Chapitre 46

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   C'était leur dernière soirée à Bidart. Ils devaient partir le lendemain soir dans un train de nuit qui les ramènerait à Paris pour prendre un avion dans la matinée qui les ramènerait au Japon. Une douce tristesse se mêlait à l'effervescence générale. Ces trois semaines étaient passées si vite, ils avaient l'impression de n'avoir rien eu le temps de faire.

   Robin planifiait déjà son prochain voyage en France pour découvrir des lieux aussi typiques qu'historiques en sirotant paisiblement son thé glacé sur une chaise longue de la terrasse. A ses côtés, Law lisait un épais livre sur la gastro-entérologie à lumière des lampes de jardin et marmonnait régulièrement des choses à propos du nerf vague. Tashigi, Bonney, Luffy et Yamato étaient partis se promener en ville, prétextant l'achat de quelques souvenirs. Nami, quant à elle, fredonnait dans la salle de bain dans laquelle elle était enfermée depuis au moins trois quarts d'heure.

   « Pourquoi je me retrouve à éplucher des putain d'oignons ? pesta Zoro, affublé de force d'un tablier. Prépare le dîner si ça t'amuse, mais m'embarque pas là-dedans !

   — Ferme-la et épluche. Tu seras bien content d'avoir des oignons dans ta bolognaise, répliqua Sanji qui faisait sauter des poireaux et des lardons pour la soupe. A moins que t'aies peur de chialer ? T'inquiète, ça arrive même aux plus grands.

   — Je chiale pas, moi ! grogna-t-il en sentant de douloureuses larmes lui monter à l'œil. File-moi un couteau, que j'te coupe tout ça en rondelles.

   — Fines, les rondelles, ordonna le blond en lui tendant une longue lame.

   — C'est pas toi qui va m'apprendre à manier un couteau, blondinette.

   — Arrête de m'appeler blondinette.

   — OK blondinette. »

   Tout en esquivant la pichenette de Sanji, Zoro entreprit de se motiver pour couper ses oignons. Il expira fort, invoqua les esprits des dizaines de grands bretteurs dont les pieds avaient foulé le sol du dojo qu'il fréquentait et planta la pointe du couteau dans la planche pour garder un appui stable. Il ne devait pas pleurer, surtout pas. Pas pour des oignons. Il se devait d'être plus fort que ses réactions physiologiques face aux molécules irritantes dégagées par le légume. L'esprit devait triompher. Ce n'était qu'une question de volonté.

   « Tu coupes ou tu récites une prière à Bouddha ? J'ai besoin de lancer la cuisson, là.

   — J'vais te les faire bouffer crus, tes oignons, grommela Zoro en s'exécutant, frustré d'avoir été interrompu dans ce moment de recueillement.

   — Les oignons blancs frais sont excellents crus, ceux-là clairement moins, l'informa le blond en sortant la viande hachée du réfrigérateur.

   — T'es sûr ? » Il croqua dans un morceau d'oignon et le regretta aussitôt. Une moue dégoûtée au visage, il but un verre d'eau entier pour faire passer le goût fort. « C'est dégueulasse.

   — Personne ne pouvait s'y attendre, ironisa Sanji en levant les yeux au ciel, à la fois amusé et exaspéré de son entêtement. Tu finis ou tu fous quoi, j'en ai marre de te voir glander dans ma cuisine !

   — Eh, c'est toi qui m'as embauché ! T'assume maintenant ! Et si je veux mettre une demi-heure à couper trois oignons, je le ferais !

   — T'es un vrai gosse, donne-moi ça ! » s'exclama-t-il en le poussant d'un coup d'épaule.

   Il lui prit étonnamment doucement le couteau des mains et finalisa prestement la tâche. Il jeta les rondelles d'oignons dans une poêle huilée avec quatre gousses d'ail émincées qu'il remua avec une spatule en bois. D'un geste du menton, il intima à Zoro d'ajouter les morceaux de carottes et de continuer de mélanger jusqu'à ce que les oignons dorassent. Le crépitement des légumes sur l'huile et le doux bouillonnement de la soupe qui mijotait se mêlaient aux parfums appétissants qu'ils dégageaient déjà. La faim se faisait vite sentir, quand on cuisinait.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant