Réseau dangereux

Chapitre 3

Ce qui était le plus terrifiant dans la prison des elfes des neiges était son silence sinistre, pesant, interrompu seulement par les quelques pas des gardes, les Mages du Froid. Tous les prisonniers enfermés dans cette prison avaient tous commis un crime d'une grande ampleur. Ils avaient été jugés et condamnés à cette peine que certains considéraient comme pire que la mort, être changé en statue de glace coupée du monde pour une durée indéterminée.

À chaque cellule, une nouvelle statue dans une expression de désespoir, de haine, de tristesse infinie, de regrets... Chaque prisonnier était propre à lui-même. Beaucoup des visages de criminels étaient teintés de remords et de culpabilité... leur dernier sentiment gravé avant de subir leur peine, de quitter ses proches, son monde pour plonger dans un inconnu terrifiant.

Le visage de Théo sortait du lot, son expression furieuse n'était que rarement vue dans les cellules de la prison. La jeune elfe des neiges semblait encore avoir l'étincelle de rage qu'il avait eue pendant son combat contre Simon et Alexis.

Aryuna ordonna à ce qu'on lui ouvre la porte et entra dans la cellule avec une expression de répulsion pour son occupant. Hésitant, le jeune métamorphe finit par suivre l'elfe des neige suivi de son tigre ailé. De plus près, il put voir avec précision ses traits figés à travers le temps. D'une main fébrile, le jeune homme voulut s'assurer de l'impotence de l'elfe mais Aryuna l'arrêta d'une voix claire.

- Écarte-toi, gamin, ordonna-t-elle. Nous allons réveiller monsieur la tête brulée.

Aussitôt, le jeune métamorphe s'écarta pour laisser place aux trois Mages du Froid accompagnée de Aryuna. Les membres de la police des elfes des neiges et la puissance elfe des neiges entourèrent la statue du jeune elfe et placèrent leurs mains bien devant eux, à quelque centimètres du prisonnier.

Concentrant leur pouvoir à quatre, les elfes de neiges firent fluctuer leur pouvoir vers leur doigts jusqu'à ce qu'il vienne scintiller au bout de ses derniers. Intensifiant leurs efforts, les Mages du Froid injectèrent de plus en plus de magie vers leurs doigts pour faire fondre la statue de Théo. Bientôt la figure du jeune elfe commença à s'humidifier puis des gouttes firent leur apparition petit à petit sous les étincelles des elfes des neiges.

En quelques minutes et sous le regard attentif de Simon et Hélios, les quatre elfes des neiges firent complètement fondre la glace qui retenait dans le temps le disciple de l'Ombre Insaisissable. Quand la dernière goutte d'eau tomba au sol, l'air entra soudainement dans les poumons du prisonnier qui l'inspira douloureusement.

Comme s'il avait manqué de se noyer, Théo tomba à genoux, pris d'une quinte toux, inspirant à grandes goulées d'air. Leur travail accompli, l'un des gardes grimaça en regardant l'élève de Charly souffrant au sol.

- Et dire qu'il était sensé devenir l'un d'entre nous... chuchota le Mage du Froid avec mépris.

La tête de Théo se releva aussitôt à ces mots, sa toux soudainement disparue. Piqué à vif, il plongea ses yeux glacier dans ceux du Mage du Froid d'une lueur assassine ; de la même manière dont le faisait son oncle Soren, trouva Simon mentalement.

- Mais oui, comment ai-je pu me rabaisser au grade insignifiant de Mage du Froid, réduit à de simples geôliers de prisonniers...

Contrairement à lui, le Mage du Froid et ses collègues ne répondirent pas à ses provocations. Les trois elfes des neiges sortirent de la cellule, leur travail achevé, laissant Aryuna, Simon et Hélios avec le prisonnier. Ce dernier tourna le regard vers sa tante sans une once de joie par sa venue. Il répliqua, d'une voix cinglante.

- Oh, bonjour chère "tantine", la salua-t-il en détournant le regard. Vous êtes vraiment la dernière de la famille à qui j'aurais pensé voir, ici dans cette froide prison silencieuse...

- Vraiment Théo ? grinça Aryuna. Espérais-tu la visite de tes parents, ma tendre sœur Ingrid ou son mari Isak ? Ne te fais pas d'illusion, plus personne de la famille ne veut te voir.

De son point de vue, Simon crut voir pour la première fois une voile de déception teinté de tristesse passer sur le visage de l'elfe quand il apprit la triste nouvelle. Puis plus rien, les larmes avaient déjà disparues avant même d'avoir coulé le long de ses joues, Théo avait remis son masque impassibilité des elfes des neiges. Il releva fièrement la tête pour faire face à sa tante.

- Pourquoi aurais-je besoin de vous ? Vous avez toujours dicté tous mes faits et gestes depuis ma naissance. Jamais rien de ce que je faisais n'était à la hauteur de vos attentes. Mais après que Charly m'ait pris sous son aile, j'ai enfin pu assumer qui j'étais et ce que je voulais vraiment. Je ne regrette rien de mes actions...

Le son sec de la frappe contre sa peau l'arrêta. Avant même que Simon ou Hélios n'ait pu la voir, la main de la puissante elfe des neiges avait giflé la joue de son neveu. Ce fut si bref que Théo ne sentit pas la douleur, mais le geste oui. Aryuna le réprimanda d'une voix méprisante.

- N'entache pas le glorieux nom des Geld dans ta chute. Reconnais simplement tes torts, ce sera le meilleur pour toi.

- Jamais ! s'écria Théo en haussant le ton, perdant la guerre de nerfs. Charly et les autres ont été ce qui a été le plus proche d'une famille pour moi ! Et puis comment pouvez vous me parler de l'honneur de la famille ? Vous-même l'avez souillé en aimant une femme dans votre passé, qui plus était une elfe des prés, cette T...

Une nouvelle gifle vint accueillir sa joue, plus violente que la précédente, si bien que Théo fit emporté par le coup et tomba au sol, portant une main à son visage pour calmer la douleur. En jetant un regard à Aryuna, Simon vit que cette dernière retenait encore ses coups, serrant les poings et assassinant du regard son neveu de la même manière que son frère Soren l'avait fait quand le métamorphe avait énoncé le nom de son neveu. Décidément, c'était de famille.

La puissante elfe des neiges pesta à l'égard de son neveu.

- Tu ne mérites pas de prononcer son nom, gronda-t-elle. Ni même le temps que je t'accorde aujourd'hui.

Elle tourna les talons pour sortir de la cellule, laissant Théo seul avec Simon et Hélios. En passant le seuil de la porte, Aryuna se retourna pour parler à Simon, d'une voix radoucie du mieux qu'elle pouvait.

- Désolée, gamin, s'excusa-t-elle. Je ne pourrais pas t'accompagner plus longtemps dans cette cellule sous peine d'écraser la vermine enfermée dedans. Je t'attendrais dehors, prend ton temps surtout.

Sur ce, la guide sortit, non sans un regard meurtrier de glace à Théo qui frissonna. Désormais seuls, le métamorphe pouvait enfin son interrogatoire avec Théo.