Chapitre 33

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Stefanie

Je pourrais m'attarder sur ses pectoraux ou sur la ligne d'abdominaux qui couvre son ventre. Mon regard pourrait saliver sur son sexe, celui-là même qui est à l'origine de mon manque de sommeil. Mais ce sont ses yeux, noirs et colériques, qui me font difficilement déglutir. Oliver avance d'un pas. Le fait qu'il soit complètement nu m'affecte beaucoup moins que sa posture belliqueuse.

— J'exige que tu me répondes, Stefanie !

Je décolle mon portable de mon oreille. Le timbre de voix de ma mère prend de l'amplitude, si bien qu'il s'est propagé dans toute ma chambre, devenue caisse de résonance. Sans pouvoir me défaire du regard d'Oliver, je réponds :

— Désolée ! J'étais occupée.

— Occupée ? Tu te moques de moi ? Ne me dis pas que tu traînes encore avec ta sois-disant amie ?

Elle lâche un rire cynique, comme si elle ne croyait pas en son existence. Si j'en avais le courage, je lui cracherais au visage que j'ai passé la nuit avec un garçon. J'imagine sa tête.

Mais je reste muette, prise entre deux feux.

D'un côté, Oliver avance d'un pas supplémentaire, les sourcils froncés. Trois mètres nous séparent, cependant je distingue clairement sa mâchoire contractée, ce qui lui confère un air sévère et revêche. De l'autre, ma mère hurle afin que je lui réponde. Je suis une sorte de punching-ball, sur lequel elle se défoule sans remords.

Elle a toujours aimé faire ça !

Elle revient d'ailleurs à la charge, plus durement.

— Mais qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as perdu ta langue, ma parole ?

J'ai l'impression qu'Oliver attend que je me rebelle, que j'envoie ma mère se faire voir. J'en suis bien incapable. Minablement, je murmure :

— Non !

Face à mon air de chien battu, il lève les bras en signe de résignation. Je me sens nulle de ne pas trouver la force de lui clouer le bec. J'ai pris l'habitude de prendre sur moi, d'encaisser ses piques sans broncher. Plus jeune, j'ai tenté de lui faire front et l'ai regretté. Pour me punir, elle m'a enfermée dans ma chambre pendant deux jours. Adepte de plus de piquant, elle m'a privée de nourriture. Autant dire que j'ai compté chaque seconde de ce calvaire - cent-soixante-douze-mille-huit-cents - et que je ne les oublierai jamais. Je ne l'ai jamais raconté à Granny, ni à personne.

C'est un secret parmi tant d'autres !

— Passe-moi ta grand-mère ! Je n'arrive pas à la joindre.

— Elle est sortie.

— À cette heure ?

Hors de question d'aggraver la situation en lui révélant que Granny m'a laissée seule ce week-end pour flirter avec son amoureux. Je rétorque la première chose logique qui me vient à l'esprit.

— Elle avait une course à faire.

Oliver est maintenant à côté du lit. Il tente de me prendre le téléphone des mains, l'air plus féroce encore. Instinctivement, je me recule et plaque mon dos contre la tête de lit. Je secoue mon visage de gauche à droite pour lui faire comprendre que je vais gérer. Il fait volte-face en grognant, les mains agrippées à ses cheveux, puis rejoint la salle de bains. La porte claque rageusement alors qu'il s'y enferme

— C'est quoi ce bruit ?

— Un courant d'air !

— Mais qu'est-ce qui se passe dans cette maison ?

My Love Song, premier couplet : succomber(tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant