Chapitre 37

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Stefanie

La voix aigre de ma mère retentit au rez-de-chaussée, elle me tire de mon sommeil de la pire des façons qui soit. J'ouvre difficilement les yeux.

Ils sont déjà là !

Pourquoi faut-il qu'ils viennent me pourrir les vacances ? Je ne suis pas apte à les confronter. Pas après ma nuit entrecoupée par des cauchemars, et par mes pleurs aussi. Granny a passé une bonne partie de la soirée à me réconforter. Je n'ai pas eu d'autre choix que de lui raconter ma fâcheuse rencontre, ainsi que tout ce que cette peste m'a soufflé au visage. Bien qu'elle soit la personne la plus avisée de nous deux, ma grand-mère m'a conseillé de donner à Oliver une chance de s'expliquer.

Derrière son masque de mamie protectrice, je crois qu'elle l'aime bien !

J'ai donc décidé de l'appeler, mais pas tout de suite. Ma mère ne me laisse aucun répit.
Ses talons aiguilles frappent les marches de l'escalier avec insistance, comme pour me signifier son arrivée. Je me redresse, le souffle court, lorsque la porte s'ouvre à la volée.

— Encore au lit, Stefanie ? Tu n'as donc rien d'autre à faire ?

À neuf heures du matin, elle est déjà au taquet, voire piquante. Mon père passe sa tête.

— C'est dimanche, Judith !

Ma mère lui lance un regard froid et accusateur. J'en reste moi-même sans voix. Depuis quand prend-t-il ma défense ? Malgré tout, comme une bonne petite fille obéissante, je me lève.

— Tu as une mine épouvantable, crache-t-elle. Tes yeux sont bouffis. On dirait que tu as pleuré.

Prise en faute, je rougis. Elle a vu juste. La collision avec Leslie a malmené ma dignité toute la nuit.

— Et où as-tu déniché ce stupide pendentif ? ajoute-t-elle en pointant ma poitrine du doigt.

Inconsciemment, je serre le cadeau d'Oliver dans la paume de ma main, et jette un œil à ma table de chevet. J'ai caché le cadre photo, mais pas mon téléphone. Avant que je ne réagisse, ma mère s'en empare. Je tente une riposte en le lui arrachant des mains.

— Rend-le-moi !

Elle ne se laisse pas faire. Un sourire pervers sur ses lèvres fines, elle réplique :

— Qui a-t-il dans ce téléphone pour que tu montres les dents ?

Pétrifiée, je la vois le déverrouiller. Granny apparaît miraculeusement.

— Je vous ai préparé du café, Judith !

Le visage de ma mère se crispe, ce qui lui confère un air de marâtre exécrable. Elle n'aime pas qu'on lui coupe l'herbe sous le pied. Debout dans l'encadrement de ma porte, ma grand-mère m'offre un petit sourire de soutien. Je m'attends à ce que la dragonne me restitue mon téléphone, mais elle le fourre dans sa poche, avant de faire volte-face.

— Et habille-toi, bon sang ! braille-t-elle par dessus son épaule. Tu fais peine à voir.

Mon père me sourit brièvement, et la suit, tel le bon gros toutou qu'il est. Il est étrange depuis tout à l'heure. Jouer les papas attentionnés n'est pas son style. Est-ce encore une de leurs ruses débiles pour me déstabiliser ? Granny traîne un peu, le temps qu'ils déguerpissent. Les yeux plein de larmes, je m'exclame :

— Elle a pris mon téléphone.

— Je vais essayer de le récupérer, mais je ne te garantis rien.

My Love Song, premier couplet : succomber(tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant