Chapitre 11

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 Tobias

Je regarde ma sœur s'éloigner dans ce long couloir blanc et sans âme. Je suis un peu perdu. Je sors m'asseoir sur un banc, je dois prendre l'air, sinon je vais exploser, ou imploser, je ne sais pas. Je ne suis plus moi. Pourquoi je craque, pourquoi je suis faible? Mon souffle est court, j'ai peur. Toutes mes pensées sont pour Pauline. C'est l'opération de la dernière chance étant donné son état. Je n'y croyais plus. Mais si cette foutue opération ne marche pas? Je ne veux pas l'imaginer, ni même y songer un instant. Ma petite sœur, c'est clairement ma vie. Sans elle, je ne suis rien; sans elle, je ne suis plus. Rien ne peut lui arriver. La vie ne pourrait pas me faire ça. Elle ne se permettrait pas. Les larmes ne cessent de couler sur mes joues. Je suis déjà détruit de l'intérieur. Je ressemble à une fillette à pleurer ainsi. Je me demande où est passé le gaillard que j'ai pu être. J'ai du mal à m'imaginer ma vie avant tout ce bordel. Et si je n'avais jamais déménagé ? La vie aurait été dix fois plus facile. Pourtant je n'aurais surement jamais rencontré cette belle jeune fille qu'est Elisa. Pourquoi aimer est si dur ? Mes émotions sont trop intenses, je suis désemparé, dépassé par la situation, par ma vie. Je suis terrifié à l'idée de ce qu'il peut arriver. Je me fais des idées, j'imagine toujours le pire; mes idées noires me bousillent l'esprit. Entre ma peur de perdre Pauline et celle de perdre Elisa, je ne vous explique pas le bordel qu'il y a là-haut. J'ai l'impression que les deux parties de mon cerveau se battent en duel pour savoir laquelle des deux souffrent le plus. Mon cœur est en papier mâché, mes muscles en coton, je n'ai même pas la force de hurler ma colère. Le soleil chauffe de plus en plus, ça doit faire un sacré bout de temps que je suis ici; mais je veux rester encore. Dans ces locaux, tout de blanc immaculé, je suis terriblement mal à l'aise. Je ne veux pas y remettre un pied tant qu'on ne vient pas me chercher. Je préfère faire les cent pas, me morfondre, me torturer l'esprit, souffrir, seul. Je suis bien mieux, ainsi. Je n'apporterais rien à personne là-bas. Je pleure tellement; j'ai l'impression que mon corps va se vider de son eau. Je ne sais même pas pourquoices larmes coulent. Rien ne s'est passé. Rien ne se passera. Mais si ça se passe ? Si dans une semaine, un mois, un an, son corps rejette ses reins ? Si du jour au lendemain, la nature décide de m'enlever ce qu'il y a le plus cher à mon cœur ? J'essaye de rester calme, mais je n'y parviens pas. J'ai déjà du faire deux fois le tour de ce grand parc. J'aperçois à cent mètres de moi une crinière blonde vénitienne avancer d'un pas rapide. Je la reconnaîtrai entre mille. 

Ses bras frêles s'enroulent autour de mon cou et sa tête se pose au creux de mon épaule. Je comprends sa douleur passée. Mes bras un peu mous se positionnent autour de sa taille fine. Nous marchons un peu pour s'asseoir dans l'herbe. Elle est encore fraiche, c'est agréable. 

Elle m'apporte tellement de réconfort. Même si nous avons fait cette pause dans notre couple, elle reste la même; toujours aussi protectrice et réconfortante. J'ai envie de l'embrasser mais je n'ai pas le droit. C'est mon amie aujourd'hui et plus ma petite amie. Je ne regrette pas mes choix malgré mon envie folle de l'embrasser par moment. Encore ces questions qui reviennent sans cesse. Est-ce qu'elle m'aime encore ? Est-ce que tout va redevenir comme avant ? Notre couple tiendra-t-il le choc ?

Je ne sais même pas combien de temps est censé durer cette opération, ça m'occupe tout l'esprit. Je veux y aller, partir loin d'ici et fouler le sable californien. J'ai envie de marcher main dans la main avec ma sœur sur ses plages et d'oublier les derniers mois. Je veux la prendre dans mes bras et la faire tourner à ne plus en finir, entendre ses éclats de rire. La voir s'épanouir dans une vie sans problème. J'ai simplement envie de la voir grandir et devenir une magnifique jeune femme. Elle mérite tellement tout ça. Je commence à m'apaiser avec les caresses d'Elisa.

-Merci d'être venue, lui dis-je.

-C'est normal. Toujours là, peu importe la situation.

Élisa a bien changé. Ce n'est plus celle que j'ai vu pour la première fois au studio de danse. Je la regarde et vois en elle, une jeune femme. L'image de Pauline me revient à l'esprit. Ces dernières semaines ont été terribles. J'ai eu peur de la perdre à chaque seconde. Aujourd'hui est la souffrance ultime. Ma peur de ne plus pouvoir la serrer dans mes bras est encore plus présente. J'aurais donné ma vie pour elle, je serais prêt à faire l'impossible pour revoir un sourire son visage. Je n'ai même plus envie de regarder en direction de cet hôpital. Il m'a trop fait souffrir, il a rendu ma sœur dépendante de lui. Je le hais. Je dois être fou pour haïr un établissement. J'ai peur comme jamais. Des milliers de questions s'entrechoquent dans ma petite tête. Est-il possible que j'oublie comment était ma sœur auparavant? Je n'ai pas envie d'y penser ou d'y songer. Je m'inquiète vis-à-vis de notre futur. Pauline sera changée à vie. Ces cicatrices lui rappelleront ce qu'elle a vécu jusqu'à son dernier souffle. J'ai peine à l'imaginer. 

It's Only You. Tome 2.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant