de sa victoire à quelques secondes près. Ce dernier se rengorgeait et le houspillait de se relever pour jouer la manche suivante.

   « Allez, debout ! T'as encore deux manches pour te rattraper !

   — Nan, j'en ai qu'une, le contredit Zoro en se redressant. Si t'es trois fois premier, je pourrais pas remonter. Donc il faut que je te nique dès cette manche. Crois-moi que tu vas t'en bouffer, des carapaces.

    — Prétentieux et insolent, j'adore ça, » s'esclaffa le blond en lançant la deuxième manche.

   Tout en feignant de ne pas avoir compris le vague sous-entendu séducteur qu'il venait de lui faire, Zoro se rassit correctement sur leur lit défait et se prépara à la guerre. Waluigi, moto flamboyante, pneus et parachute par défaut. Simple, efficace, suffisant pour lui assurer la victoire. Le compte à rebours s'afficha, décompte interminable durant lequel il inspira profondément. Son genou frôlait celui du blond. Pas tout à fait un contact, pas tout à fait une mise à distance, un entre-deux dont il ne savait quoi penser. Il s'efforça de l'ignorer pour se concentrer sur la course. Trop d'enjeu pour se préoccuper de telles futilités.

   Trois minutes de tension, de carapaces, de dérapages et d'insultes plus tard, Zoro gagnait. Digne dans sa fierté, il se contenta d'un méprisant « Tu disais ? » avant de le sommer de lancer la troisième manche. C'était tendu, terriblement tendu. Leurs yeux étaient rivés sur l'écran de chargement, concentrés comme ils l'avaient rarement été. Concentré, le vert l'aurait été si leurs genoux avaient cessé de s'effleurer. C'était insupportable, mais il ne parvenait pas à se convaincre de bouger. Ses doigts se crispèrent sur la manette. Il détestait cette sensation de ne pas être maître de son propre corps.

   « Ta gloire ne durera pas, désolé de te l'apprendre, lança Sanji avec un rictus condescendant.

   — C'est moi qui devrais m'excuser de t'éclater autant, rétorqua-t-il en appuyant sur l'accélérateur.

   — Te la raconte pas trop vite, tu risques d'être déçu. »

   Zoro s'abstint de surenchérir. La réussite se ferait par les actions, non par les paroles. Deux manches après cette résolution honorable, il criait au scandale et incendiait copieusement le blond de ses commentaires fleuris et distingués. Le coup de klaxon juste avant la ligne d'arrivée, ça l'avait achevé. C'était dégoûtant de perdre là-dessus. Il se désarticula et glissa entre la couette, les draps et trois oreillers qui s'étaient glissés là. C'était nul, Mario Kart. Un jeu pour les gosses, vraiment.

   « Tu pourrais me féliciter, au lieu de rager comme ça, le provoqua Sanji en posant sa manette au sol.

   — Va crever, grogna Zoro d'une voix étouffée par l'amas de literie dans lequel il s'était jeté.

   — Oh, allez, tu veux ta revanche ? Je pourrais t'humilier une seconde fois.

   — On parie ? demanda-t-il en levant vers lui un œil inquisiteur.