Chapitre 12 - Raphaël 1/1

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Je laisse Ariel dans sa chambre, et parcours les quelques mètres qui me sépare de mon bureau. Je ne fus pas surpris de voir Allyssa et mon frère plantés au milieu de la pièce. Ma femme est rouge écarlate à cause de la colère et ses yeux me fusillent sur place. Tristan, lui, a un sourire espiègle qui n'augure rien de bon. Je m'avance vers ma chaise de bureau sans un regard dans leur direction. Les talons d'Alyssa claquent sur le sol signe qu'elle me suit d'un pas rageur.

-Tu ne comptes pas m'expliquer ce qu'elle fou ici ? me questionne-t-elle, une rage contenue dans la voix.

-Je te l'ai déjà dit. Je vieille à sa santé, fis-je avec un soupir en relevant le menton.

Un dégout profond emplit mon être lorsque je la regarde.

-Tu as des tas de patients qu'il faut surveiller et jamais tu n'as ramené personne ! D'autant plus qu'il s'agit de cette femme là, celle avec qui tu passes tout ton temps libre.

Je soupire, lasse de cette conversation. J'aurai mieux fait de rester discuter avec Ariel dans sa chambre sachant qu'Allyssa ne mettra jamais les pieds dans cette partie de la demeure. Pour la simple et bonne raison, qu'il s'agit de la chambre où plusieurs ancêtres de ma famille sont morts et qu'elle croit cette pièce maudite.

-Il me semble que tu passes le tien avec mon frère non ?

Ce dernier me lance un regard de désapprobation. Il s'avance vers mon bureau.

-Si tu serais un peu plus présent pour ta femme, je n'aurai pas besoin de la consoler, mon frère.

-N'y aurait-il pas un sous-entendu dans ta phrase, mon frère ? répliquai-je en accentuant bien sur le dernier mot.

Allyssa vire au rouge et ne peut s'empêcher de pousser un cri aigüe.

-Ton frère me tient seulement compagnie, Raphaël. Je t'aime et jamais...

Je plaque brutalement mes deux mains sur mon bureau lui coupant la parole.

-Assez ! J'en ai suffisamment entendu pour aujourd'hui ! Sortez d'ici immédiatement, j'ai du travail qui m'attend.

Je m'assois sur ma chaise ne leur prêtant plus d'attention. Une colère grandit en moi et j'ai peur de ne plus pouvoir me contenir s'ils restent tous deux dans la même pièce que moi. Hors j'ai besoin de tout mon calme et de mon intelligence pour que mon plan reste secret.

Je lève la tête au moment où la porte claque, le dos enfoncé dans mon fauteuil, j'appuie ma tête contre le dossier et soupire en fermant les yeux.

Je sais qui pourrait me détendre mais je n'ai aucune envie de la mêler à tout ça.



Après deux heures passées à travailler, je quitte mon bureau et rejoins la chambre d'Ariel. Je frappe à la porte mais personne ne me répond. Un sentiment d'inquiétude s'empare de mon être. La main sur la poignet de la porte, je l'actionne et la porte de sa chambre s'ouvre. La nuit est tombée depuis une quarantaine de minutes plongeant sa chambre dans la pénombre. Il faut quelques minutes à mes yeux pour s'habituer à la noirceur de la pièce. Je scrute cette dernière mais je ne vois aucune trace d'Ariel. Je me précipite dans l'escalier à la recherche de la jeune femme. Des rires attirent mon attention, ces sons proviennent de la cuisine et deux voix de femmes s'élèvent. J'ouvre doucement la porte. La scène qui se déroule devant moi est tout bonnement une merveille. Ariel est assise sur l'un des tabourets, une assiette de cookies et un verre de lait devant elle. Ses cheveux blonds or tombent en cascade sur ses épaules, ses lèvres pulpeuses rient joyeusement et ses yeux reflètent sa joie de discuter avec la cuisinière.

Je reste en retrait pour contempler ce moment, mon cœur s'accélère au son de la voix de ma patiente.

-Je suis tellement contente de pouvoir parler avec vous, s'exclame Ariel en trempant son cookie dans le lait.

-Je vous en pries mon enfant, tutoyez moi et appelez moi Maguy.

La cuisinière est la femme la plus douce et la plus gentille de mon personnel, elle travaille chez nous depuis des années et j'adorais passé mes journées avec Maguy lorsque j'étais enfant. Elle était la mère que je désirais avoir. Ariel secoue la tête et croque dans son cookie. Mon regard se fige sur ses lèvres délicieusement roses et mon pantalon commence à me faire sentir à l'étroit. Je détourne les yeux, mon comportement et cette attirance ne sont pas un bon timing dans mes affaires.

-Depuis quand travailles-tu ici ?

-Depuis plus de vingt cinq ans. J'ai connu Monsieur Thomas lorsqu'il n'était qu'un enfant. Et entre vous et moi, il était un enfant très turbulent.

Je vois Ariel sourire.

-Vraiment ? Pourtant il a l'air d'être un homme droit, calme.

-Croyez moi, c'était un vrai diablotin ! Il courait partout dans la maison avec ses chaussures pleines de bout. Et quand c'était l'heure de son bain, il s'amusait à me tremper autant que lui.

Une sourire étirent mes lèvres au souvenir de mon enfance. Ariel ne peut s'empêcher de rire d'une douce mélodie.

-Pourquoi est-ce toi qui t'occuper de lui ? Sa mère n'était pas présente ?

Je vois Maguy se tendre. Les rapports entre la cuisinière et ma mère étaient houleuses, orageuses. Maguy disait tout haut ce que tout le monde pensait tout bas au plus grand déplaisir de ma mère qui ne se privait pas de lui supprimer sa paye à la fin du mois. Je me souviens que mon père lui offrait un chèque dans le dos de son épouse.

-La mère de Monsieur Thomas est une femme très élégante et raffinée. Ses cheveux sont toujours coiffés au carré et pas un seul ne dépasse de son chignon. C'est une femme très autoritaire qui avait un but précis en tête pour ses garçons. Raphaël, étant le fils ainé, devait être l'héritier de la famille, il devait donc suivre les pas de son père et de la génération passée, il avait des leçons de musiques, de danses et de gestions tous les jours. Je ne me gênais pas pour dire ce que je ressentais face à cette éducation puérile. Mais ça ne plaisait pas à Madame Thomas. Tristan, quant à lui, était un garçon calme mais très sournois et il n'avait pas à subir la pression que son frère vivait, il passait beaucoup de temps auprès de sa mère. Ils avaient une complicité que Raphaël ne possédait avec aucun de ses parents. La plupart du temps lorsque Tristan faisait des bêtises, il se permettait d'accuser son frère qui prenait les corrections par leur mère. Cette dernière croyait toujours le second de ses fils, le plus turbulent et mesquin.

Ariel baisse la tête sur son verre de lait, la mine triste. Entendre mon enfance me procure un pincement au cœur. J'étais un vilain petit canard selon les dires de ma mère. Mais je ne disais rien par peur des représailles.

-Des corrections ? Qu'est ce que Raphaël...

J'entre à ce moment là empêchant Ariel de terminer sa phrase. Elle n'a pas besoin de savoir la façon dont j'étais puni. La jeune femme sursaute sur sa chaise et porte sa main sur le cœur, elle n'avait visiblement pas sentie ma présence.

-Ah vous voilà Monsieur Thomas, je vous ai préparé une tasse de café noir comme vous les aimez, asseyez-vous.

Je m'assoies en face d'Ariel avec un remerciement pour Maguy. Ma patiente ne me quitte pas des yeux, je peux voir dans les siens son intention de me déchiffrer. De lire à l'intérieur de mon âme. D'une certaine façon, j'ai l'impression qu'elle y arrive mais je suis quelqu'un de bien trop renfermé pour pouvoir être lu comme dans un livre ouvert.

-As-tu pu te reposer cette après-midi ? demandai-je à Ariel.

-Oui, j'ai dormi une heure, le lit est très confortable, merci Raphaël.

Maguy se retourne brutalement et nous regarde la bouche ouverte, elle n'a pas l'habitude que les gens extérieurs à cette maison me tutoie.


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Chapitre corrigé

Le médecin de cette dame _ RE-ECRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant