Chapitre 14

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   « J'en ai marre. Marre, marre, marre. Vous avez vingt-et-un ans, vous agissez comme si vous en aviez quinze de moins. La maturité est morte et enterrée, l'espoir de tirer quelque chose de vous aussi, la volonté de passer un séjour paisible encore plus. Vous êtes des adultes, bon sang ! Comportez-vous comme tels !

   — A quel moment on s'est pas comportés en adultes ?!

   — Zoro. Tu t'es fait jeter dans une fontaine il y a deux minutes. Tu as poursuivi Sanji avec une baguette de pain. Je n'appelle pas ça un comportement d'adulte. »

   Zoro se renfrogna en grognant des « j't'en ficherai de la maturité, moi » de mauvaise foi. De ses cheveux hirsutes tombaient des gouttes d'eau translucides et créaient à ses pieds une flaque dans laquelle baignaient ses chaussures éraflées. Les passants s'attardaient légèrement puis repartaient avec un sourire amusé en le voyant trempé de la tête aux pieds, les bras croisés dans un vain espoir de conserver sa prestance.

   Nami, plus exaspérée que furieuse, tapait du pied en les foudroyant du regard, Sanji et lui. La tête baissée en signe de soumission, ils étaient assaillis par ses sermons offusqués et ses œillades mutines. Zoro aurait bien rétorqué que c'était elle qui les infantilisait, à les chaperonner et les materner sans cesse, mais il se doutait bien qu'avec sa baguette dans une main et son T-shirt gorgé d'eau dans l'autre, son argument serait invalide. Alors il se taisait et subissait les foudres de la rousse avec un stoïcisme exemplaire pour son envie viscérale d'étriper le blond. Il se calmait en se disant que ce n'était qu'un juste retour des choses. Il avait caché les clés de sa chambre de telle sorte qu'il ne les retrouvât pas, forçant Sanji à passer par le toit s'il voulait y entrer ou en sortir. Il n'était pas peu fier de son coup, c'est pourquoi il contenait ses envies de meurtres en se rassurant avec la perspective d'une vendetta mutuelle qui lui donnerait raison sur le long terme.

   « J'imagine que si je vous interdis d'aller au nocturne du Panthéon vous allez vous en foutre ?

   — Oui, opina Zoro en lorgnant la longue cicatrice qui parcourait son torse, d'une couleur rougeâtre après le contact brutal de l'eau froide.

   — Non, ça m'intéresse, moi ! s'exclama Sanji en relevant vers elle un visage déconfit.

   — J'aimerais te dire que tu ne mérites pas d'y aller, mais tu fais ce que tu veux, soupira-t-elle en jetant un œil à sa montre.

   — Faudrait savoir ! On est incapables de se gérer seuls ou on est des adultes responsables ? répliqua le vert en levant le nez vers le ciel qui commençait à se parer des couleurs mordorées du crépuscule.

   — Les deux à la fois et ça me soule ! » déplora Nami en faisant signe à Robin et Law qui revenaient, boissons fumantes dans les mains. Elle claqua de la langue puis pointa un doigt accusateur sur eux. « Démerdez-vous. La règle stipulant que vous ne devez pas finir chez les flics est toujours valable. La fontaine vous appartient. »

   Elle leur tourna le dos et partit d'une démarche fâchée rejoindre les autres. Zoro et Sanji restèrent cois un moment, silencieux dans leur indécision. Le premier arracha un bout de sa baguette qu'il engloutit aussi sec tandis que le second s'allumait une cigarette. Droit dans son costume marine, les cheveux parfaitement lissés, il avait l'allure arrogante de quelqu'un qui avait réussi son coup ; son rictus présomptueux n'avait pas quitté ses lèvres depuis qu'il l'avait jeté dans l'eau.

   « T'as froid ? s'enquit-il en remarquant son bras constellé de chair de poule.

   — Non.

   — T'as froid, victime.

   — Tu veux dire bonjour à la fontaine, toi aussi ? menaça Zoro en prenant un autre bout de pain.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant