Chapitre 24 : Ta jalousie naissante

208 22 0
                                    

La location a pour seul but d'accueillir des groupes comme eux. Et l'état des lieux l'atteste sans mal. Au rez-de-chaussée, des casiers d'école permettent de ranger chaussures et affaires d'extérieur. Le premier salon, semblable à une salle des fêtes, s'étend sur plus de 200 m², occupé par de larges tables de pique-nique vernies et recouvertes de nappes en plastique. Au fond, une cuisine de self prend place, interdite d'accès. Seul le staff du chalet peut l'investir pour préparer les trois repas compris dans le tarif de location. Le dortoir des hommes se situe au premier étage ; celui des femmes au deuxième. Pas de traitement de faveur pour les couples, tout le monde est logé à la même enseigne dans des lits simples placés en rang d'oignons. Dernière arrivée dans la chambre, Hiyori sourit en voyant Ikkaku jeter ses bagages sur deux matelas dans un coin de la pièce. La rousse s'y précipite.

- Tu me sauves la vie !

- Shachi m'a dit que te laisser toute seule c'était, je cite, provoquer un cataclysme en moins de deux jours, rigole la brune.

Divisés en trois groupes pour skier – les nuls, les moins nuls et les bons – les étudiants récupèrent leur équipement et grimpent sur les pistes dès l'après-midi. Dans sa combinaison rouge pétante, Hiyori ne passe pas inaperçue : une dégaine de monitrice de ski, si la réalité ne la rattrapait pas aussi vite. Dès la première descente, la démonstration se termine sur les fesses, comme la moitié de son équipe de néophytes. Law se moque, mais croise bien vite ses skis et s'étale de tout son long en bas d'une douce pente verte. Une compétition s'installe entre eux. Chaque exercice donné par le véritable moniteur de ski semble être un moyen de se mesurer l'un à l'autre. Qui fera le plus beau chasse-neige, le moins de chutes, les virages les plus nets, le planté de bâtons le plus efficace ? Trop occupée à se demander comment réussir au mieux sa descente pour battre Law, la jeune femme ne se rend même pas compte de l'intérêt que lui porte le moniteur en question, aussi moulé qu'elle dans sa combinaison rouge assortie. Malgré la couche de vêtements, ses mains se font baladeuses, d'abord pour replacer ses bâtons, puis redresser son dos et enfin l'aider à dissocier ses hanches. Elle acquiesce, en bonne élève disciplinée, un regard provocateur lancé en direction de son motard préféré. Ce dernier imagine déjà le sportif lui demander son numéro à la fin du cours et se retrouver devant le visage implacable de la rousse, refusant la proposition sans une once de politesse. La scène le fait rire, bien plus que ce qu'il observe. Je vais le choper, pense-t-il en tentant de suivre le moniteur pour lui glisser deux mots. C'est sans compter sur ses pieds peu stables qui s'emmêlent et la glissade qui l'entraîne droit dans la poudreuse.

- Tout va bien ? S'enquiert l'enseignant, ses cheveux châtains clairs et bouclés dépassant d'un bandeau cache-oreilles.

- Oui, oui, râle le brun en se relevant, sa combinaison grise recouverte de neige.

- Parfait, reprends tes skis, on y retourne !

- Attend, l'interpelle Law.

Il s'approche de son interlocuteur et retire son masque pour mieux observer son ennemi. Ses yeux se noircissent plus qu'ils ne le sont déjà.

- Tu vois la rouquine là-bas ? Questionne-t-il rhétoriquement. Si tu te contentais de juste lui faire cours, ce pour quoi tu es payé, hein.

Sans attendre de réponse, l'étudiant fait volte-face et part chercher ses skis, perdus un peu plus loin, avec une grâce inexistante dans ses chaussures bien trop inconfortables. L'avertissement ne mène à rien. Alors, sans grande surprise, dès la fin du cours, le moniteur se voit gratifier d'un regard dégoûté de la part d'Hiyori et d'un refus catégorique. Il insiste. Elle le fusille du regard.

- Non c'est non, t'as un problème ?

Face à la colère qu'il voit poindre dans ses yeux, il abdique et part, croisant une dernière fois le regard, désormais satisfait, d'un brun un tantinet possessif. Plus à l'aise jour après jour, malgré les courbatures qui apparaissent dans chacun de leurs muscles – même ceux dont ils ne connaissaient pas l'existence – Law et Hiyori continuent leur compétition sous-jacente. Progressant à la même vitesse, ils ne se quittent pas d'une semelle, ou plutôt d'un bâton. Les étudiants curieux qui les entourent ne savent plus sur quel pied danser. Les rumeurs vont bon train : le Don Juan de la faculté et la rouquine associable se seraient-ils séparés ? Car, contrairement à un autre couple bien plus en vogue, les marques d'affection publiques ne les étouffent pas. Les jours défilent et la colonie de vacances de jeunes adultes va bon train : les soirées qui s'enchaînent, des couples formés, des calories ingurgitées entre raclettes et fondues, des chutes, encore des chutes, et un bras cassé. Plus que deux jours.

L'effervescence ne fait qu'augmenter minute après minute. Le dortoir des femmes, rempli de la vingtaine d'étudiantes du voyage, semble minuscule lorsqu'elles courent dans tous les sens pour attraper un blush à droite ou un rouge à lèvre à gauche. Assise sur son lit en tailleur, Hiyori paraît comme un animal apeuré au milieu de cette foule en délire. Loin d'elle l'idée de ne pas apprécier fêter le nouvel an, et la fin de cette semaine, mais voir autant de corps se mouvoir et s'exciter sous ses yeux lui donnerait presque envie de s'enfermer dans la salle de bain pour le reste de la soirée. Son portable en guise de miroir dans les mains, elle tente de tracer un trait d'eye-liner noir sur sa paupière, sous conseil d'Ikkaku, professionnelle du maquillage minimaliste. Deux essais infructueux plus tard, elle se contente d'un coup de mascara, son plus gros effort fourni depuis des mois. Dans sa valise trône une robe. C'est Shachi, la veille du départ, qui l'a tannée pour en emporter une. Son choix n'était pas très varié : une noire, portée une seule fois pour l'enterrement d'Ace et qu'elle n'espère plus jamais remettre de sa vie ; ou une bleu foncé, offerte par sa mère à l'aube de ses 18 ans. Par chance, la rousse n'a pas vraiment grandi depuis, seuls ses cuisses et son postérieurs se sont épaissis. Tout en se contorsionnant, Hiyori parvient à enfiler la robe, moulante au niveau du buste, cintrée à la taille et tombant ensuite librement jusqu'au-dessus de ses genoux. D'une main, elle vérifie que le col rond en dentelles est bien ajusté et demande à Ikkaku de faire de même pour son dos nu, descendant en V jusqu'à ses reins. C'est dans cette tenue qu'elle rejoint le salon, sans faire de bruit grâce à sa fidèle paire de baskets basses. Naturellement, elle se dirige vers Law. Lui aussi a sorti le grand jeu : une chemise blanche, simple, rentrée dans un pantalon chino bleu marine. Pour peu, les autres étudiants pourraient croire qu'ils se sont assortis exprès. Le brun la voit arriver depuis les escaliers, loin d'être déçu. Envoûté par ses cheveux qui se balancent à chacun de ses pas, il l'observe sans cligner des yeux jusqu'à ce qu'elle se plante devant lui.

- Ça change de ton jogging, lâche-t-il en détaillant le maillage de son décolleté.

Et de sa petite culotte au milieu du salon, s'empêche-t-il d'ajouter.

- Je vais faire comme si tu venais de dire que j'étais magnifique, rétorque-t-elle en lui tirant la langue.

- C'est tout comme.

Il lui tend une bière, elle grimace. Sa cuite d'il y a plus de deux mois lui reste encore en travers de l'estomac. Elle hésite, hausse les épaules et accepte. Leurs bouteilles s'entrechoquent. La soirée peut commencer.


[Merci de suivre cette histoire semaine après semaine. N'hésitez pas à lire les autres si l'envie vous prend !]

Ne me dis pas je t'aime [Law X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant