Chapitre 2 - Harry

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🎶Heartless, The Weeknd🎶

Enragé, je tire sur mon joint pour avoir les idées claires. La vie, c'est tellement de la merde. La pluie acharnée de Lille ne m'aide pas à m'éclairer l'esprit mais au moins, elle est la seule chose constante dans ma vie.

Posé contre un tronc d'arbre, l'idée de faire une sieste ici me paraît être une bonne idée avant que le proviseur ne marche d'un pas pressé vers moi. Et c'est repartie...

—   Qu'est-ce que tu fous ici ?

Ma voix ironique tempère la sienne énervée :

—   Je fume. Ça ne se voit pas ?

Malgré mes paupières closes, je distingue très bien les traits de son visage excédé.

—   Harry, tu...

—   Conti, le rectifié-je gravement.

Je préfère qu'il m'appelle par mon nom de famille. En ouvrant les yeux, je capte son regard excédé.

Nous sommes dans la même tranche d'âge et pourtant, il est déjà chauve. Heureusement, ça lui va bien avec son crâne rond et sa barbe soigneusement taillée.

—   Conti, reprend-il d'un soupir. Tes élèves t'attendent. Ils passent le bac cette année, me rappelle-t-il.

En arrivant ici, je ne prenais pas mes responsabilités de professeur au sérieux et en deux mois, rien n'a changé. Tout me passe au-dessus. Mon métier ne fait pas exception, comparé à ce qu'il pensait.

—   Si j'ai eu mon bac, ils l'auront.

Je dois l'avoir réellement fait sortir de ses gonds pour qu'il me retire mon bien des mains, quitte à ce brûler la peau. Il geint en l'écrasant avec sa semelle. Aucune fumée. La pluie, évidemment.

—   Je suis riche mais j'ai quand même mal au cœur que tu gaspilles de la si bonne beuh.

Il roule des yeux en se permettant de m'attraper l'avant-bras pour me forcer à quitter la forêt de notre lycée à l'architecture ancienne. Je le repousse sans ménagement, piqué au vif. Comment ose-t-il me toucher ?

—   Je ne suis pas ta secrétaire que tu peux embarquer où tu veux à n'importe quel moment de la journée. Ne me touche plus comme tu viens de le faire.

—   Certes, mais je suis ton patron. Retourne en cours.

Ce n'est pas parce qu'il ne réagit pas à ma pique, qu'il n'est pas agacé. J'ai appris à le connaître, à force.

—   Tu es proviseur dans le lycée où j'enseigne en tant que prof de philo. Ce n'est pas toi qui me payes, grand-frère.

Tout en faisant un pas menaçant dans ma direction, il me toise comme s'il avait du pouvoir sur moi.

—   Si tu ne veux pas que ton grand-frère te gifle, tu ferais mieux d'écouter sagement ton proviseur.

Il m'abandonne sous la pluie pour aller baiser sa maîtresse qui a cessé de repasser ses vêtements, à force.

Alexandre est l'aîné de la famille, ayant cinq ans de plus que moi. On ne s'est jamais réellement bien entendu. Si je pense ainsi, il pense autrement. Il a toujours été le préféré des parents avec ses notes excellentes, ses muscles tirés d'un sport typiquement masculin et son sens inné de la rhétorique. Moi, je suis le raté de la famille. Heureusement, la petite dernière, Mona, relève le niveau. Elle est en première année d'étude, dévouée à devenir diplomate.

—   Si j'avais su que tu deviendrais aussi misérable, je ne t'aurais pas approché.

Et voilà que sa voix amère s'achemine de nouveau à mon esprit. Des frissons réhaussent mes poils de bras et rebroussent chemin jusqu'à mon crâne. Il faut que je sois entouré et vite, au risque de tomber dans la folie une fois de plus. Je n'aime pas ce taf. Parler à des adolescents qui ne comprennent rien à cause de leur stupidité est la pire chose qui pouvait m'arriver. Mais au moins, je ne deviens pas complètement fou.

NE ME DIS JAMAIS #2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant