𝓢𝓲𝓷𝓰 𝓯𝓸𝓻 𝔂𝓸𝓾 [ˡᵉᵉ ʰᵉᵉˢᵉᵘⁿᵍ]

𝒞нαριтяє 9 : ∂éfeη∂ѕ-тσi !

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- Papa, Jay et moi, on voudrait former un groupe de musique.

- Quoi ?

M. Lee s'arrêta aussitôt de manger. Ses couverts tombèrent dans son assiette en un son strident. Il leva la tête au ciel, clignant lentement des yeux, comme s'il venait d'entendre la pire tragédie.

- Un groupe de musique ? Sérieusement ?

Heeseung ne pouvait même pas regarder Heechun pour son soutien : son frère fixait son assiette et mangeait en silence. Il jugeait la scène, comme toujours.

- Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça..., continua M. Lee d'une voix basse en secouant la tête.

- Je ne vois pas ce qu'il y a de mal, répliqua Heeseung du tac au tac.

- C'est qui ce Jay ? Il doit être taré, lui aussi.

- Non, il n'est pas taré ! C'est mon ami, je te l'ai déjà dit.

- T'as des amis, toi ? Dis-donc...

Il soupira et ne finit pas sa phrase.

Le magma montait en Heeseung. Si son père osait critiquer son ami – probablement son meilleur ami même –, une fois de plus, il était prêt à exploser.

M. Lee ferma les yeux pendant quelques secondes, les mains jointes sur son front. Il reprit d'une voix calme :

- Écoute, cette histoire de passion pour la musique, je croyais que ça t'était passé au dessus. Il y a tellement d'autres choses que tu pourrais faire, comme du sport par exemple ! Ça te dit pas de faire du sport ?

- Non !

Heeseung entrouvrit la bouche mais ne dit rien. Il avait beau défendre ce qu'il aimait, son père continuait de le critiquer. Répondre par les mêmes arguments ne servait à rien.

- Je refuse que tu te négliges ! Récrimina M. Lee. Tu n'es pas comme ça. Heechun a compris, lui !

Heechun faisait du taekwondo à haut niveau, au moins cinq fois par semaine. Mais Heeseung était loin de l'envier. À part pour son corps d'athlète. Et le traitement de faveur qu'il recevait.

Il se tut et laissa ses couverts dans son assiette. Il n'avait plus faim.

Et si son père avait raison au fond ? Et s'il se négligeait sans s'en rendre compte ?

Démêler le vrai du faux était un jeu presque impossible dans la tête de l'adolescent. Son père avait eu raison sur plein de choses : dessiner en cours le distrayait trop et lui faisait avoir de mauvaises notes, il était si peu attirant qu'aucune fille ne l'approchait, il était incapable d'avoir une vie sociale normale... et cetera. Donc Heeseung n'avait d'autre choix que de le croire, des fois.

♫

Quinze ans et rempli de frustration de la tête aux pieds.

Il était assis sur sa chaise de bureau qu'il faisait tourner encore et encore et encore avec ses pieds. Un plan se dessinait dans sa tête en boucle, la tension montait dans ses muscles. Étrangement, il attendait les cris avec une impatience terrible et fiévreuse. Il tremblait cependant de tout son corps en imaginant la réaction de son père, et ses mains se couvraient de plaques de sueur incontrôlables.

Il savait qu'il allait le décevoir.

Mais il savait, de ce fait, que sa famille n'était pas normale, pas saine, pas attentionnée et il savait que son père l'était encore moins. Cette idée, il n'arrivait pas à l'accepter. En tout cas il n'y arrivait plus. Il haïssait sa famille, sa situation plus que tout au monde. Il détestait les insultes, les ordres, les cris, le silence et le froid, et par dessus tout, sa vie.