Chapitre 2 - Raphaël 2/2

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L'opération du petit garçon fut un succès et les remerciements larmoyants de la maman réchauffent mon cœur. Après quatre autres consultations, la journée touche à sa fin et l'idée de rentrer chez moi me donne la nausée.

Comme chaque jour après mon service, j'appelle mon ami pédiatre pour aller prendre un café à l'une des cafétérias de l'hôpital. C'est notre moment de détente de la journée. Je rejoins Mathis à notre table habituelle et la serveuse nous apporte notre commande qu'elle connaît sur le bout des doigts.

-Punaise, quelle journée ! La tienne a été chargée ?

Mathis est mon ami depuis le lycée, la première fois que l'on s'est vu, nous nous sommes battus à cause d'un désaccord  et nous ne sommes plus jamais quitté. Une amitié qui commence mal donne toujours la meilleure entente. Nous avons fait nos études dans la même FAC de médecine pour finir dans le même hôpital. Lorel et Hardi, si on veut. A part notre taille et notre largeur d'épaule similaires, nous sommes très différents, lui est blond aux yeux bleus et imberbe ce qui le rend plutôt attirant pour la gente féminie ainsi que son sourire aussi blanc qu'éclatant.

Il est la seule personne à connaître les détails de ma vie.

-Ça va, mise à part mon interne.

-J'ai vu que tu avais Coralie pour un petit moment. Bon courage !

Mon ami vit la même chose dans son service avec l'interne en question. Pourtant célibataire, il pourrait en profiter mais Mathis préfère les femmes avec plus de maturités. C'est tout à son mérite.

On se raconte mutuellement notre journée, lui et ses naissances, puis moi et mes malades. Deux services différents mais similaires sous bien des points. Notamment la prise en charge d'un patient et la patience, le dévouement au quel on doit faire preuve pour tout le monde. 

Nos parents nous ont toujours soutenu dans nos choix de carrières et il est vrai que leur richesse nous ont permit de mener à bien nos études. Etant de la même classe sociale, nos ainés ont tout de suite approuvé notre amitié et eux-mêmes ceux sont rapprochés même si une certaine jalousie s'est installée entre eux. Mon père a créé une entreprise de prêt à partir de rien tandis que le père de Mathis a bénéficié de l'héritage de sa famille. J'ai souvent entendu les clients de mon père dire qu'ils préféraient s'adresser à quelqu'un qui a connu la misère plutôt qu'à celui qui est né avec une cuillère en argent dans la bouche. En somme, ils sont rivaux.

-Mathis, tu pourrais me prêter des vêtements pour demain s'il te plaît ?

Le pédiatre me regarde par dessus son café fumant avec un regard scrutateur, je peux lire à quel point il dénigre mon idée.

-Tu dors encore ici cette nuit ?

-J'ai un patient qui a besoin d'une surveillance régulière et mon interne est trop indisciplinée pour que je lui fasses confiance.

-Pas à moi Raph' ! Je te connais depuis des années et ta faculté à mentir est aussi nulle que mon lancer au golf.

Un sourire étire mes lèvres en souvenir de son premier cours de golf. Nous avions décidé de passer une après-midi sympathique au terrain de golf, Mathis avait toujours voulu essayer ce sport. Mais c'était sans compter sur sa maladresse. Lorsque mon ami s'apprêtait à taper dans la balle de golf, il n'a pas su retenir son club qui partit s'écraser sur la tête du gérant. Ce dernier a dû faire un petit séjour à l'hôpital avec un œuf énorme sur son crâne chauve. A partir de ce jour là, nous fûmes interdit de golf malgré les excuses de Mathis.

Mon ami me tire de mon souvenir en reprenant la parole.

-Je t'emmènerai des habits avec plaisir et tu le sais, mais tu ne peux plus continuer comme ça. Cette femme te bouffe la vie depuis des années ! Et ce n'est pas dans la chambre 34 que tu trouveras une solution mon pote.

Je pousse un soupir, exténué.

-Je le sais tout ça. Mais j'ai des engagements.

-Je vais les brûler, moi, tes engagements tu vas voir !

Si tu savais à quel point moi aussi, j'aimerai...

Mathis sent que ma patience atteint ses limites pour cette discussion. J'aime bien sa façon de comprendre vite les choses et surtout de me comprendre.

-Comment va ta patiente ? 

-Ariel ? Pas de changement ni d'amélioration.

Nouveau regard par dessus sa tasse.

-Tu ne devrais pas t'attacher à elle, si son corps finit par lâcher elle...

-Pas besoin de finir ta phrase, je connais les risques. Et je ne suis pas attaché à Ariel.

Personne ne peut comprendre pourquoi je passe autant de temps dans cette chambre, parce que je ne le sais pas moi-même...

Mathis me fixe avec le sourcil gauche levé, il ne croit pas un traite mot de ce que je viens de dire et reste sceptique quand à ma façon de faire avec cette patiente. Préférant ne pas subir ses leçons de moral encore une fois, je me lève de ma chaise et lui administre une tape sur l'épaule.

-On se voit demain Math'. Merci encore pour...tout.

Je retourne dans mon service, passe une dernière fois voir tous mes patients et donne les directives aux infirmières pour la nuit. Comme à notre habitude, Estelle me dépose les dossiers médicaux pour demain à l'accueil sous son clavier.

Mon paquet de feuilles dans la main, je me dirige dans la chambre 34, le personnel soignant est au courant pour mes nuits à répétition, je sais que je peux compter sur leur discrétion et que le directeur de l'hôpital n'en saura rien. De toute façon ce n'est pas vraiment ce qui l'intéresse.

J'ouvre la porte d'Ariel, une lampe de chevet a été allumée et des fleurs fraîchement cueillies ont été mise dans un pot. Après avoir refermée la porte à clef derrière moi, je marche jusqu'au bureau où un mot fut déposé.

Je t'ai mis un repas que j'ai préparé la veille dans le petit frigo. Bisous, à demain Estelle.

Je souris face à sa gentillesse, cette femme est vraiment une crème, il faut que je pense à la remercier comme il se doit pour tout ce qu'elle fait pour moi. Je pose les dossiers sur la table adaptable. Je m'approche du lit d'Ariel.

-Bonjour Ariel, c'est Raphaël ton médecin. Tes constantes sont bonnes, les aides soignantes sont venues prendre soin de toi. Oh et Estelle, la secrétaire médicale, t'a apporté de nouvelles fleurs. Tu sais que si le jardinier de l'hôpital la voit faire, elle va passer un sale quart d'heure. Elle m'a aussi préparé mon repas pour ce soir, un vrai petit amour ! J'ai vu mon ami Mathis tout à l'heure et devines quoi, j'ai encore eu le droit à ses remontrances sur l'échec qu'est ma vie personnelle. Tu sais, ce serait plus simple de communiquer si tu te réveillais. Ton cauchemar est fini, tu es en sécurité ici.

Ma main attrape la sienne, sa peau est légèrement plus chaude que d'habitude, je fronce les sourcils. Serait-il possible que les infirmières ne m'ont pas averti d'une fièvre ? Je regarde sa feuille de constante mais aucun commentaire n'a été inscrit. J'ausculte Ariel mais sans trouver d'anomalie particulière. 

Étrange.

Je la surveillerai cette nuit, elle ne peut pas partir maintenant surtout pas après ces mois où nous nous sommes battu pour qu'elle vive. J'allume en fond la télévision et me concentre sur mes prochains patients, trois retraits de plâtres, deux pontages et une appendice. Ma journée va s'annoncer longue et épuisante.

Dix minutes plus tard, l'eau chaude de la douche détend les muscles de mon dos et me procure un bien fou. Vêtu d'un tee-shirt et d'un jogging, je retourne dans la chambre d'Ariel en récupérant dans le petit frigo d'appoint mon repas. La salade composée de laitue, d'olive, de pignons de poulets et d'ognons d'Estelle est délicieuse, je dévore mon plat avec un gémissement, les papilles ravies. Je vérifie une dernière fois les constantes d'Ariel, sa peau est toujours chaude mais sans fièvre apparente. Un sentiment que je n'avais pas ressenti depuis longtemps me pince les tripes et je n'aime pas cette inquiétude. Son état ne signale rien et pourtant je sens que quelque chose est en train de se passer en elle. Je rejoins le canapé quand la fatigue commence à me brûler les paupières.


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Chapitre corrigé

Le médecin de cette dame _ RE-ECRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant