Chapitre 18

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   « Oh putain.

   — J'aurais pas dit mieux. »

   Bouche bée, Sanji fixait d'un air décontenancé le boulevard qui se déroulait devant lui. Zoro, guère moins choqué, eut au moins la décence de pincer les lèvres pour contenir sa surprise. L'interminable rue dépassait tout ce qu'ils avaient pu imaginer. Les devantures criardes se succédaient, les luminaires aguicheurs clignotaient à tout va, le brouhaha ininterrompu de la capitale entonnait sa mélopée de klaxons et de cris.

   « Je vais la tuer, déclara le vert en croisant les bras. 

   — Tu tues rien ni personne, encore moins la délicieuse Robin, abruti !

   — T'as vu où on est ?! s'exclama-t-il en désignant l'avenue d'un bras consterné. Le quartier de la débauche et de l'immoralité ! »

   Le blond ne trouva rien à répliquer de suite, semblant même partager un instant l'avis de son comparse. Prostrés sur leur trottoir entre un immeuble insalubre et le trafic bouchonnant, un dilemme cornélien naquit dans leurs esprits hésitants : mettre ou non un pied à Pigalle, le gigantesque boulevard où les échoppes toutes plus sulfureuses les unes que les autres se battaient pour avoir l'étalage le plus suggestif.

   « Mais qu'est-ce que je fous là ? grommela Zoro en faisant volte-face pour quitter les environs, gagné par le sentiment que sa fierté allait être bafouée.

   — Tu restes ici, le contraint Sanji, l'attrapant par le col. On va s'amuser, je pense.

   — Oh làlà c'est génial ! s'écria Bonney en les rejoignant, tout sourire. C'est pas à Tokyo qu'on trouverait ça !

   — Si, on trouverait ça, mais 'y aurait des yakuzas et des prostituées à tous les coins de rue, argua le vert en se dégageant de son emprise. Pas la même ambiance.

   — C'est vrai que c'est presque familial, agréa la jeune femme. Je veux en voir plus, moi ! »

   Sous les commentaires désobligeants d'un Zoro qui se sentait profondément offensé par l'endroit et son parfum de libertinage qui venait lui agresser les narines, ils se lancèrent à l'assaut du boulevard. La rose avait souligné un point important : il y avait du monde, de tous âges et de tous milieux sociaux, tant les quadragénaires en costume et les adolescents à la démarche assurée se mélangeaient sur la route. Certains prêtaient attention aux vitrines explicites tandis que d'autres ne posaient même pas le regard dessus. C'était un lieu cosmopolite en dépit du caractère presque outrageant qui émanait de chacune des boutiques.

   « J'adore Paris, soupira d'aise le blond.

   — C'est trop drôle ! renchérit Bonney en admirant, fascinée, les échoppes qui s'étendaient sous ses yeux ébahis. Faut absolument que j'aille acheter des trucs !

   — Qu'est-ce que je fous là, répéta le vert dans un grognement.

   — T'es vr...ah j'ai une idée ! » annonça Sanji en s'engouffrant dans une boutique aux murs jaune canari.

   Son nom, illisible pour le touriste qu'était Zoro, ne lui inspira pas confiance. Il prit la sage décision de s'éloigner avec la jeune femme qui lui faisait part de ses élucubrations amusées, pointant du doigt tour à tour un passant au style vestimentaire extravagant ou un accessoire dont l'utilisation n'était réservée qu'aux majeurs. Il renifla avec lassitude. Il n'avait strictement rien à faire ici. L'historienne s'était bien fichue de lui. Il ravala d'autres remarques venimeuses, enfonçant les mains dans les poches de son pantalon, puis reprit sa flânerie en écoutant distraitement sa voisine qui poursuivait sa tirade enflammée.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant