Chapitre 4

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Stefanie

Rien n'est réel. Je vais me réveiller, il le faut. Combien y avait-il de chances pour ce garçon soit le frère de Coraly ?

C'est bien ma vaine !

Le recroiser n'était pas à l'ordre du jour, ni prévu dans le programme de mes vacances; surtout pas après m'être enfuie de la boutique comme une idiote. D'ailleurs, il m'a reconnue. Ses iris noires me scrutent un bref instant. Son sourire est tout aussi discret. Il a l'air plutôt gêné que ravi de me voir, cependant je glane un peu de courage avant de prononcer :

— Salut !

Je fais l'impasse sur les picotements qui me chatouillent le ventre et sur les battements chaotiques de mon cœur.

— Je dois aller ranger le matos dans le van.

Sans m'accorder plus d'attention, Oliver passe devant moi et fiche le camp.

C'est la douche froide !

Je me sens insipide, transparente, d'une banalité affligeante.

— Je suis désolée pour cet accueil. Je ne sais pas ce qui lui prend, me justifie sa mère dans un souffle de mécontentement.

Je n'ai pas l'intention d'éclairer ses lanternes. Je suis suffisamment  embarrassée pour lui évoquer notre "première rencontre".

Autant garder pour moi ce fiasco !

Je tente de ravaler cette balle de ping-pong qui me bloque la trachée. D'habitude, ce manque d'intérêt ne me touche pas plus que ça. Pourquoi aujourd'hui m'affecte-t-il autant ? Je reprends néanmoins bonne figure.

— Ce n'est pas grave !

Elle me frotte affectueusement le bras en attestant :

— Les garçons sont de vrais goujats parfois.

Cette constatation me fait soupirer et ouvre une ancienne cicatrice. L'expérience qui m'a valu le sobriquet de "sale petite vierge" me revient aussitôt en mémoire. Un nom aussi, Brandon Morris. Le roi des abrutis. Ma plus grosse erreur a été de lui sourire au détour d'un couloir. Il a pris cette futile marque d'attention pour une invitation et s'est octroyé le droit de me coincer à la sortie des cours. Ce stratagème devait fonctionner avec les autres filles, mais pas avec moi. De ma part, il n'a récolté qu'un coup de genou bien placé.

Oups !

Cette histoire m'a enveloppée comme une seconde peau et a pourri ma scolarité. Je suis passée au dessus de ça, non sans difficulté, et j'ai validé mon High School Diploma haut la main. Quitter cet établissement a été une délivrance.

— Tu veux de la citronnade, Stefanie ?

Je cautérise cette plaie et me tourne vers Coraly.

— Je veux bien !

Elle me tire par la main pour m'emmener dans la cuisine. Tout en m'installant sur une des chaises qui entourent la table, je jette un œil autour de moi. La couleur jaune citron qui recouvre les murs rend cette pièce chaleureuse. Sur ma droite, une immense ardoise est griffonnée à la craie blanche.

Une liste de course. Le rappel d'un rendez-vous chez le dentiste. Des dessins, qui me semble être réalisés par Coraly.

Quelques objets personnels traînent de-ci de-là et rendent la pièce plus vivante encore. Un home sweet home cosy et accueillant dans lequel je me sens bien.

Chez moi, tout est clean, impersonnel... un peu à l'image de mes parents.

Madame Nade, qui nous a rejoint, s'assoit en face de moi. Une discussion débute, un tas de sujets sont engagés. Lorsque l'un d'eux frôle l'existence de mes parents, je le détourne judicieusement. Hors de question de gâcher ce moment convivial.

My Love Song, premier couplet : succomber(tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant