Chapitre 10 : Ta bienveillance étonnante

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Sa tête tambourine à mesure que son verre se vide. Hiyori sent ses veines pulser dans son crâne, dangereusement. Cette sensation la dérange. Elle s'en doutait, pourtant, que son corps n'allait pas réagir de la meilleure des façons à un abus d'alcool. Mais cela lui importe peu. Elle veut lâcher prise, devenir si saoule que plus aucune pensée ne traversera son esprit. À ce stade, tomber dans le coma ne la dérangerait même pas. Les gens dans le coma est-ce qu'il rêve ? La voix dans sa tête débite les mêmes bêtises qu'elle. L'énième fête organisée par Shachi dans leur appartement bat son plein. Au départ, la rouquine comptait passer discuter, jouer aux cartes, embêter son colocataire, voir la belle Ikkaku qu'elle adore et s'endormir. Mais sa nuit lui a fait rapidement changer d'objectif. Elle n'en peut plus. La date approche bien trop vite et son cœur ne tient plus. Aucun sommeil ne semble combler sa fatigue. Ce ne sont désormais que quelques heures éparpillées qui lui permettent de trouver le repos. Des jours qu'aucun cauchemar n'a eu la décence de ne pas se manifester. C'en est trop. Ce soir, elle veut oublier. Tout.

Ça commence par une bière, cul sec. Puis une seconde, descendue lors d'une conversation avec Usopp sur son stage de fin d'étude. À chaque changement de discussion, un nouveau verre apparaît dans sa main, de plus en plus fort. Du coin de l'œil, Law prend la mesure de ce qui se trame. Adossé à la fenêtre qui mène au balcon, ayant terminé sa première cigarette de la soirée, il la voit rire aux éclats, les joues rougies. À quelques mètres d'elle, Shachi, dans le même état, semble à des siècles de s'en rendre compte. Qu'est-ce qu'elle fout dans cet état ? Se demande le brun, au courant qu'un entraînement intensif attend l'étudiante demain à la piscine. Soupire. Faux petit-ami peut-être, mais pas baby-sitter. Reprenant sa conversation comme si de rien n'était, il surveille tout de même l'ivrogne. Au cas où. Elle ne contrôle plus les décibels de ses paroles, offrant à ses invités quelques fous rires.

" Si tu te pintes la gueule comme ça au ski, on va bien se marrer, plaisante Sanji en trinquant une nouvelle fois avec la rouquine.

- Maaaaais, on n'ira jamais au ski Sanji, rétorque-t-elle en avalant une gorgée supplémentaire de son cocktail improvisé. T'as jamais eu le financement de la fac.

- Tu verras ma belle, cette année, c'est notre année ! "

L'annonce provoque les hurlements de joie de quelques étudiants autour d'eux, et l'alcool coule à nouveau à flot. Dans un éclair de lucidité, Hiyori ne se ressert pourtant pas. Ses pieds semblent déjà s'emmêler trop facilement et un verre de plus signerait probablement sa nuit aux toilettes. Elle veut juste ne plus y penser. Mais elle y pense encore. Car elle boit pour l'oublier. Un cercle vicieux qui la rattrape au milieu de cette odeur de bière bas de gamme et de rhum agricole sans saveur. J'en peux plus. Relevant ses cheveux en un épais chignon désordonné, la rousse se dirige tant bien que mal vers sa chambre, abandonnant son verre vide sur le sol. Sa main appuyée sur le mur lui sert de béquille tant le couloir paraît tourner. Elle rigole. Ses doigts s'enroulent finalement autour de la poignée de sa chambre. Elle y entre, heureuse d'entrevoir son matelas l'attendre sagement. Dans un soupire proche d'un grognement, elle s'y effondre puis se retourne sur le dos.

" Oh, Law, sourit-elle en le voyant entrer dans la pièce.

- Quel déchet..."

Le brun ne compte pas se coucher de suite. Malgré l'état d'ébriété avancée dans lequel se trouve sa fausse petite-amie, lui n'a pas terminé sa soirée. Son seul objectif : vérifier qu'elle ne rende pas l'intégralité de ce qu'elle a ingurgité dans le lit sur lequel il compte dormir. Sans s'attarder sur sa dégaine, il jette un coup d'œil puis se retourne pour quitter la chambre.

" Je t'apporte une bassine, donc si t'as envie de vomir tu-

- Viens, on baise. "

Law se stoppe. Abasourdie. Impossible qu'elle ait vraiment dit ça. Et pourtant, derrière lui, la rousse envoie valdinguer son pantalon à l'autre bout de la pièce. Peinant à organiser ses pensées, elle se lève, les poings serrés. Pourquoi faut-il toujours qu'elle y pense ? A chaque instant, tous les jours, sans aucun répit. Que doit-elle faire pour s'échapper ? Boire, fumer, se jeter dans les bras d'un homme pour qu'il la fasse souffrir. A cet instant précis, sauter sur Law lui semble être la meilleure idée. Il pourra faire ce qu'il veut d'elle, la toucher, s'en servir sans qu'elle ne s'y oppose, l'agripper, puis la laisser là. Remplacer une douleur par une autre lui apparaît si cohérent qu'elle y adhère, manquant de tomber tant sa vision se trouble. Elle avance de quelques pas dans sa direction tandis qu'il se retourne vers elle. Il sent ses mains se poser sur lui, et le corps de la rousse le pousser, le dos contre la porte. L'odeur boisée de ses cheveux est vite remplacée par les effluves d'alcool qu'elle dégage. Elle le fixe de son regard noir, terne, les yeux vitreux.

" T'attend que ça non ? Allez, baise-moi, lui crie-t-elle en collant son bassin au sien.

- Je suis peut-être un connard à tes yeux, Hiyori, mais je suis pas un violeur.

- Mais c'est bon, je suis d'accord, hoquette-t-elle.

- Qu'est-ce qui te prend ?

- Allez... Pourquoi tu m'écoutes pas, putain ? "

Sa phrase se tord dans sa gorge. Agrippée au t-shirt du brun, Hiyori se met à trembler. Elle ne contrôle rien, ni ses nuits, ni celui qui les partage de temps à autre. Un mélange de peine et de frustration l'envahit. S'il ne s'exécute pas, ils reviendront. Elle le sait. Ces cauchemars qui la tourmentent et lui font regretter de fermer les yeux chaque soir. La peur la prend à la gorge, si fort qu'elle se demande encore comment elle arrive à parler.

" Law... J'en peux plus, murmure-t-elle en collant son front contre son torse. J'suis tellement fatiguée.

Elle lève la tête vers lui, les dents serrées, les yeux humides et la respiration saccadée. Son cœur bat à tout rompre, prisonnier de cette poitrine qui la brûle. Elle suffoque.

- Aide-moi. "

Ce n'est qu'un chuchotement. Deux mots qui ébranlent le brun, le trouble. Il la fixe, les bras ballant le long du corps, stupéfait par la scène. Pas maintenant, pas comme ça, se répète-t-il, s'étonnant lui-même. Il ne la touchera pas dans cet état. Jamais il ne l'a vu aussi vulnérable, dépourvue de cette énergie qui la rend si épuisante, de ce sourire qui l'agace lorsqu'elle argumente en sa faveur. Elle tremble contre lui, impuissante, et l'alcool ne semble être que la partie émergée de cette crise de nerf. Délicatement, Law glisse l'une de ses mains dans le dos de la rouquine, et entremêle l'autre dans quelques mèches de ses cheveux.

" Eh, ça va aller. "

Lentement, il la serre contre lui, tentant de calmer ses tremblements en l'étreignant. Il l'entend sangloter, la sent serrer ses doigts autour du tissu de son t-shirt. L'étudiant reste sans bouger quelques minutes, remettant ses propres pensées dans l'ordre pour tenter de comprendre comment la rousse a pu en arriver là. Sans réponse, il finit par la relâcher. Muette, exténuée, le regard dans le vide, Hiyori ne sent que les bras de Law la porter doucement pour l'amener jusqu'au lit. Recroquevillée sur le côté, elle le voit se changer, plier son jean comme à chaque fois pour le déposer sur la table de chevet, puis retirer son haut probablement humide de ses larmes. Sans un mot, il se glisse à côté d'elle, capte son regard et lui demande comment elle va. Elle renifle, prête à pleurer à nouveau.

" T'es pas un connard, chuchote-t-elle en tendant sa main pour la poser sur sa joue. T'es pas un connard... "

L'épuisement l'emporte. Alors que ses yeux se ferment et que sa tête s'enfonce dans son oreiller, Law saisit sa main et la place entre eux. De son pouce, il caresse lentement ses phalanges. Il voit le visage de la jeune femme se détendre, ses muscles se relâcher et sa respiration retrouver un rythme normal. Soupire. Quelle étrange fin de soirée qu'il vient de vivre. Décidément, rien ne s'avère reposant avec elle. L'air impassible, le brun détaille la rouquine, cil par cil, observant la courbe de son nez et le reflet de ses cheveux sur sa peau. Que se cache-t-il derrière ces traits, désormais paisibles, qui puisse justifier une telle crise ? Il n'en a pas la réponse. Mais une chose est sûre, après plus d'un mois à ses côtés, le sourire lui va mieux au teint que les larmes.


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Ne me dis pas je t'aime [Law X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant