Chapitre 18.

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Namjoon sonna, réajustant pour la trentième fois le col de sa chemise, la pizza en équilibre dans l'autre main. Pas un seul instant l'idée que cette pizza premier prix dénotait sérieusement avec sa tenue de gala ne lui traversa l'esprit. Il était bien trop préoccupé à réfléchir aux premiers mots qu'il allait prononcer lorsque la porte se déverrouillerait. C'était pas possible, ça... Yoongi l'avait pris de court. Qu'est-ce qu'il allait pouvoir raconter pour combler ? Il angoissait énormément. Il l'avait bien roulé ce coup-ci. Toujours des plans foireux, Yoongi ! Toujours ! Qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire au nom de l'amitié. Bien-sûr, maintenant que Yoongi avait promis à son ami que Namjoon viendrait, il lui avait été impossible de décliner, ça aurait été trop impoli et son éducation ne permettait pas de telles choses. Mais enfin, qu'est-ce qu'il faisait là, devant l'appartement d'une idole, à jouer l'amant secret ? Il n'avait rien demandé et tout ceci était parfaitement embarrassant. Il essaya de se calmer en prenant de profondes inspirations.

Il ne pouvait nier qu'il avait des besoins à assouvir mais il avait quelques appréhensions. Il se demandait bien pourquoi Yoongi l'avait choisi lui pour aller remplir une telle mission. Il n'avait pas une expérience phénoménale dans le sexe, il faisait semblant. Il se vantait parce que c'était la coutume et il aurait pensé que Yoongi, fin analyste qu'il était, ne serait pas tombé dans le panneau. Il fallait croire que si, puisqu'il se tenait sur ce paillasson.

À dire vrai, le sexe était aussi plaisant que destructeur pour Namjoon. Le problème dans sa sexualité, c'était son homosexualité. Oh, bien-sûr, intellectuellement il vous aurait dit que l'amour entre deux hommes était chose magnifique et touchante. Oui mais, concrètement, lui, il avait peur de sa sexualité. C'était sans doute parce qu'on avait tout fait, depuis qu'il était petit jusqu'à la fin de sa carrière de militaire, pour construire en lui l'homme le plus hétérosexuel possible. Quand il faisait l'amour à un homme – car jamais il n'aurait pu s'imaginer qu'on pouvait lui faire l'amour, à lui – il le faisait comme si son partenaire était une femme. Enfin, dans sa tête, malgré son désir vrai et sincère pour la masculinité, il s'imaginait faire l'amour avec une femme. Parce que c'était plus simple. Il était terrorisé de s'avouer à lui-même qu'un homme pouvait accepter d'être pénétré. Ça ne collait pas. Un homme était un homme, viril, dominant. C'était comme ça, son père lui avait dit que c'était comme ça. Et si Namjoon n'était pas comme ça, il s'en prenait de bonnes. Les bleus de son père avaient disparu de sa peau mais ses convictions sur ce que Namjoon devait être étaient gravées en lui. Et les humiliations ça y allait bon train. Quand il était entré dans l'armée, son père lui faisait de sacrées blagues : « Ah bah dans les douches, si la savonnette tombe, t'as pas intérêt de la ramasser ! ». Et il partait en grands éclats de rire, gêné, réduisant avec violence la sexualité de son fils à une sodomie forcée. Il avait si peur que son fils puisse tomber dans ce genre de « déviance » - comme il le disait si bien – que, quand il avait trop bu, il se répandait en « gros lolos », « nichons », « bonnes grosses fesses » et autres. Il espérait éveiller une hétérosexualité bien ferme et sans ambiguïté chez le jeune enfant. Parfois, quand il avait vraiment trop insisté sur la bouteille, il observait si Namjoon avait cette petite étoile de désir quand il disséquait la femme en fesses, seins et vagins. S'il trouvait son fils trop froid quant à l'évocation de ce qu'il considérait être le Saint-Graal de l'érotisme, il l'insultait de tous les noms, fou de désespoir. Au fond, peut-être que le père s'était toujours douté que son fils était homosexuel. Le rappeur ne savait plus très bien quand et pourquoi il avait commencé à être si dur avec Namjoon. Sa mère écartait le sujet, embarrassée : « Tu sais, ton père, c'est un militaire et il veut te faire militaire aussi alors, forcément, il t'élève à la dure... ». Ça avait toujours été la grande excuse pour subir les coups de son père: "il t'élève à la dure, ton père! Au fond, il ne veut que ton bien. »

MoonChildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant