Chapitre 5 - Harry

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🎶Summertime Sadness, Lana Del Rey🎶

Et dire qu'à cette heure-ci, je suis habituellement en train de siroter un verre de rosé sur la terrasse de ma chambre d'hôtel. A cette période de l'année, le soleil ne se manifeste que lorsqu'il faut se coucher.

En m'avançant vers ma salle, j'observe Judith. Adossée contre le mur, elle fixe celui d'en face. Elle est très différente de ses camarades. Silencieuse, maussade et en retrait, elle me rappelle mes années précédentes. Je n'ai que vingt-deux ans mais cette époque me paraît si lointaine.

Son comportement d'hier m'a plus que surpris. Son visage à la mâchoire anguleuse et aux lèvres fines paraît si angélique que la découvrir furieuse, les pommettes rouges et le regard brûlant étaient un spectacle saisissant.

Seulement quand je suis proche d'elle, elle lève la tête pour me rendre mon regard. Ses yeux d'un gris intense sont cachés derrière ses lunettes de grand-mère. Néanmoins, son regard reste infini. Je pourrais passer des heures plonger à l'intérieur que je ne m'en rendrais pas compte. Cette fille est dangereuse, et c'est pour cela qu'elle m'intéresse.

—   Installez-vous où vous voulez.

Sans surprise, elle prend sa place initiale tandis que je pose ma mallette en cuir sur mon bureau.

Juste pour me faire chier, mon crétin de frangin a instauré dans nos emplois du temps deux heures le mercredi soir et une heure le vendredi matin. S'il savait que passer du temps avec elle est tout ce que j'attendais.

—   Vous avez trente minutes pour écrire vos idées, l'informé-je en écrivant un sujet au tableau. Comme vous êtes arriérée, je vais être clément. Je n'attends pas spécialement de plan.

Elle est loin de moi, mais je peux l'imaginer prendre sur elle en inspirant discrètement.

Affalé sur ma chaise, je lis un message de Daisy.

D : Judith et moi nous sommes rapprochées. Elle sort même avec Antonio.

Et voilà des informations inutiles. Cette gamine ne me sert à rien, putain.

Le café que je sors de ma thermos ne m'aide pas à chasser ces voix qui accourent partout dans mon esprit.

—   Les années passent mais toi, tu ne passes pas à autre chose.

Mes lèvres se pressent contre le rebord de ma tasse.

—   Morte ou pas, je continue de te hanter.

Mes paupières se pressent et pourtant, je vois encore son visage dans le noir.

—   Si je suis là, c'est parce que tu as besoin de moi.

La présence de Judith m'empêche d'exprimer mes émotions. Je me sens comprimé vis-à-vis de moi-même. Je veux exploser, partir en éclats, disparaître. Je n'en peux plus de souffrir.

—   Harry...

Mon prénom sur ses lèvres, c'est la goutte de trop. J'ouvre les yeux en jetant la tasse. Judith sursaute en voyant l'objet valser dans le vide.

—   Est-ce que vous saviez que la fenêtre était ouverte ?

D'ici, je ne vois pas bien la lueur inquiète qui traverse ses pupilles. Je n'entends que sa voix à peine tremblante. Je décide donc de m'approcher. Fidèle à elle-même, elle reste plantée sur son assise en relevant la tête pour maintenir notre échange.

—   Savez-vous comment briser un enfant, Mademoiselle ?

Déroutée, elle émet un mouvement de recul lorsque mes mains s'appuient aux extrémités de sa table.

NE ME DIS JAMAIS #2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant