Chapitre 14 - Ariel 2/3

864 52 0
                                    

Le froid pénètre l'intérieur de mon corps comme une liane rampante. Ma respiration se coupe de terreur en attendant la suite de l'histoire. Mais Raphaël demeure silencieux, concentré sur la mer, la mine sombre, la mâchoire crispée. Ma curiosité est à son comble mais je ne veux pas presser le médecin, je vois à quel point, il est difficile, pour lui, de raconter ce qu'il s'est passé. Mais après dix minutes de silence pesant, je ne pus qu'encourager Raphaël à continuer de parler.

-Que lui est-il arrivée ?

Je crus un instant qu'il n'allait jamais répondre à ma question avant de percevoir une profonde inspiration de résignation.

-Nous avons retrouvé son corps en bas de la falaise, écrasé sur les rochers.

Une image d'un corps démembré apparaît dans ma tête que je secoue vivement pour effacer cette horreur. Je vais probablement en faire des cauchemars.

-Est ce qu'elle s'est...suicidée ?

Ma voix se faisait de plus en plus petite et intriguée, ma partie curieuse voulait savoir mais mon autre partie rationnelle avait peur de connaître la réponse.

-C'est ce qui est inscrit dans le rapport d'autopsie.

-Tu n'y crois pas ?

Le rire sec et sombre du médecin me fit tressaillir. Tout à coup, j'avais peur de lui malgré le fait que je sache qu'il ne me ferait jamais de mal. Mais la colère luisait dans ses yeux et la rage faisait trembler son corps tandis que ses poings étaient serrés le long de son corps. Jamais encore, Raphaël n'avait montré cette facette de lui.

-Justine était une femme souriante, rigolote avec un cœur plus gros que la Terre. Elle rayonnait de sa joie de vivre, son rire était communicatif et il emplissait l'espace comme une mélodie. Elle avait de grands projets pour son avenir. Fonder une famille, créer des refuges pour les animaux. Elle aimait dire "un hôtel avec croquettes à volonté et des jouets". Un immeuble consacrait uniquement pour les bêtes. Elle aimait les animaux plus que sa propre vie. Justine aidait également les personnes qui étaient dans le besoin. Malheureusement, elle aimait mon frère d'un amour sincère et fermait les yeux sur ses infidélités, c'était une femme qui pouvait tout pardonner même si ça lui causait du tord. Elle pouvait réduire tes problèmes d'un claquement de doigt. La veille de son...suicide, Justine courait dans la maison, heureuse, parce qu'elle avait rendez-vous avec un vendeur pour un immeuble à la campagne. Elle criait et riait qu'enfin elle allait pouvoir secourir tous les animaux du monde. Mais le lendemain, au petit matin, son corps  a été retrouvé par des pêcheurs en bas de la falaise.

Raphaël se tut, des larmes ruisselaient sur mes joues, émue et attristée par le destin funeste de cette jeune femme. Mon instinct de journaliste, lui, analyse tous les points de l'histoire concernant le suicide de Justine. Tout ce que Raphaël racontait sur elle prouvait que la jeune femme n'avait jamais pensé à ce suicider. La cause de sa mort ne coïncide pas avec son caractère. Je peux comprendre que Raphaël ne croit pas aux résultats du médecin légiste.

-Le portrait de la suicidaire est loin, remarquai-je en jetant un regard à Raphaël qui secoue la tête d'approbation. Tu as dit que ton frère n'était pas fidèle. Pourquoi restait-elle avec lui ?

-L'amour. Tristan est très convainquant, il s'est tiré profit de son physique et des mots. Justine était bien trop gentille et douce. Son amour pour Tristan la rendait aveugle. Quand ma belle-sœur a su la première fois pour la coucherie avec une avocate, Tristan lui a offert des fleurs et un week-end dans une destination de rêve avec des plates excuses. mais elle lui a pardonné. Le schéma a recommencé trois fois.

Je le regarde ahurie. Pardonner quelqu'un est une chose, être acheté par des cadeaux en est une autre.

-Justine vient d'une famille riche, comme la nôtre. Ses parents ont passé un accord avec les miens pour un mariage arrangé. Tristan a tout de suite accepté voyant là du bénéfice dans ses affaires tandis que Justine était amoureuse de lui depuis notre adolescence.

-Un mariage arrangé ? m'écriai-je les yeux écarquillés.

Ce genre de moyen existait encore ? Un sentiment de dégoût emplie ma bouche.

-Crois-tu vraiment que j'aurai épousé une femme telle que Allyssa ? Je crois en l'amour, au mariage avec des sentiments et à l'âme-sœur. Jamais je n'aurai épousé quelqu'un de superficiel.

Ma tête se tourne d'un trait vers Raphaël, son mariage avait été prévu depuis des années. Il n'éprouve aucun sentiment pour sa femme. Une part de moi aspire à le croire mais une autre me rappelle qu'elle est enceinte. Mon cœur se mit à battre à la chamade d'espoir d'une relation possible entre eux.

Pourquoi faire un enfant, s'il ne voulait pas de cette vie là ?

-Pourquoi des mariages arrangés ?

Raphaël pousse une longue expiration avant de se tourner complétement vers moi. Mon corps suit son mouvement et notre proximité devient subitement très proche. Ma respiration se fait plus rapide et mes joues chauffent.

-Pour l'argent. Tout est une question de pognons. Marier ses enfants avec d'autres enfants de la même catégorie, enrichient les familles. Les actions des parents de Justine ou de Alyssa sont devenues nos actions permettant à notre richesse d'augmentait.

-C'est horrible ! Comment peut-on vendre ses enfants au profit de l'argent ?

Le visage de Raphaël se tord d'une grimace de dégoût. Un silence s'installe entre nous. Chacun de notre côté, on réfléchit, on pense, on se souvient de nos vies d'avant, du présent et du futur. Mais l'histoire de Justine s'encre un peu plus profondément dans mes pensées. Mon âme de journaliste veut enquêter sur la vérité. Pour Raphaël, pour le repos de Justine. Si l'enfance de Tristan et de Raphaël ainsi que leurs mariages ne sont que des histoires d'héritages, cela voudrait dire que la mort de Justine avait un but pour un individu.

-Qui a hérité des parts de Justine après son décès ?

Raphaël me regarde et lève un sourcil surpris.

-Mon frère, pourquoi ?

-Ce n'est qu'une supposition, bien sur. Mais tout rapporte à l'argent dans ton monde. Justine et Tristan étaient mariés donc leurs parts devaient être divisées par deux. Ton frère a accepté le mariage uniquement pour les actions et l'argent de ses beaux-parents. Il l'a trompé un nombre incalculable de fois mais il ne cherchait pas le divorce non plus. Tristan savait qu'il perdrait tout de l'héritage familiale, lui expliquai-je, le cerveau mettant en place des théories folles.

-Où veux tu en venir Ariel ?

-Et si ton frère ne voulait justement plus partager, et s'il avait un projet en tête dont personne n'avait connaissance. Le meilleur moyen pour lui d'obtenir l'intégralité de l'héritage et de mettre un terme à leur relation. Comme je te l'ai dit plutôt, un divorce aurait annulé les parts de Justine et cette dernière pouvait gagner une pension pour toutes les choses qu'il a pu lui faire vivre. Donc, si on en vient au fait, la seule façon pour Tristan, de toucher l'héritage au complet est la disparition de son épouse.

Raphaël réfléchit à mon raisonnement sceptique, mais ses yeux prirent une nouvelle lueur, un déclenchement dans son cerveau lui fit ouvrir grand les yeux.

-Je crois, Ariel, que tu viens de trouver les réponses à certaines de mes questions.

-Ceux ne sont que des suppositions, Raphaël. Je n'ai aucune preuve de ce que j'avance.

-Je pense que tu pourras me les fournir grâce à ton passé de journaliste.

Je lui fais un petit sourire conciliant tandis qu'une autre réflexion germe dans ma tête.

-En revanche, je ne comprends pas pourquoi Tristan aurait cherché à la tuer maintenant et pas dans quelques années afin que son héritage soit plus élevé grâce à l'argent gagné pour le refuge ? demandai-je.

-Parce qu'elle était enceinte, répond Raphaël jetant un froid dans l'ambiance.


*****

Chapitre corrigé

Le médecin de cette dame _ RE-ECRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant