Chapitre 45

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Namjoon ne pouvait s'empêcher de fixer les mains blanches de Jimin enroulées sur le cuir du volant, faiblement éclairées par le cadrant et la réflexion des phares sur la route. Il conduisait de manière abrupte sur les routes de campagne, son petit visage blanc enfoncé dans un épais cache-cou. Les essuie-glaces s'agitaient pour entrouvrir vainement la vue au-delà des trombes d'eau... Nam aimait ses mains. Elles se faisaient parfois dures avec lui quand elles s'entremêlaient dans ses cheveux, tremblantes d'émotions. La douceur de Jimin résidait aussi dans la façon qu'il avait d'accaparer Namjoon sans lui faire jamais de mal, de l'emplir tout entier de lui jusqu'à l'étourdissement... Peut-être que Namjoon était ainsi. Peut-être qu'il ne savait vivre que lorsqu'un autre avait décidé de l'habiter, de le posséder. Il tourna la tête vers le siège conducteur pour le regarder, le cœur battant. Avant, il faisait noir. Noirceur dans sa chambre d'enfant, le froid des dortoirs sans âme, de ses bottes sur le ciment et de ses pas sans vie.

Jimin stoppa la voiture sur un chemin enterré, entre deux champs, puis coupa le contact. Il laissa glisser ses mains du volant en soupirant et s'appuya contre le dossier. Plus tôt dans la soirée, il lui avait demandé :

- Tu veux aller te promener avec moi ?

- Mais il pleut des cordes...

Le chanteur avait haussé les épaules avant d'ajouter dans une moue capricieuse, un peu théâtrale:

- J'ai un parapluie.

Jimin sentait le regard de Nam sur son profil mais ne pouvait le lui rendre. Il fixait droit devant lui, l'air agité. Il repensait à cette demi-seconde de basculement, aux confins de la nuit. Cet instant où il avait senti le souffle de ses mots taper sa peau, juste sous son oreille et où, les nerfs agités, il ne savait pas s'il avait pu bien comprendre. Et puis ce doux moment, entêtant, où il avait embrassé doucement ses lèvres, posé son nez contre le sien, perdu ses yeux dans son regard étourdi et qu'à chaque respiration que Jimin avait voulu reprendre, le souffle court, il avait répété ses mots simples et tendres, comme pour l'en emplir entièrement.

Jimin n'était pas du genre à sacraliser ces mots. Peut-être qu'il avait même eu un certain mépris à leur égard, à force de les avoir observé s'user au fil des années, dans des bouches trop enjouées. Les syllabes lui cassaient les oreilles et il ne voulait plus y faire attention, à chaque fois qu'il les chantait avec détachement. Il avait pensé que si un jour on employait cette sorcellerie sur lui, jamais il ne se serait laissé duper. Pourtant il était resté paralysé, la bouche muette, le cœur en détresse, la vision brouillée. Il ne se souvenait plus très bien de ce qui s'était passé. Il revoyait le moment où il avait essayé de s'asseoir sur le lit et que les murs se déformaient autour de lui. Il n'avait rien dit. Il n'avait pas voulu que Namjoon s'éloigne de lui ne serait-ce que pour aller lui chercher un verre d'eau. Il tenait sa main dans la sienne, le dévisageait comme s'il était fou. Il avait ressenti de la gratitude.

Il se détacha et se débrouilla pour rejoindre la banquette arrière. Il s'appuya dos contre une des vitres teintées, allongeant une de ses jambes sur les sièges avant d'oser lever les yeux vers l'ancien militaire, l'invitant à le rejoindre :

- On ne va pas se promener ?

- Plus tard, expliqua simplement Jimin.

Namjoon obtempéra et bientôt l'idole put le tenir contre son torse, plongeant son nez dans sa chevelure chocolat. Ils fermèrent les yeux quelques instants, profitant du calme. Finalement, au bout de quelques minutes, Jimin se redressa et se décida à parler :

- J'ai téléphoné à ma mère, il y a quelques jours...

Il se stoppa, hésitant, timide à se livrer. La main de Namjoon se posa sur sa cuisse, réconfortante et il inspira profondément avant de reprendre :

MoonChildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant