- Bon bah... Merci. Et salut.
- C'est ça, salut.
La porte se ferme et je reste sur le palier comme un idiot. Évidemment. Qu'est-ce que j'espérais ? Je tourne les talons quand une voix derrière moi demande :
- Tu veux boire un truc ?
Je tourne la tête. Les bras croisés dans l'encadrement de la porte, Miss têtue me regarde d'un air embarrassé. Je souris.
- Pourquoi pas ?
- Viens, entre.
Et, heureux sans vraiment savoir pourquoi, j'entre dans l'appartement mystère. Je ferme derrière moi et prend le temps d'observer les lieux depuis l'entrée. Entrée avec juste un porte manteau, un placard et un paillasson, qui donne directement sur un salon assez vaste, meublé d'un canapé, de deux fauteuils, une table basse, une grande télé sur un petit meuble plein de DVD et de commodes placées tout le long des murs. Derrière le canapé, il y a la cuisine. Elle est séparée du salon par un espèce de comptoir de bar. Elle est plutôt petite, mais bien remplie. Des placards sont fixés au mur, le frigo est entre le plan de travail et le four, et une grande table trône au milieu de la pièce. À côté de cette cuisine, il y a un couloir donnant sur trois portes, je parierais sur la salle de bain, la chambre et les toilettes. Les murs sont blanc crème et il y a beaucoup de plantes vertes. C'est aussi très lumineux. Je m'aperçois alors que la lumière est celle des lampes, mais que tous les rideaux sont fermés. Elle n'a visiblement pas de balcon, mais elle devrait quand même laisser passer un peu l'air frais. D'autant que c'est pas l'odeur d'alcool qui manque... Alors, sans pouvoir m'en empêcher, j'ouvre tous les rideaux et les fenêtres en grand. La ville plongée dans le noir, et pourtant très lumineuse.
- Tu veux boire quoi ?
- T'as de l'Ice Tea ?
- Pêche.
- Parfait.
Miss têtue revient avec deux cannettes et se laisse tomber sur le canapé. Je m'assois à côté d'elle et elle me tend mon Ice Tea. J'avise la marque de sa canette et hausse les sourcils avec un sourire.
- De la bière ?
- Pour quand je suis fatiguée.
Je renverse la tête en arrière pour vider ma boisson dans ma gorge. Quand j'en ai avalé la moitié, je me passe une manche sur la bouche et remarque :
- Y'a aussi des clopes, dans l'entrée.
- Ouais. Je suis pas un exemple.
- T'en fais pas que j'avais remarqué. De toute façon, il y a des canettes un peu partout, alors...
- C'est pas que de la bière, je te signale.
- Admettons, mais vu l'odeur tu dois quand même être souvent fatiguée.
- La ferme.
Elle prend un air boudeur et plonge le nez dans sa boisson pour le cacher. Je me mets à rire. Le Loup Blanc qui boude comme une enfant ! C'est vraiment trop drôle. Elle est tellement mignonne... Attends... Quoi ?! Qu'est-ce qui me prend, là ? Je tente de chasser cette pensée de mon esprit, mais c'est trop tard. Je viens de réaliser qu'avec son air boudeur et ses joues rougies par l'embarras, Miss têtue est bel et bien mignonne, en plus d'être carrément belle. Et puis, c'est pas tous les jours qu'on boit tranquillement une canette sur le canapé du Loup Blanc de Tokyo. Puis, une autre pensée me traverse l'esprit.
- Tu m'as demandé pourquoi je t'aidais. Mais... qu'est ce que tu aurais fait, toi ?
Elle regarde un long moment par la fenêtre et lâche :
- Tu veux vraiment savoir ? Qui que soit la personne en danger et quelle que soit sa vie... Je l'aurais laissé crever. Je te trouve stupide de m'avoir sauvé.
- Pourquoi ?
- ... Parce que c'est chacun sa merde.
- ... Oh.
Aussi violente que soit sa réponse, je suis à peine surpris. Et je ne suis pas blessé. Parce je sais que ce n'est pas ce qu'elle cherche à faire. Elle ne dit pas ça pour être désagréable ou montrer qu'elle m'est supérieure, mais pour être franche. Ce qu'elle vient de dire, elle le pense vraiment, et elle veut que je le sache. D'autant que... une légère hésitation brille dans son regard. Elle pense ce qu'elle dit, mais à regret. Comme si... elle même se trouvait pitoyable de dire une chose pareille avec sincérité. Je continue :
- Tu vis seule, pas vrai ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce que.
Je l'observe attentivement. Elle a le regard froid depuis que j'ai évoqué ses parents, et je comprends que ce n'est même pas la peine d'aborder le sujet. De toute évidence, c'est plus que douloureux pour elle. Finalement, je demande :
- Comment tu t'appelles ?
- Silver. Silver Evans. Et toi ?
- Chifuyu Matsuno. Joli prénom, Silver.
- Les gens ont l'habitude de croire que c'est mon surnom. Tu es le premier à me croire quand je dis mon prénom.
- Amusant. Moi, j'ai pas de surnom. Pour toi, ce sera Miss têtue.
- Ça, j'avais compris. T'as quel âge, au fait ?
- 16. Toi aussi, non ?
- Ouais. Je suis sensée passer en première.
- Sensée ?
- Je suis pas allée au lycée depuis des mois... Et toi ?
- Je sèche pas plus que ça, mais j'irai pas jusqu'à dire que je suis bon élève...
- Dans ce cas, je te souhaite bon courage pour la rentrée, parce que c'est dans quelques heures.
Je recrache ma gorgée d'Ice Tea et mets un moment à arrêter de tousser avant de bondir sur mes pieds.
- Faut que je rentre !
- Prend la canette, alors.
Je souris. Je ne sais pas pourquoi cette conversation m'a fait autant de bien, mais je me sens en pleine forme. Je m'exclame :
- Hé, Miss têtue ! On remettra ça bientôt !
Je saisis ma cannette et je me précipite hors de l'appartement. Cependant, au moment où je sors, je peux entendre ma nouvelle amie murmurer :
- Ouais. On remettra ça bientôt...
Un immense sourire éclaire mon visage. En dévalant les escaliers, je me pose soudain une question. Pourquoi est-ce qu'elle ne sourit jamais ? Elle a toujours un visage triste ou inexpressif. Je me promets alors de la faire sourire le souvent possible, et ce dès le moment où je la reverrai.
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Silver Heart (Chifuyu x oc)
Hayran KurguTrahie par son meilleur ami et abandonnée par ses proches, Silver mène son gang dans les rues de Tokyo, noyant son amertume dans les clopes et les bastons. Indifférente au malheur des autres et fatiguée du sien, elle délaisse le lycée pour s'enferme...