Chapitre 2

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Stefanie

Les vacances d'été sont, sans hésitation, mes deux mois préférés de l'année. Ce n'est pas à cause du soleil qui en est le héros principal; dans mon Oregon natal, il est loin d'être timide et avare en rayons salvateurs. La seule raison pour laquelle je les aime, c'est que je les passe chez ma grand-mère.

Dans le Michigan.

Loin, très loin de mes parents.

Trois-mille-huit-cents kilomètres nous séparent et c'est tant mieux.

Ici, je me sens enfin moi, et non pas la personne de trop. Pour ma mère, je ressemble à ce petit caillou au fond de son escarpin, qui la gêne à chacun de ses pas. Au fil des années, j'ai réussi à m'en accommoder. À force de s'entendre dire que l'on est une erreur de parcours, on finit par ne plus y faire attention. Mon père n'est pas non plus d'un grand soutien. Il cède à tous les caprices de sa femme, il abdique comme un bon gros toutou, même si pour cela, il doit dénigrer sa fille au passage.

Mais je m'en fiche !

À la rentrée prochaine, j'intègre une université à Baltimore, afin d'y décrocher un diplôme d'architecte d'intérieur. Cette fois encore, je bénis les quatre-mille-cinq-cents kilomètres qui vont m'éloigner de chez moi. Je crois que ma mère ne va pas sortir son mouchoir en me voyant quitter la maison.

Mais je m'en fiche doublement !

J'ai bossé dur pour faire partie de la sélection de cette école, alors rien ni personne ne m'empêchera de faire mes bagages. Avant ce départ - que j'attends impatiemment - je vais profiter de cet été pour décompresser.

D'ailleurs...

Allongée sur mon lit, les doigts de pieds en éventail, j'écoute les Red Hot Chili Peppers. Chez ma grand-mère, je peux faire ce que bon me semble. Elle est toujours aux petits soins, et me laisse gérer ma vie sans m'imposer quoi que se soit.

— Quand vas-tu te décider à quitter cette chambre ?

Enfin, à quelques exceptions près !

Je tourne la tête vers ma grand-mère, debout dans l'embrasure de la porte. Ses sourcils grisâtres imitent à la perfection un magnifique V. Quant à sa bouche, elle reflète un certain agacement. Néanmoins, je ne me laisse pas impressionner par sa pseudo-attitude de mamie en colère.

— Je suis très bien ici, Granny !

Ma mimique de petite fille chagrinée n'a pas l'effet escompté. Exaspérée, elle pose ses poings sur ses hanches et secoue la tête. Elle déteste me voir assiéger ma chambre.

Moi, ça ne me dérange pas !

Je suis plutôt du genre solitaire. Je n'ai pas beaucoup d'amies; je n'en ai pour ainsi dire aucunes. Mais ça me convient parfaitement.

— C'est l'été ! Profite-en pour aller te balader au lieu de rester enfermée ! me sermonne-t-elle gentiment.

— Je n'en ai pas trop envie !

Dans l'espoir de l'amadouer, je grimace en avançant les lèvres, façon moue boudeuse. Elle éclate de rire et vient s'asseoir au bord de mon lit.

My Love Song, premier couplet : succomber(tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant