𝓢𝓲𝓷𝓰 𝓯𝓸𝓻 𝔂𝓸𝓾 [ˡᵉᵉ ʰᵉᵉˢᵉᵘⁿᵍ]

𝒞нαριтяє 14 : αiмé

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 Ce fut mon tour de présenter Haneul à ma famille. Enfin ma seule famille... c'est-à-dire mon père.

Ne parlons pas de mon frère, merci. Je ne sais même pas où il est et je n'ai pas envie de savoir.

C'était un samedi après-midi, comme je crois que c'était devenu notre moment de sortie de la semaine avec Haneul. Comme mon père habite dans la banlieue de la ville, j'accompagnai ma copine en train jusqu'à chez lui. J'étais noyé dans un océan de stress mais j'essayais de ne rien laisser paraître. Même avec Haneul était là et me parlait de tout et de rien, mon esprit n'arrivait pas à se concentrer.

J'avais prévenu mon père que je venais mais pas que Haneul venait. Il n'aimait pas les surprises. Je sentais que j'avais un peu merdé sur ce coup là. J'espérais qu'il ne me crie simplement pas dessus. Qu'on ne se crie pas dessus, en fait. J'avais rassemblé une liste d'arguments dans ma tête pour me défendre et défendre Haneul aussi. Au cas où...

Mais je voulais vraiment recoller les morceaux avec lui. Il m'avait élevé seul pendant des années, il ne méritait pas autant de froideur de ma part. J'avais sûrement été trop dur avec lui, à me rebeller pratiquement tous les jours quand j'étais au lycée. Mais comment retrouver un semblant de paix alors qu'elle n'avait jamais existé dans notre relation ?

En plus je n'avais presque plus d'argent pour rien d'autre que de la nourriture quotidienne. Et je détestais lui en demander, même s'il ne m'en donnait jamais beaucoup.

« T'aurais qu'à te trouver un job si t'étais pas aussi incapable.

Ferme-la, l'anxiété. »

Mes muscles étaient tendus, ce qui ne faisait qu'empirer mes courbatures venues de nulle part.

Quand il fut temps de sonner à la porte de la maison de mon père, il n'était même plus question de présenter ma copine. Le revoir signifiait tant de choses dont j'avais peur. À quel point avait-il changé ? Physiquement, mentalement ? Avait-il seulement changé ? Heureusement la réponse ne tarda pas à venir.

La porte s'entrouvrit sur son visage au teint hâlé surmonté de ses cheveux striés de mèches blanches, ses yeux tranchants qui m'avaient toujours effrayé, enfant, ses fines lèvres qui tremblotaient naturellement et avaient sorti les pires horreurs à mon égard aussi bien que les plus jolis mots.

Ma peur était mêlée à la joie.

Il sourit sans montrer ses dents et leva une main pour m'attirer vers lui et me tapoter le dos. Il faisait une tête de moins que moi et j'avais aussi l'impression qu'il était deux fois plus mince que moi.

- C'est pas trop tôt, enfin ! Venir voir ton père...

Il ne termina pas sa phrase mais nous laissa tous les deux entrer. J'attendis qu'il me demande de lui présenter Haneul mais il la regarda brièvement en souriant nerveusement, puis il ferma la porte. Je décidai de faire le premier pas.

- Papa, je te présente Haneul, ma petite-amie.

Elle s'inclina à presque quatre-vingt-dix degrés en offrant son sourire le plus beau. Il hocha vivement la tête, toujours avec son sourire gêné. Puis il se tourna vers moi.

- Mon fils a une copine ? C'est... surprenant...

Il faisait une mine indisposée, comme s'il aurait préféré pas le savoir. Cette réaction fit monter le magma en moi ; ce n'était donc toujours pas assez pour l'impressionner ? Il n'était pas content pour moi ?

Pendant qu'on enlevait nos chaussures et nos manteaux, il partit rapidement à la cuisine, faisant traîner ses claquettes. Je me surpris à les voir : ça faisait des années qu'il les mettait encore. Je jetai un coup d'œil à la maison. Elle était vieillissante mais n'avait pas vraiment changé. Elle était telle que je l'avais abandonnée : murs tapissés, meubles bruns, et un bazar sans nom constitué d'un amas de dossiers du boulot de mon père. Et il y avait de la poussière et d'autres saletés par terre. Depuis combien de temps n'avait-il pas passé l'aspirateur ? Il ne devait sûrement pas en avoir l'énergie.