Chapitre 9 : Derrière moi la peur /Silver/

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- Papa ! Me laisse pas !

- Silver... Je vais revenir, tu sais...

- Non ! Papa !

- Assez !!! Lâche-le, sale gamine !

- Non, Papa, me laisse pas ! PAPA !!!

- NON !!!

Je bondis hors de mon lit. Encore une fois, il fait nuit. Je soupire. Ça fait déjà huit semaines, pourtant j'y pense encore. Pourquoi cette discussion avec Chifuyu m'a tant marqué ? Tentant de calmer ma respiration, je me dirige vers la cuisine et j'ouvre une canette de bière. Les yeux fermés, je me remémore cette nuit là.

- T'as des problèmes, Matsuno ?

- Argh, par pitié Miss têtue, appelle moi par mon prénom...

- Répond moi, Chifuyu.

- ... Tout le monde dit que je ne devrais pas être capitaine. Depuis que je suis à la tête de ma propre division, je suis méprisé, on me prend pour un incapable.

- Et toi, tu penses en être un ?

- Bien sûr que non ! Au contraire !

- Alors pourquoi tu te morfond comme ça ? Ce que disent les autres n'a aucune importance. Et si tant est qu'il y en a une, alors arrête de pleurer dans ton coin et prouve à tout le monde que tu es le seul à avoir raison. On ne peut pas vivre... avec l'idée qu'on est moins bien que les autres.

- ... Dis Miss têtue, ton capitaine il y a cinq ans, il t'a vraiment trahie ?

- Oui. Mais ce n'est pas grave. C'est du passé, maintenant.

- Alors pourquoi tu donnes l'impression d'être hantée par tes souvenirs ?

- ... Ce n'est pas ça.

- Non, tu as raison. C'est une autre période de ta vie, pas vrai ? Une période douloureuse au point de ne pas pouvoir en parler. Dis moi, Silver. Pourquoi tu vis seule dans un appartement immense ?

- ... Mes parents m'ont abandonné ici quand j'avais huit ans, chez un étranger qui est mort environ six mois plus tard. Il avait pas d'enfants, il m'a légué son appart, qu'il avait acheté. Pour les factures, c'est la mère de ce gars qui paye, parce qu'elle me considère comme un membre de sa famille. Je sais pas si c'est une raison valable, mais c'est celle qu'elle me donne. Depuis que je vis ici, les seules personnes à m'avoir aidé sont Akemi, ma seule vraie amie, sa famille, l'homme chez qui j'étais et sa mère. Je me suis toujours débrouillé seule.

- ... Tu veux bien m'aider ?

- Ça dépend.

- Aide-moi à devenir un capitaine respecté, à m'imposer dans le Toman. Aide-moi à prouver que je suis le seul à avoir raison.

- ... Tout ce que je peux faire, en tant que chef d'un gang rival, c'est te préparer le terrain en m'occupant des rumeurs et en te donnant des infos. En gros, je peux jouer les informateurs. Tes preuves, ce sera à toi de les faire.

- C'est déjà plus que suffisant. Je ne cherche pas à te faire faire le travail. Je veux réussir seul, mais grâce à ton aide.

- ... Elle a aucun sens, cette phrase.

- Est-ce que tu en es si sûre que ça ?

Agacée, j'écrase ma canette en continuant de boire. J'ouvre les yeux et tourne la tête vers la fenêtre. Depuis que Chifuyu est venu ici, je n'ai pas refermé les rideaux, que je n'ouvrais pourtant jamais. C'est la pleine Lune, aujourd'hui. On est à la mi-juin, il fait déjà chaud. Je suis allée en cours, la semaine dernière. C'était chiant. Mais je suis dans la même classe qu'Akemi et Chifuyu. Alors, ça allait. Je me crispe encore plus. Je repense à mon enfance aux USA, quand ma mère était encore en vie. Je repense à la dépression de mon père, à ma belle mère qui l'en a tiré mais qui me détestait, au voyage au Japon que j'étais si contente de faire. Je repense au jour où j'ai compris que ce voyage n'étais qu'un prétexte pour m'abandonner le plus loin possible. Le jour où j'ai vu mon père pour la dernière fois, quand il m'a promit de revenir.

- Menteur...

Le gars qui s'occupait de moi avait presque la trentaine. Il était accro à l'alcool mais contrairement à beaucoup de gens dans son cas, il n'était pas violent, loin de là. Après avoir vu ma famille m'abandonner, il a prit la décision de s'occuper de moi comme sa propre fille, et pas seulement pour le fric. Il avait sans doute pitié de moi, mais lui au moins il ne m'a pas abandonné par choix. L'alcool l'a tué. J'ai vécu chez sa mère pendant longtemps. Une femme dans la cinquantaine qui ne se laissait pas marcher sur les pieds, et qui m'a apprit à me défendre. Quand j'y pense, je la considère comme ma propre grand mère. Mais à mon emménagement au Japon, j'ai rencontré Akemi et Shiro.

Shiro est sans doute celui qui m'a le plus aidé à me tirer de la déprime, au départ de mon père. C'est grâce à lui que j'ai créé Silver Wolf. Sa trahison m'a fait d'autant plus mal que sans lui je me sentais perdue. Alors je me suis enfermée dans mes regrets pendant cinq ans. J'ai quitté la maison de la grand mère pour m'installer ici, et depuis, je vis sans trop savoir pourquoi. Mais, depuis quelques semaines, même sans comprendre pourquoi, je me sens... Vivante. Je sais ce que je veux. J'ai un but. Et surtout, j'ai un ami à aider. Le peu de compassion qui avait survécu à mon indifférence a légèrement prit le dessus. Sans que je sache pourquoi.

Soudain, une sonnerie me fait sursauter. J'attrape mon téléphone et je regarde le message que Katsu viens de m'envoyer. Au fur et à mesure que je lis, je sens la colère m'envahir. Je serre les poings. Mais au lieu d'ouvrir une nouvelle canette, comme je l'aurais fait d'habitude, je tape un numéro et patiente pendant que ça sonne. Au bout de quelques secondes, une voix inquiète retentit à l'autre bout du fil.

- Miss têtue ? C'est rare que t'appelle en premier, il se passe quelque chose ?

- J'ai besoin de te parler, tu peux me retrouver chez moi dans vingt minutes ?

- Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est grave ?

- Disons que c'est... conséquent.

Silver Heart (Chifuyu x oc)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant