Chapitre 1 - Raphaël 1/2

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5 mois plus tard

-Docteur Thomas, attendez-moi !

Je soupire dans ma barbe avant de me retourner.

Mon interne de deuxième année court dans le couloir avec l'espoir de me rattraper. Une petite enquiquineuse qui croit monts et merveille. Elle espère attirée la convoitise des hommes grâce à sa façon de se tenir, ses mimiques, sa voix douce et surfaite mais de toute évidence son intelligence n'excelle dans aucun domaine. Malheureusement pour moi, je suis de corvée baby-sitter pour un mois, elle ne s'intéresse pas aux patients, ni à ses études, à rien en fait. Sauf ces maudits ongles peut-être.

-Que se passe-t-il Coralie ?

Ma voix grave résonne dans le couloir, la lassitude se sent dans mon ton mais elle n'y entend que du vent.

-Que faites vous ? Vous voulez qu'on aille manger ensemble ?

Quel culot !

Je cache mon air surpris avant de rétorquer.

-J'ai beaucoup de travail, prends ta pause, on se rejoint à l'accueil dans deux heures, Coralie. Bonne appétit.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre et me faufile dans la chambre 34, mon dos se plaque contre la porte, un soupir sort de mes lèvres. Le bip d'un cardiogramme me pousse à lever la tête. Les rayons du soleil passent à travers le rideau de la fenêtre éclairant la chambre d'un faible faisceaux. Un canapé est appuyé contre le mur au fond de la pièce à côté d'un lit où repose une jeune femme branchée à l'appareil qui mesure ses constantes toutes les secondes et à un respirateur. Je la regarde, allongée là sur son lit depuis cinq mois sans amélioration. Mis à part la disparition complète des bleus. 

Je me souviens le jour de son arrivé dans mon service, elle était méconnaissable. J'avais même un doute sur son sexe tellement que son visage avait été criblé de coup de poing, son corps portait d'incalculables blessures, d'os brisés et une peau gonflée par la coagulation sanguine. L'acte de ce défoulement de colère est horrible mais prendre la vie est encore plus ignoble, la jeune femme avait perdu beaucoup trop de sang pour que son bébé puisse survivre. Sa dépouille se trouve toujours à la morgue de l'hôpital puisque personne ne la réclamé et que la mère est dans l'incapacité de prendre une décision. Alors on le garde, pour l'instant.

Je m'approche d'elle, j'ai pris l'habitude de venir pendant mes pauses, personne ne venait ici à part le matin et le soir pour s'occuper de sa toilette. Sans raison apparente, je ressens un certain apaisement dans cette chambre ce qui me permet de me reposer. Inconsciemment, cette inconnue me fait du bien.

Après avoir consulté son carnet de saturations et les commentaires des infirmières, je m'installe sur le canapé et sors de mon petit frigo mon repas. Je me suis permis de m'installer dans la 34, qui est comme mon deuxième bureau. Je ne sais pas vraiment si elle m'entend, si elle a conscience de ne pas être seule mais j'ai dans l'espoir qu'un jour mes petites manœuvres la réveille. J'attaque mon repas en lui racontant ma journée, le patient un peu trop pénible de la chambre 32 qui croit que l'avis des médecin sur son cancer en stade 4 est erroné.

Je me lève une dizaine de minutes plus tard pour prendre soin de ma patiente. Je prépare une bassine, du savon et de la pommade. Je lui lave le visage, ce visage détruit il n'y a pas si longtemps que ça. Un magnifique visage.

Tu as du souffrir, je ne sais pas comment on peut faire pour détruire quelque chose d'aussi beau.

La police nous a expliqué que son mari l'aurai battu selon les dires des voisins qui auraient donné l'alerte, les pompiers sont arrivés et ont embarqué la jeune femme. Si les secours auraient tardé, elle serait morte. J'ai du pratiquer une craniotomie d'urgence, l'hémorragie interne noyait son cerveau. Et une chirurgienne gynécologue a dû retirer l'enfant mort des entrailles d'Ariel. 

Le médecin de cette dame _ RE-ECRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant