Silver Heart (Chifuyu x oc)

Chapitre 18 : Orage /Chifuyu/

- Ça va, petit ?

Je tourne la tête. Accroupi devant moi, Jun me regarde d'un air inquiet. Je soupire. Je suis allongé par terre, essoufflé, au milieu des tables fracassées et des morceaux de bouteille. Les gars qui ont causé ce bordel sont partis dès que Jun a prit part à la baston. Faut dire qu'il se bat... vraiment bien. Je m'assois difficilement et jette un coup d'œil à travers la porte de verre. Bizarrement, elle est intacte. Dehors, le ciel nocturne est recouvert de nuages, l'air est de plus en plus lourd. Enfin, je regarde le barman et demande :

- Dites... Qu'est-ce qu'ils voulaient, ces types ?

- Alors ça, à toi de me le dire. Mais ils ont cassé la moitié de mes tables et de mes verres. Si je les revois, je pense qu'ils le regretterons.

Il prononce cette phrase avec un grand sourire sur les lèvres, mais la lueur de colère dans ses yeux rend ce sourire particulièrement sadique et effrayant.

- ... Vous êtes vraiment flippant. Mais si vous étiez pas intervenu, je serais sans doute aussi cassé que vos tables donc... merci.

- De rien. Je ne pouvais pas te laisser faire le ménage dans mon bar, après tout. Mais plus sérieusement, il me semble connaître ces gars. Surtout celui avec un tatouage de dragon sur le bras gauche... Je sais que je l'ai déjà vu quelque part.

Je hoche la tête. Il y a environ quinze minutes, ces gars sont arrivés de nulle part et ont commencé à tout saccager. Les clients qui étaient là se sont enfuis et je me suis défendu comme j'ai pu. Mais après en avoir mit deux à terre, je me suis fais frapper à la nuque par celui avec le tatouage. Visiblement, c'était le chef de la bande, et il a essayé de me tirer vers la sortie du bar, mais Jun est intervenu. Il a envoyé au tapis presque tous les types qui étaient là, et ceux qui étaient encore debout ont préféré s'enfuir après avoir "ramassé" leurs copains.

- Dites... Comment ça se fait que vous vous battiez si bien ?

- Ah...

En entendant ma question, le barman se frotte la nuque, hésitant, avant de soupirer :

- Eh bien... disons que quand on s'occupe à moitié d'une gamine comme Silver, faut savoir se battre. Ceci dit, je n'ai jamais levé la main sur elle et jamais je ne le ferai. Autant parce que ce n'est pas mon genre que parce que je n'aurais aucune chance de la battre.

- Silver... Non, jamais vous ne pourriez la battre.

- En parlant de ça, tu n'avais pas rendez-vous avec elle, toi ?

- Ah, elle m'a appelé tout à l'heure pour annuler, elle a eu un empêchement. Un empêchement... juste avant que... oh, merde.

- Ne me dis pas que...

A cet instant, des exclamations terrifiées nous parviennent. Il se passe quelque chose dans la rue. Encore engourdi, je me relève lentement et me dirige vers l'entrée du bar, mais je n'ai même pas le temps de faire un pas. La porte s'ouvre si violemment que le bruit couvre le coup de tonnerre qui vient de résonner. Je me fige. Une dizaine de secondes défilent. Enfin, je réussis à réaliser ce qu'il se passe. Debout à quelques mètres de moi, péniblement appuyée au mur, Silver vient d'apparaître. Un abondant filet de sang descend de derrière son crâne jusqu'à sa poitrine, un autre coule du coin de sa bouche, ses bras nus sont presque complètement violacés, des taches bordeaux parsèment son visage en sueur, elle se tient la taille d'une main recouverte de sang.

... Je dois réagir. Je dois l'aider, l'emmener à l'hôpital comme je l'avais fait la première fois. Sauf que là... je n'y arrive pas. J'ai beau y mettre toutes mes forces, je n'arrive ni à bouger, ni à prononcer le moindre mot. Je me contente de la fixer d'un air terrifié. Et je n'ai pas besoin de regarder Jun pour savoir qu'il est aussi figé que moi. Soudain, Silver est prise d'une violente toux et tombe à genoux sur le paillasson en se tordant de douleur.

- Silver !

Je réussis enfin à bouger et je me précipite vers elle, mais avant que je puisse l'atteindre, elle se relève brusquement et se jette dans mes bras. A cet instant précis, un éclair illumine le ciel et les plombs sautent. La lumière se coupe immédiatement pendant que des trombes d'eau commencent à s'abattre sur la ville. Mais moi, je n'entend que la respiration irrégulière de Silver tout contre mon oreille. Je ne sens que ses bras qui serrent mon dos et ses mains qui agrippent ma veste comme si elle avait peur que je disparaisse sous ses yeux. Et surtout, je ne vois que son visage trempé de larmes posé sur mon épaule. Alors, doucement, le plus doucement possible, je pose une main derrière sa tête, une autre dans son dos, et je la serre fermement contre moi.

Nous restons comme ça longtemps. Debout au milieu du bar saccagé, dans l'obscurité parfois brisée par la lumière d'un éclair l'espace d'une seconde. Je sens les larmes de Silver couler sur mon épaule, mes vêtements commencent à s'imprégner du sang qui la recouvre. Mais je m'en fiche. Tout ce que je veux, c'est la rassurer. Lui montrer que je suis là, que je ne disparaîtrai pas. J'avais déjà vu Silver triste ou en colère, je l'avais déjà vue avec un visage inexpressif ou un regard meurtrier, je l'avais déjà vue avec un sourire moqueur ou un sourire d'enfant. Mais je n'avais jamais vu Silver pleurer. Et j'aurais voulu ne jamais la voir pleurer. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. Mais j'ai bien l'intention de le savoir. Et je ne pardonnerai jamais à la personne qui lui a fait ça.

Inconsciemment, je la serre un peu plus fort contre moi. Peu à peu, ses larmes cessent de couler, sa respiration se calme. Soudain, je m'aperçois que ses jambes tremblent. Elle ne tient plus debout. Sans rien dire, je me baisse pour passer un bras sous ses genoux et la prend dans mes bras comme je l'avais fait à notre première rencontre. Je la vois se mordre la lèvre et je comprend immédiatement qu'elle se retient de crier de douleur. Mon regard glisse presque machinalement sur sa taille, qu'elle tenait en arrivant. Déchiré à cet endroit, son tee-shirt laisse entrevoir un profond trou dans sa chair d'où coule du sang en abondance. Merde. J'aurais dû le remarquer plus tôt. Je me tourne vers Jun, qui depuis le début n'a pas bougé.

- Vous avez une voiture ?