Prologue

313 32 17
                                    


L'avion quitte le tarmac. Mon rêve est enfin à portée de main, ce pour quoi je bosse depuis des années est sur le point de se concrétiser. À l'autre bout de la cabine, mes trois potes atteignent le paroxysme de leur excitation. Dans moins de cinq heures, nous atterrirons à Los Angeles. J'ai encore du mal à réaliser que notre groupe va enregistrer son premier album.

C'est un truc de dingue !

Leur euphorie devrait être contagieuse, je n'arrive néanmoins pas à m'en imprégner. Un arrière-goût de rancœur et de colère me reste en travers de la gorge.

Comment a-t-elle pu me faire ça ?

Je me cale au fond de mon siège, la tête tournée vers le hublot. Alors que le jet prend de l'altitude, Detroit perd de sa superbe. Les immeubles se transforment progressivement en vulgaires formes géométriques, puis disparaissent de ma vue. Je ferme les yeux. Mes mains se cramponnent aux accoudoirs en velours rouge. Elle est restée au sol et me piétine le cœur. Un rictus amer fend ma bouche en deux.

Elle s'est bien foutue de ma gueule !

Un putain de texto, c'est tout ce qu'il lui a fallu pour mettre un terme à notre histoire. L'amour fait mal. Je n'aurais jamais dû me laisser corrompre par mes sentiments. Mon cœur m'a poussé la chansonnette, il m'a obligé à me dévoiler. Pourquoi n'ai-je pas gardé mes distances, comme je me le suis promis au départ ?

Dans ma tête règne un bordel sans nom.

Pour me torturer davantage, j'attrape mon smartphone dans la poche de mon jean. Du bout de l'index, je fais défiler les photos de nous. La douleur s'amplifie dans ma poitrine. À la minute où nos routes se sont croisées, je n'ai pas cessé de la faire souffrir.

Volontairement et inconsciemment.

Quel abruti !

Avec du recul, je mérite d'être banni de sa vie. Je lui ai juré de la protéger, mais j'ai foiré. Des événements fâcheux se sont succédés, des problèmes que j'aurais pu anticiper. Tel du poison, ces merdes se sont distillées dans notre relation, nécrosant notre amour au passage. J'ai vraiment tenté de les résorber. Un instant, j'ai cru y être parvenu, mais ça n'a pas suffit. Le mal était fait.

Il a tatoué son âme à l'encre indélébile.

— Ça va, mec ?

Je sursaute. La main posée sur mon épaule, Luke me gratifie d'un regard inquiet. Je le rassure en esquissant un semblant de sourire.

— Ouais !

— Tu viens avec nous ? Brad a déniché une bouteille de champ.

Je tends le cou. Le blond exhibe fièrement sa trouvaille en m'invitant, d'un signe de tête, à les rejoindre. De nous quatre, il est le plus déjanté. Sur sa gauche, Jeff se marre avec autant d'immaturité. Je ne peux pas leur en vouloir de se comporter comme des gosses; notre carrière vient de franchir un cap primordial. Moi aussi, je devrais m'en réjouir. Cependant, je ne peux pas chasser cette sensation de manque. Pour ne pas les décevoir, je capitule.

— J'arrive !

Luke me tapote l'épaule avant de tourner les talons. Je survole une dernière fois l'écran de mon téléphone, puis l'éteins.

Notre histoire est terminée !

Bizarrement, le bouchon de la bouteille de champagne saute dans un concert de cris et de rires. Drôle de timing ! Je lève les yeux dans cette direction, les lèvres à moitié retroussées. C'est une sacrée bande de fêlés; ce sont surtout mes potes. Je les ai choisis au détriment d'elle.

C'est sans doute mieux ainsi !

Hors de question de laisser parler à nouveau mon cœur. L'amour n'est qu'un leurre. Gare à celui qui lui ouvre délibérément sa porte ! Il n'existe rien de plus douloureux que ce sentiment.

Mais je m'en remettrai !

À partir d'aujourd'hui, je vais me consacrer entièrement à la musique. Elle, au moins, ne m'a jamais déçu. Dès lors que j'ai heurté ce regard bleuté, j'aurais dû m'en tenir à cette résolution.

L'amour m'a mis en joue... et j'ai piteusement succombé.

My Love Song, premier couplet : succomber(tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant