Chapitre 4 - Raphaël 1/1

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Coralie a réussi à me mettre en rogne pour toute la journée, je l'ai viré de mon service en la renvoyant chez elle. Se tromper de patient pour une prise de sang, c'est inconcevable ! Heureusement que la prise de sang révélée un taux important de glucose et qu'il a fallu que j'explique au patient paniqué, atteint de diabète, qu'il n'allait pas ce faire opérer. Le comble dans l'histoire, c'est que l'interne a quand même osé accuser les laborantines. Il faut vraiment que j'aille voir le directeur pour parler du cas 'Coralie' afin de prendre une décision radicale concernant son internat chaotique.

Je détends les muscles de ma nuque en regardant mon patient endormi sur la table d'opération, mon dernier pontage de la journée, ce qui devrait me prendre trois heures.  Mon ventre grogne de frustration a cause de la faim qui se fait ressentir.

Patience encore deux heures et je m'occuperai de toi.

Les infirmières du bloc me préparent, gants, blouses, calot...je prends les renseignements nécessaire à mon anesthésiste et entame mon intervention.

Une heure et demi plus tard, j'arrive sur la fin de l'opération quand du grabuge venant du couloir coupe ma concentration. Les infirmières de bloc, l'anesthésiste et moi-même échangeons un regard d'incompréhension . J'ordonne à l'infirmière en chef d'aller voir pourquoi il y a autant d'agitation.

Après dix minutes d'attente cette dernière revient et reprend sa place à ma droite. Nous la regardons tous, impatients d'avoir une réponse. Mais la jeune femme reste impassible et ne daigne ouvrir la bouche. Après un soupir, je me tourne vers elle.

-Vous comptez garder le silence ?

-Pardon Docteur Thomas, c'est juste que je ne sais pas vraiment.

Sa voix est tremblante.

-Mais enfin, dites nous ce qu'il se passe.

Tout le personnel du bloc est suspendu à ses lèvres, impatients et stressés.

-Il se passe quelque chose dans la chambre 34, personne n'a su me répondre. Votre médecin remplaçant a fermé les rideaux et la porte pour que personne ne puisse voir.

C'est la douche froide. Ma respiration se coupe, mon cœur s'accélère, des sueurs froides descendent le long de ma colonne vertébrale. Mon esprit se met à divaguer et à imaginer le pire.

Non pas elle ! Cette femme est ma putain de bouée de sauvetage dans ce monde, il ne faut pas qu'elle meurt !

Je n'entends plus les personnes qui m'entourent et ordonne à une infirmière de recoudre le patient. Mes pieds se précipitent à l'extérieur du bloc pour me retrouver plonger dans un chaos. Mes pensées se consacrent sur une seule personne. Ariel. Son prénom résonne dans ma tête, son corps endormi s'impose dans mon esprit. Je cours dans les couloirs heurtant plusieurs épaules sur mon passage tout en m'excusant. L'expression de mon visage doit parler pour moi puisque personne ne m'arrête dans ma foulée. Lorsque j'atteins le couloir de la chambre d'Ariel, un attroupement de blouses bleus, blanches et roses empêchent quiconque de passer, tous curieux de savoir si elle est morte ou non.

Et si elle est réellement morte ? Si sa chambre devenait vide d'un coup et que quelqu'un d'autre prenait sa place ? Non, je ne peux pas l'imaginer. Je ne VEUX pas y penser, elle doit vivre. Ariel doit rester avec moi...avec nous. Estelle, Mathis, le personnel de cet hôpital, son fils qui l'attend pour un dernier au revoir et puis moi ! Une angoisse me vrille le cœur, mes intestins se tordent de peur.

Je joue des épaules pour arriver jusqu'à sa porte de chambre. Je regarde le chiffre 34 au dessus de ma tête et ferme les yeux en priant pour que la jeune femme soit toujours en vie. La main sur la poignet, j'hésite. La voir morte est impossible, je n'y arriverai pas. Je prends une grande inspiration pour m'armer de courage et rentre en trombe dans la pièce claquant la porte dans mon dos. Je me précipite pour la voir et m'arrête net, les yeux écarquillés.

Elle est là, vivante, remontée dans son lit en position assise. Ariel n'a plus son intubation dans la bouche seulement l'oxygène dans le nez, toujours branchée à ses appareils. Mes yeux rencontrent les siens. Ils sont magnifiques, d'un bleu turquoises presque transparent, son teint est coloré d'une couleur rougeâtre loin de sa blancheur habituelle. Ses cheveux blonds et ondulés retombent en cascade sur ses épaules. Ses lèvres pulpeuses se haussent d'un petit sourire timide. Sa maigreur et ses cernes ne viennent pas tâcher le tableau devant mes yeux. Ariel est vraiment sublime. Ces yeux reflètent la beauté qui se cache au fond d'elle ainsi que la détermination, le soulagement et la joie.

Au bout de cinq mois à tenter de la réveiller, de la dorloter, de lui parler, Ariel a finalement réussi à sortir de son enfer. Un enfer qui a failli la tuer. Ce bout de femme est courageuse et téméraire. Son regard est toujours ancré dans le mien, je sens aux plus profond de mes tripes, à ce moment là, un lien invisible se tisser entre nous. Je fais un pas dans sa direction et pose mes deux mains sur le barreau au pied de son lit. Un soulagement s'empare de mon corps et je ne peux m'empêcher un soupir de sortir de ma bouche.

-Et bien Docteur Thomas, on dirait que vous êtes pressé.

Une voix féminie me sort du regard de la belle endormie, je regarde Estelle, un grand sourire aux lèvres. Un médecin de garde explique à Ariel que tout va bien, qu'il lui faut seulement beaucoup de repos et de la rééducation pour ses muscles atrophiés.

J'aurai pu lui expliquer tout ça !

Il adresse un dernier signe de tête à la patiente et sort de la chambre sans un regard pour Estelle et moi. Il a toujours été imbu de sa personne ce type. Mon attention se reporte sur Ariel qui me regarde en fronçant les sourcils. Je lui adresse un sourire en coin.

-Alors comme ça tu...enfin vous, désolé c'est l'habitude de vous tutoyer. Je suis le Docteur Raphaël Thomas.

Je vois un magnifique sourire dévoiler ses dents blanches et alignées, un sourire parfait. Mon corps fait un salto dans ma cage thoracique. Je ne comprends pas trop sa réaction, Ariel à l'air heureuse à l'annonce de mon prénom. J'entends Estelle glousser à côté de moi.

-Je vous en pries continuer de me tutoyer, j'ai l'habitude aussi de vous entendre parler.

Sa voix encore un peu rocailleuse reste attirante, chaude qui me procure une sensation de bien-être.

Putain, je sens que mon attachement pour elle va me foutre dans la merde !

-Euh...je...Attends voir là ! Tu nous entendais ? Et tu peux également nous tutoies-nous.

Estelle s'écrie en allant se poser sur la chaise à côté d'elle. Je tire une chaise pour me mettre de l'autre côté. Mon premier reflexe fut de tendre la main pour prendre la sienne mais me ravise à la dernière minute. Ariel est réveillée maintenant, et avec ce qu'il lui ai arrivé, je ne suis pas sûr qu'elle apprécie encore le contact humain.

-Oui mais seulement depuis deux jours.

-C'était comment ?

La secrétaire est complétement en admiration devant Ariel.

-Et bien, au début j'étais perdue, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. J'entendais des voix mais je ne pouvais ni voir, ni répondre, ni bouger. J'ai compris mon état grâce à deux infirmières qui étaient venu pour...faire ma toilette. J'étais dans le coma et je ne savais pas comment en sortir. Donc j'ai commencé par vous écouter, reconnaître vos voix, vos habitudes et même vos émotions à travers votre voix. J'ai essayé de tout faire mentalement pour vous montrer que j'étais vivante, que je n'arrivais juste pas à ouvrir les yeux mais rien y faisait. Alors j'ai patienté.

Un silence se fit avant qu'elle ne reprenne.

-Merci d'être resté près de moi pendant tout ce temps, d'avoir garder espoir pour moi. Jamais je ne pourrais vous remercier assez pour tout ce que vous avez fait pour moi.


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Chapitre corrigé

Le médecin de cette dame _ RE-ECRITUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant