Chapitre 1

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Oliver

Quelques semaines plus tôt...

Rien.

Aucune note.

Pas l'ombre d'un accord.

Ça fait une demi-heure que mes doigts frôlent sans conviction les cordes de ma guitare. Je serre les dents, mais ma frustration est plus forte et explose à travers ma chambre.

— Fais chier, putain !

J'inspire profondément par le nez pour essayer de me calmer. Même si l'envie de me fracasser le crâne contre le mur est tentante, je résiste. Je préfère me décoller de ce fauteuil scandinave, qui accueille mes fesses depuis trop longtemps, et passer à autre chose. Agacé, je repose ma guitare sur son socle. Une Yamaha. Mon père me l'a offerte quand il s'est aperçu que j'avais un don inné pour la musique. J'avais quinze ans et pas mal d'années de solfège à mon actif. Selon lui, la guitare, que je trainais depuis mes premiers pas en tant que musicien, n'était plus à la hauteur de mon talent. Il m'a toujours soutenu. C'est un peu grâce à mon père, que j'en suis là aujourd'hui. Le son pop-rock a bercé mon enfance.

U2. Depeche Mode. The Police. Oasis.

Des groupes légendaires qui ont titillé un rêve de gloire.

Assez rapidement, ma voix est venue se greffer à mes mélodies pour former un combo détonnant. Depuis trois ans, mes potes et moi avons formé les Shadow Musicians. Le week-end, nous jouons dans des bars. Notre popularité grimpe doucement au sein de la ville.

Pas de quoi glaner un Grammy Awards, mais qui sait ? Peut-être qu'un jour prochain...

Avant d'en arriver là, il faudrait que je réussisse à composer deux, voire trois chansons supplémentaires.

Pari risqué quand l'inspiration s'est faite la malle !

Quand on y pense, c'est plutôt risible ! Surtout lorsqu'on habite à moins de cinquante kilomètres de Detroit, la ville qui a vu naître une flopée de rockers. Mais je ne baisse pas les bras, le succès n'est pas loin. Il suffit simplement que je déniche un centième d'inspiration, un truc, n'importe quoi qui puisse réamorcer ma créativité.

Pour décompresser, je m'approche de la fenêtre. L'agitation du quartier est égale à elle-même. Ennuyante à mourir. Coup d'œil sur ma droite. Les Trevor sont fourrés dans leur jardin. Voilà le cliché du parfait couple banlieusard. Tandis que Monsieur tond sa pelouse en sifflotant, Madame plante des fleurs. Trifouiller la terre, les mains emmitouflées dans une paire de gants verts en caoutchouc, la rend presque euphorique.

Chacun ses hobbys !

Je décale les yeux de quelques mètres. Le vieux Harry choie encore sa Lincoln. Depuis qu'il est retraité, il n'a rien d'autre à foutre de ses journées que de bichonner ce bout de tôle.

Un peu plus loin sur la gauche, ce petit morveux de Parker défit le trottoir avec son skate. Je colle mon nez plus près de la vitre dans l'attente de l'une de ses chutes spectaculaires; ma distraction préférée. Il tente un Ollie*, mais tombe lamentablement sur le cul.

Bingo !

Il me fera toujours marrer. Il se relève rapidement et bifurque les yeux vers ma fenêtre. Ses traits se crispent quand il m'aperçoit, un smiley sur les lèvres. Un brin pervers, je lève le pouce pour le féliciter, ce à quoi il répond par un majeur bien dressé.

My Love Song, premier couplet : succomber(tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant