Chapitre 3 : Ta proposition folle

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Les couloirs de l'hôpital sont immenses. Elle n'y arrivera pas à temps. Ils semblent s'étirer à l'infini. Les portes immaculées se succèdent. Elle court mais n'avance pas. La panique la prend à la gorge. Elle veut pleurer, mais rien ne sort, ni un cri, ni un sanglot, ni un seul son. Pourtant, elle tente d'hurler son nom. L'appeler de toutes ses forces, le retrouver, lui dire qu'elle l'aime. Soudain, toutes les chambres s'ouvrent, laissant s'échapper le bruit strident des moniteurs cardiaques. Une cacophonie sifflante, mortelle. Elle ne le trouve pas. Où est-il ? J'ai besoin de le voir. Sa course acharnée continue à travers les dédales de l'établissement vide, jusqu'à ce moment, jusqu'à cette tonalité, ce bip continu, monotone, terrifiant.

" Ace ! "


En sueur, les phalanges blanchies à force de s'agripper à la couette, Hiyori se réveille en sursaut. Le souffle court, elle reprend peu à peu pied avec la réalité, s'accrochant à ce qui l'entoure : un mince rayon de lumière qui transparaît de sa fenêtre, la poussière en suspens devant le miroir, le grincement de la porte de Shachi qui s'ouvre lentement. Une larme roule sur sa joue, puis une seconde. Les dents serrées, elle tente de calmer son palpitant, de rationaliser. De toute façon, Ace est mort depuis cinq ans. Bientôt cinq ans. La date approche à grands pas et, comme chaque année, le cerveau de notre protagoniste le lui rappelle nuit après nuit.

" Hiyo ? "

La voix rauque du matin et mal réveillée de Shachi résonne de l'autre côté de la porte. Il sait très bien ce qu'il se passe. Dans ses mains, une tasse fumante de chocolat chaud, le remède à tous les maux. Il gère, maintenant, ces cauchemars qui la troublent de temps à autre et qui se font plus pressant à mesure que l'automne approche. Aucun mot n'est suffisant, il suffit d'être là, toujours. Surtout depuis que Luffy est parti, cette année promettait déjà d'être plus difficile. Sans attendre de réponse, l'étudiant entre dans la pièce et s'approche du lit. Elle s'y tient, comme à chaque fois, assise, les jambes ramenées vers elle, comme pour se protéger de tout ce qui l'entoure.

" Il me manque... Chuchote-t-elle en posant sa tête sur ses genoux.

- Je sais. "

Tout en lui donnant la tasse brûlante, Shachi s'assoit à côté d'elle. Son bras l'encercle tendrement, serrant son épaule pour la rapprocher de lui. Si son deuil à lui est terminé, il a vu celui de son amie commencer bien tard, un an après tout le monde. Du haut de ses 18 ans, elle remplissait les papiers à l'hôpital, ceux aux pompes funèbres et même ceux du déménagement, ne se tournant vers son père que pour les signatures. Mois après mois, elle s'occupait de la paperasse, soutenant sa famille, effondrée. Elle ne s'octroyait pas le temps de pleurer, ni même d'y penser. Alors, l'automne suivant, le poids de cette tristesse lui est retombé dessus, en bien pire. Elle s'est noyée.

" Si tu te lèves, je te fais des œufs brouillés, promet Shachi en lui plaquant un baiser sur le haut de la tête.

- J'ai pas le choix de toute façon, l'autre playboy et Nami vont rien foutre sinon. "


Ce qu'il redoutait arrive. Fais chier, pense-t-il en voyant Nami se coller à lui comme s'ils se trouvaient encore dans le lit. Il pensait avoir été clair, la veille, en lui proposant une partie de jambes en l'air sans suite. Law soupire tout en bougeant son épaule pour éloigner la sangsue. Ce n'est pas le début d'année qu'il imaginait. Ne pas faire de vague, se contenter d'obtenir son diplôme. S'il pouvait ne parler à personne, il le ferait sans hésiter. En voilà une qui semble penser comme lui. Assise en face, le regard rivé sur son ordinateur, la rouquine trace quelques traits sur sa tablette graphique, puis efface, recommence et ainsi de suite. Le projet avance, notamment grâce à elle et les idées données par le brun. Leur représentation de la faculté se rejoint sans mal : un lieu auquel ils veulent rapidement échapper. Agacée par le comportement de celui qui la faisait crier la nuit dernière, Nami décide de partir, prétextant un cours de yoga en plein après-midi. L'annonce ne fait même pas sourciller notre protagoniste, plongée dans l'exercice. Elle n'entend pas non plus son camarade se rapprocher, avançant sa tête pour observer de plus près le rendu.

" Je peux ? Demande-t-il en montrant ses mains pour se saisir de la tablette.

Hiyori sursaute. Presque exagérément par rapport à la situation. Sa main vient percuter le gobelet de café posé à côté de son ordinateur. La loi de Murphy entre en action.

- Putain de... Hurle la rousse en voyant le liquide se déverser sur son clavier.

Trop tard. Elle parvient à sauver sa tablette in extremis, tout en appuyant longuement sur le bouton on/off de son ordinateur pour l'éteindre et éviter le court-circuit. Il ne se rallumera pourtant jamais. Son poing vient percuter la table, faisant trembler dangereusement l'autre gobelet qui s'y trouve, le sien, rempli d'un chocolat désormais tiède. Elle sert les dents.

- Qu'est-ce qu'il foutait là ton café, bordel ? Crie la rouquine sans vraiment attendre de réponse, plus en colère contre sa maladresse.

- Tu te doutes bien que c'est pas de ma faute ? " Rétorque le brun.

Dans une flopée de grossièretés, Hiyori se laisse tomber sur sa chaise. C'est toujours le même cinéma. Qu'elle se cogne le petit orteil dans un meuble ou qu'elle brise un verre : sa colère monte en flèche, elle se maudit, insulte la terre entière, et redescend en pression lentement, se laissant envahir par le dépit. Le tout, en quelques minutes. Soupire. Toujours debout à côté d'elle, Law lève un sourcil. C'est quoi ce cirque ? De sa poche, il sort un paquet de mouchoirs et lui lance. Elle grogne un semblant de remerciement et s'affaire à éponger le liquide qui stagne sur la table.

" Tu vas avoir besoin d'un nouvel ordinateur.

- Sans blague et avec l'argent du ciel en plus, ironise l'étudiante en levant les yeux au plafond.

- Tu vas avoir besoin d'un nouvel ordinateur, et moi je vais avoir besoin d'une meuf pour finir l'année tranquille. Deal ? Propose Law, les yeux fixés sur la rousse, un sourire déterminé sur les lèvres.

- Pardon ? S'exclame-t-elle en se tournant vers lui.

- Tu veux être ma copine ? "


[Comme d'habitude, rendez-vous dimanche prochain pour la suite, en attendant, votez, commentez, partagez, lisez !]

Ne me dis pas je t'aime [Law X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant