Chapitre 4 : Cinderella

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— Il est là-bas.

Je lève la tête vers la direction qu'Éric prend en poussant dans mon dos pour m'inciter à le suivre, sa main derrière moi. Le chandelier au-dessus de nos têtes est immense, probablement de la même largeur que le piano à queue sur le côté droit de la scène, où la pianiste à la robe violette glisse habilement ses doigts, animant la soirée d'une mélodie que je ne connais pas.

Sa représentation musicale est accompagnée par un violoniste qui se balance de gauche à droite en tenant son instrument délicatement, un bassiste qui se concentre sur ses cordes transporté par les sons et une harpiste qui se laisse guider par la mélodie de ses notes fluides et légères.

Mettez du Chase Atlantic, bordel.

— Viens.

Je continue de suivre Éric. Après m'avoir brièvement présenté à quelques-uns de ses amis, j'ai longtemps attendu que l'un d'eux finisse de lui raconter ses vacances aux Caïmans avec ses filles pour souffler. J'ai réussi à me poser autour d'une table vide, et à voler le plateau de caviars d'un serveur qui m'a fixé comme si je venais de lui demander sa main. Ma paix n'a duré pas plus d'un quart d'heure avant qu'Éric ne me traîne de nouveau. J'ai failli glisser en descendant de la chaise. Très peu encombrantes, les tables hautes réparties à travers la pièce étaient associées à des chaises hautes dont il fallait poser le pied sur le barreau pour atteindre le siège et s'y asseoir. Pour les personnes moins d'un mètre soixante quinze en tout cas.

Les lumières jaunes qui aidaient le chandelier à illuminer la salle se reflétaient parfois sur les paillettes des robes de certaines invitées, leur donnant un aspect de lampadaire ambulant. Il faisait chaud, il y avait trop de discussions autour de nous, de rires étouffés, relâchés, et surtout, je commençais à insulter à profusion Kimberley pour les talons qu'elle m'a donnés.

— Élyas.

Je me mords la langue en entendant la personne qu'il interpelle devant le groupe d'hommes devant nous. Je reconnais le plus âgé. Il était avec nous à écouter le monologue du périple incroyable aux Caïmans du chef industriel d'une société dont je n'ai pas retenue le nom, il y a quelques minutes. À ses côtés, deux jeunes hommes qui saluèrent Éric à grands sourires et poignées de main. Je n'étais pas assez proche physiquement d'eux pour leur serrer la main, et je n'allais pas m'avancer pour le faire. Ils se tenaient tous les trois face à une seule personne, dos à nous. Sa carrure me dominait déjà entièrement, autant qu'il contrôlait l'ambiance dans ce cercle masculin que sa présence avait généré.

— Aurore, je te présente Élyas.

Les lettres se coincent sur mes lèvres, glissent dans l'air.

Élyas.

Le nom collé sous le poignet gauche de ma mère m'avait toujours intriguée. Plus que le nom d'Éric qu'elle essayait d'oublier. Élyas. Celui qui était tatoué en lettre sur son épiderme et ancré dans son cœur à vie. Elle faisait toujours un gâteau d'anniversaire à cette date-là. Sa date. Elle en faisait toujours, partagée entre l'amour et une putain de tristesse qui m'enterrait.

Mon cœur lance lorsqu'il se retourne vers nous, exhibant fièrement sa ressemblance avec notre mère. Je contracte ma mâchoire jusqu'à la douleur et enfonce mes ongles dans mes paumes brusquement. Il a énormément d'elle. Énormément de choses que je n'ai pas la chance d'avoir héritée. Le brun foncé de ses cheveux, ses yeux, son nez, et ses lèvres fines.

J'ai envie de crier de frustration, bordel. Maman aurait tellement voulu être à ma place et le revoir, mais elle ne peut pas. Elle n'a pas eu l'occasion de le toucher et lui parler une dernière fois. Elle n'a pas pu retrouver les iris émeraudes qu'elle avait transmis à son aîné. Elle ne peut pas, et ne pourra jamais plus.

ATTRACTION GAME | Tome 1 : Black & WhiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant