Chapitre 6

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Simon réfléchit à toute vitesse en entendant les soldats arriver. Trouver une solution, trouver la solution... Malgré ses efforts, rien ne vint soudainement éclairer son esprit. Les pas des Mages du Froid résonnant comme pour leur sonner leur dernière heure, le métamorphe lança un regard désespéré à son omagi près de lui.

Mais au lieu d'y voir de l'accablement, en reflet à ses émotions, le jeune homme fut surpris de trouver une détermination sans faille dans le regard du tigre ailé. Revenu à sa couleur orange flamboyant d'origine, Hélios ne le regardait pas, le regard fixé vers les nouveaux arrivants. Puis en un coup d'œil vers son maitre, une seule phrase résonna dans l'esprit de ce dernier.

- Vas-y et ne t'inquiète pas pour moi.

Ce fut bref. Simon eut à peine le temps de comprendre les mots de la phrase du jeune naozuran que celui-ci bondissait déjà au milieu de l'embranchement central où ils se trouvaient. Alors que le meilleur ami de Alexis tendait le bras dans un élan paniqué, lui criant de revenir se cacher avant l'arrivée des elfes des neiges, Hélios rugit à faire trembler les murs du palais pour bien signaler sa présence.

Aussitôt, les pas des protecteurs du château s'intensifièrent pour se diriger de plus en plus vite vers leur direction. Constatant avec satisfaction que sa diversion marchait, le jeune tigre jeta un dernier regard vers Simon avant de bondir vers un couloir pour distraire leurs poursuivants, laissant le champ libre pendant quelques minutes à son maitre.

Alors que les derniers poils du pelage de Hélios disparaissaient au détour d'un couloir, Simon recula sans bruit pour ne pas gâcher le plan du naozuran avant de courir dans le couloir opposé. Pendant sa course, le jeune homme se mordit la lèvre ; il aurait voulu dire cette phrase à son omagi avec la même conviction, la même résolution, pour que ce soit lui qui le protège et non l'inverse.

En entendant un nouveau rugissement à l'autre bout du palais, Simon pressa le pas ; Hélios ne réussirait pas à éloigner tous les gardes tout en ne se faisant pas attraper. C'était maintenant son tour de jouer, il devait absolument trouver les documents concernant l'emplacement de Césarius.

Tout à coup, il entendit des bruits de pas devant lui, avancer vivement dans sa direction. Affolé, Simon poussa la porte de la pièce la plus proche avant de s'y engouffrer rapidement pour s'y cacher. Plongé dans le noir, le jeune maitre essaya de contenir ses battements de cœur précipités et en retenant sa respiration, se faisant tout petit dans la pièce.

Grâce à la lumière qui filtrait sous la porte, le métamorphe vit l'ombre de l'elfe des neiges passer devant la porte. En voyant cela, le jeune homme se permit de souffler mais il se rappela trop tard qu'il ne fallait vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Simon vit l'ombre des pas se ralentir avant de s'arrêter devant la porte où il se cachait.

Pendant quelques secondes qui lui parurent des heures, le jeune homme sentit une goutte de sueur lui couler le long de la tempe en entendant des reniflements venus du garde derrière la porte. C'était fichu, le Mage du Froid avait détecté son odeur dans le palais ! Il se hérissa brusquement quand il entendit une voix familière s'adresser à lui.

- Simon... ?

La voix n'était qu'un chuchotement dans le vent, une hésitation d'un souffle, une caresse dans l'air mais Simon l'avait tout de suite reconnue. Elle appartenait à Aryuna, l'elfe des neiges qui l'avait accompagné le matin même ! Avant qu'il n'ait le temps de penser à autre chose, le jeune homme entendit soudain la poignée de glace grincer sous le poids d'une main indécise. Alors qu'il signait son arrêt de mort, une voix venue de l'extérieur vint le tirer d'embarras.

- Commandante Geld, héla une voix inconnue. Nous avons besoin de votre aide pour attraper le fauve qui court dans le palais !

Aryuna sembla réfléchir sur sa décision, sur le pas de la cachette de Simon, avant de répondre à son collègue et de disparaitre sous le son de ses pas. L'elfe des neiges partie, le jeune homme se permit de prendre quelques secondes pour se rendre compte de la chance qu'il avait eu, frôlant l'hyperventilation. Puis grâce à sa vision presque nyctalope, il vit alors où il avait trouvé sa cachette depuis le début.

Des dizaines et des dizaines de de livres, papiers et autres documents étaient entassés par piles et tas sur les étagères de la petite salle. En feuilletant l'un des dossiers, Simon se rendit compte avec joie qu'il s'agissait là de différentes archives de documents concernant les prisonniers des elfes des neiges.

Remerciant ce heureux hasard, il chercha par nom le dossier concernant l'omagi de Théo en cherchant dans la section animaux puis prit le soin d'en faire une copie avec le sortilège de Doppio. Puis ne demandant pas son reste, le métamorphe sortit des archives et s'envola en forme de chouette par une fenêtre avec son précieux document entre les serres.

****************

Survolant une étendue de blanc neige sous sa forme de chouette, Simon n'eut aucune difficulté à repérer Hélios, une tache dans la neige, allongé près d'un cours d'eau. Serrant ses serres autour du papier, l'oiseau entama sa descente vers le naozuran qui releva avec curiosité et gourmandise la tête. Avant que son omagi ne le dévore, Simon leva haut les ailes avant de hululer précipitamment.

- Tout doux, Hélios ! C'est moi, Simon, alors renonce dès maintenant à me manger ! ordonna clairement le métamorphe.

Déçu, le félin s'affala à nouveau sur sa place, face à la rivière, en soufflant de dépit.

- J'aurais dû m'en douter, la nourriture ne tombe pas toute seule du ciel dans la gueule de n'importe quel félin... soupira Hélios par pensée. Sinon, tu as réussi à connaitre l'emplacement de la prison de l'omagi de l'autre criminel ?

- Oui, j'en ai fait une copie au cas où mais je crois que Aryuna m'a découvert, résuma Simon en montrant le document entre ses serres. Mais je ne suis pas le seul à blâmer, toi, comment as-tu fait avec la montagne d'Elfes à toi tout seul ?

- Hum, moi contrairement à toi, j'ai brillamment réussi ma mission sans accroc, sourit le tigre de tous ses crocs, fier de lui. Pendant que tu éveillais les soupçons de notre guide, moi, j'ai distrait les gardes comme prévu et je me suis même fait dorloter.

Sous le regard surpris de la chouette devant lui, le jeune tigre ailé laissa mariner son maitre en s'abreuvant quelque instant à la rivière avant de raconter son récit d'une voix sûr de lui.

- Et oui, avant de me jeter dans la gueule de dizaine d'elfes des neiges, je me suis rappelé que ma mère m'avait révélé un jour, quand j'étais encore un jeune tigreau, que les Elfes étaient dingues de notre espèce, pas seulement les elfes des forêts, pour qui nous sommes de vaillants protecteurs. Quand les gardes elfes des neiges m'ont vu dans leur palais, ils ont tout de suite rangé leurs armes pour me mettre le plus à l'aise possible ; les naozurans sont des créatures presque sacrées pour les elfes, en tuer un constituerait un délit.

- Bon OK, j'ai compris, tu t'es joué d'eux en beauté contrairement à moi, souffla le jeune homme l'air blasé. Bon, le plus important est que nous connaissons la localisation de la prison de Césarius, on s'occupera du cas Aryuna plus tard. Je propose qu'on passe la nuit ici avant de chercher la couleuvre, je suis épuisé après toutes ces transformations animales et le sortilège de Doppio.

Approuvant l'idée de son maitre, Hélios bailla avant de s'allonger sur un rocher froid près de la rivière en dessous de Simon, sous sa forme de chouette, perché à une branche en hauteur. Les deux animaux s'endormirent alors à l'abri des regards des elfes des neiges.

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