Chapitre 11

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Stefanie

J'ai pleuré. Énormément. J'ai tout déballé à ma grand-mère à propos de cette soirée. De la suggestion des Nade, de les accompagner en vacances, jusqu'à ce baiser. La bienveillance de Granny m'a soulagée. Sa grande bonté et ses conseils avisés m'ont été bénéfiques, mais la douleur de m'être fait jeter pour la deuxième fois reste profondément ancrée en moi. Pour m'apitoyer sur mon triste sort, je suis restée enfermer toute la journée dans ma chambre. Ma grand-mère, compatissante, m'a apporté un plateau repas ce midi. L'appétit me manque. J'ignorais que de tomber amoureuse fait aussi mal; surtout quand les sentiments ne sont pas partagés.

Foutu Cupidon ! Ne pouvais-tu pas lancer ta flèche ailleurs !

Quand la porte de ma chambre s'entrouvre lentement, je déloge mon nez de mon oreiller. Granny doit probablement m'apporter de quoi survivre. J'ai l'impression d'aborder la phase terminale de ma vie.

À dix-huit ans, c'est complètement absurde !

— Ça va, ma chérie ?

Je relève un peu plus la tête en geignant :

— Bof !

Elle fait un pas dans la pièce et referme la porte.

— Un garçon est là pour toi !

Oliver !

L'effet est immédiat. Je me redresse en position assise en un temps record. Mes espoirs dégagent mon état de mort imminente sans l'ombre d'un regret. Dans la foulée, je m'excuse auprès du petit angelot à l'arc magique.

Désolée, Cupidon !

— C'est un certain Jeff !

— Ohh !

Ma moue ennuyée ne lui échappe pas.

— Tu veux que je le renvoie chez lui ?

Sa posture de super-héroïne me fait malgré tout sourire.

— Non ! Dis-lui que j'arrive, s'il te plaît !

Elle lève le pouce en signe d'approbation et sort de la chambre. Je ramène mes genoux contre ma poitrine en inspirant profondément. Ce n'est pas Jeff que j'attendais, mais tant pis.

C'est peut-être le moment de lui annoncer que je ne suis pas intéressée !

La case salle de bains est obligatoire. Ce coup d'œil dans le miroir me fait sursauter, une vision horrifique. Je brosse mes dents, jette quelques brassées d'eau sur mon visage, y applique un peu de crème hydratante, et rassemble mes longs cheveux en une queue haute. Je grimace en voyant le résultat, mais ça fera l'affaire. Quand je descends l'escalier, j'entends ma grand-mère faire mon éloge.

— Elle est jolie, n'est-ce pas ?

— Super jolie !

La voix de Jeff est moins grave et sensuelle que celle d'Oliver, pourtant elle est agréable. Je ne m'en étais pas rendu compte. Je les observe, en retrait contre le mur de l'entrée. Ils font face au meuble bas de la salle à manger, sur lequel Granny m'a alloué une véritable culte. Une dizaine de cadres photos y sont installés, me montrant à des âges différents. Assise dans l'herbe, une pâquerette à la main. Je devais avoir deux ans, à cette époque. Trois ans plus tard, en maillot de bain rose sur la plage. Plus récemment, elle m'a photographiée par surprise dans le jardin, alors que j'étais allongée sur un bain de soleil.

— C'est ma seule petite fille ! J'y tiens comme à la prunelle de mes yeux.

Cette menace sous-jacente oblige Jeff à reculer d'un pas. Granny sait calmer les ardeurs. En tant que seule héritière de la famille Lacroix, elle me protège à sa façon.

My Love Song, premier couplet : succomber(tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant