Chapitre 23 : Ta conversation agréable

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L'odeur des pommes de terre au beurre d'ail cuites au four prend immédiatement Hiyori au nez lorsqu'elle franchit la porte d'entrée. Sans lâcher le bouquet de fleurs qu'elle tient dans ses bras, elle referme derrière elle, évitant au vent de s'engouffrer dans la maison. La chaleur l'étouffe déjà. Chez les Hart, seules les journées d'été empêchent Rayleigh d'allumer un feu de cheminée. Comme si elle habitait ici depuis toujours, elle retire ses baskets et dépose les clefs de la voiture de Shachi dans le panier en osier qui trône sur une commode. Au loin, elle entend les talons de Shaky résonner.

- Hiyo, mon ange, viens m'aider je vais tout renverser !

La jeune femme sourit. Le surnom qu'elle détestait au collège lui apparaît désormais aussi doux que les sucreries qu'elle ingurgite à Noël. Elle se presse jusqu'à la cuisine et dépose le bouquet sur une desserte.

- Salut Shaky, lance-t-elle en lui plaquant un baiser sur la joue.

- Tiens ça, lui ordonne la maîtresse de maison en retour.

La rousse s'exécute et saisit le cul de poule pour remplir un à un les moules d'une préparation au chocolat. Les effluves de l'entrée, du plat et du dessert se mélangent. Le ventre d'Hiyori se réveille, pressé d'ingurgiter un menu aussi long que le bras jusqu'au soir. Tout en lui posant quelques questions sur sa vie à la colocation, Shaky virevolte dans la cuisine, toujours occupée à préparer une quinzaine de recettes différentes en même temps. Ses cheveux châtains coupés très courts lui donnent l'air sévère qu'elle n'a jamais honoré. Sa voix est claire, empreinte de gentillesse. Perchée sur ses talons, une jupe noir en tube l'empêchant de courir d'un plan de travail à l'autre, elle tente de ne pas tâcher son chemisier rouge pétant. À côté, l'étudiante semble à peine assez habillée pour un repas de famille lambda : un pull à col roulé vert bouteille long et un legging noir. L'opération dessert terminée, la jeune femme attrape un vase et installe son bouquet au centre de la table, accompagnée des compliments de son hôte, toujours au four et au moulin. Shachi et Rayleigh arrivent au même moment, les bras chargés de paquets emballés dans le même papier cadeau et cachés jusqu'à aujourd'hui dans le chalet au fond du jardin.

- Hiyo, y'en a plus à ton nom qu'au mien, j'ai compté et c'est pas juste ! Crie-t-il depuis l'entrée.

- Pas de ma faute si je suis leur enfant préférée, répond l'intéressée, toujours aussi peu à l'aise avec l'idée de recevoir des cadeaux des Hart sans pouvoir leur en faire en retour.

Quelques embrassades plus tard, Rayleigh part rejoindre l'amour de sa vie dans la cuisine tandis que les deux amis préparent la table et décorent le salon. Shachi aussi a sorti la tenue des grands jours : un costume bleu foncé et une chemise blanche qu'il ne manquera pas de tâcher dès l'apéritif. Alors que les verrines de betterave, les amuses-bouches au fromage frais et les tartelettes au poireau trônent déjà sur la table basse, le téléphone du fils prodige de la maison sonne.

- C'est pas bon signe ça, souffle-t-il en voyant le prénom de sa grande sœur s'afficher.

Quelques secondes de conversation plus tard, il raccroche.

- Papa, maman, hurle-t-il comme si seule cette intonation existait lorsqu'il s'agit de communiquer en famille. Clione part sur une grosse intervention, un incendie dans un Ehpad apparemment, elle ne viendra pas !

Shaky s'est fait une raison depuis des années : difficile de concilier fête de famille et une fille commandante chez les pompiers. Ils mangeront donc la demi tonne de nourriture prévue à quatre. L'entrée à base de butternut et châtaignes à peine terminée, Hiyori sent déjà la peau de son ventre se tendre petit à petit. Entre ici et les Noël qu'elle vivait avec sa famille au complet, rien ne change. Sauf le menu végétarien. Le plat finit d'achever l'étudiante, un wellington de légumes, sauce morilles et ses patates au four. Entre les discussions sans fin, les verres de vin qui défilent et les blagues de plus en plus décalées, Hiyori trouve le temps d'appeler son petit-frère. Le portable passe de mains en mains et termine dans celles de Rayleigh, en plein débat avec Shanks sur l'augmentation du prix de l'essence entre l'Europe et l'Amérique. Les rires fusent et la pièce se remplit d'une ambiance si vivante que la rousse ne peut s'empêcher de sourire à tout le monde.

Ne me dis pas je t'aime [Law X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant