Les premières explosions retentirent. La jeune femme perchée sur les toits de la ville les fixaient en grimaçant. Comment deux femmes aussi insignifiantes qu’elles pouvaient déranger à ce point une organisation terroriste debout depuis si longtemps ? Comment avaient-elles réussi à mettre autant en sens dessus dessous la solide base ?
— Protégez-la, ordonna la femme rousse, ses yeux verts rivés sur le combat qui battait son plein.
— À vos ordres.
Le terroriste à ses côtés disparut dans l’ombre, tandis que la rousse le suivait du regard. Elle ne s’autorisa à se détendre que seulement après qu’il fut parti de son champ de vision. Elle poussa un long soupir et roula ses épaules en arrière pour chasser la tension. Enfin, nous allons y arriver… enfin ils tomberont… Cette mission durait depuis trop longtemps déjà. Elle avait souvent porté un masque, c’était son travail et ce depuis quelques années. Cependant, cette mission… Elle commençait à saturer. La rousse sursauta en entendant des éclats de voix dans son dos. Les deux filles. Une rousse et une brune.
— C’est toi la chef ? lança la brune.
— Eleanor, détend-toi. Ça ne sert à rien de crier.
Elle lui lança un regard sombre mais ne dit rien. Elle se contenta de fixer la femme en face d’elles. Cette dernière ne bougeait pas d’un iota. Ses étincelants yeux verts emplis de défi ne les quittaient pas. Lorsqu’elle parla, sa voix grave emplie d’une menace cachée résonna entre les bruits de combat.
— Que nous voulez-vous ?
La rousse regarda les deux nouvelles venues avec davantage d’attention. La brune portait un uniforme de Chasseuse, de la Guilde de Copperhelm à en croire le blason sur son côté gauche. Celle qui l’accompagnait était vêtue d’une simple tenue de travail ocre foncé. Certainement une mécanicienne ou une pilote.
— Vous avez quelque chose qu’on recherche. La Clé de tous les Secrets.
— En effet, elle est bien ici, à Bucklemore. Cependant, si vous pensez que je vais vous la donner, vous vous trompez lourdement.
— Tant mieux, parce que je ne comptais pas récupérer la Clé sans me battre.
— Une Chasseuse cherchant autre chose que le Cœur de la ville, voilà qui est surprenant.
— Les temps sont différents. Disons que je m’adapte aux situations. En attendant, c’est la Clé qu’on doit récupérer.
La rousse haussa un sourcil. Copperhelm qui voulait à tout prix la Clé la suprenait. Pourquoi essayer de la prendre ainsi ? S’ils la voulaient, ils pouvaient la récupérer bien plus facilement que cela. Après tout, ils étaient passés maîtres en termes de mise en scène. Pourquoi se fatiguer autant ? Elle fit claquer sa langue, irritée.
— Qu’avez-vous fait à ma base ?
— Oh on y a juste truffé quelques bombes, mais ne vous en faites pas, rien de bien grave. Je suis une Chasseuse. Quand bien même ma mission est de récupérer la Clé, mon rôle premier est de voler le Cœur.
— Je vois, je vois… Pour votre gouverne, la Clé est bien protégée. Ce n’est pas en faisant exploser la base que vous allez y arriver.
— C’est pour ça que certaines de nos bombes sont à retardement, sourit celle qui l’accompagnait. Vous nous dites où se trouve la Clé et on laisse votre base sauve. Si vous ne voulez pas coopérer, tout explose, vous y compris.
La rousse grimaça. Elle ne pouvait ni accepter ni refuser. Soit elle compromettait sa couverture, soit elle mourrait. Ni l’un, ni l’autre ne pouvait arriver. Elle devait trouver une solution, et vite. Elle voyait la mécanicienne faire tourner le détonateur entre ses mains gantées.
— Alors, une réponse, madame la terroriste ?
— Dans la salle des trésors. Dans la cathédrale. Vous la trouverez dans l’autel, souffla la rousse.
— Bien voilà, quand vous voulez. Viens Clementine. Allons récupérer notre Clé.
Quand les deux filles eurent disparu, la rousse se laissa lentement glisser au sol. Pourquoi ? Pourquoi ? Elle devait certes détruire les terroristes de l’intérieur, mais… elle avait l’impression d’être tombée de Charybde en Scylla. J’espère que je n’ai pris de mauvaise décision…
— Cheffe, cheffe, on a un problème ! hurla une voix dans son dos. La Clé ! La Clé a disparu !
La rousse se redressa, les yeux hagards. Son visage n’exprimait plus aucune émotion, si ce n’était que l’ennui et la lassitude. Émotions que son interlocuteur interpréta comme un geste de trahison.
— Qui êtes-vous… ?
— Je…
— Vous… c’est vous qui avez…
Il se retourna et s’apprêtait à courir en sens inverse, mais fut stoppé en plein dans son élan. En portant une main à son abdomen douloureux, il vit du rouge sur ses doigts. Avant qu’il ne puisse réaliser ce qu’il s’était passé, il s’écroula au sol. Mort.
— Je suis désolée… mais s’il y a une chose dont tu ne dois pas savoir, c’est bien ça.
Elle tenait le pistolet presque sur le bout de ses doigts, sa main tremblante. Elle respirait fort, tentant de calmer le rythme effréné de son cœur. Elle sentit ses jambes la lâcher une deuxième fois. Cette fois, elle ne savait pas si elle pourrait se relever. Elle avait tué. Encore. Elle baissa les yeux vers ses mains. Bien qu’immaculées, la seule chose qu’elle voyait c’était le sang qu’elles portaient. Elle enfouit son visage dans le creux de ses paumes. Jusqu’à quand vais-je devoir tuer pour pouvoir réaliser tes rêves ?
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Engrenages Sanglants I : Soldats De Cuivre
Science-FictionChalkos, 1964. Depuis de nombreux siècles maintenant, les villes sillonnent les terres, montées sur leurs roues ou leurs ailes. L'ancien si puissant Royaume-Uni n'est plus que quatre contrées où proies et prédateurs se poursuivent. Devenue une dicta...