Bloody Heart

Chapitre 11 : L'attraction du sang

Face à l'attraction du sang, sa résistance vole en éclats. Littéralement.

Ses pupilles se dilatent tandis qu'elle me pousse sur le côté pour attraper le jeune homme. Et le monstre prend l'ascendant sur tout le reste.
Ignorant les gémissements que sa brutalité provoque, ses canines s'enfoncent un peu plus profondément pour aspirer le précieux liquide. Le plaisir physique qu'elle en retire est évident. Elle mord une nouvelle fois sa proie, cette fois légèrement au dessus de la clavicule. Je la laisse faire, conscient qu'à cet instant rien ne pourrait l'arrêter, ni sa raison, ni les principes moraux qu'elle défendaient quelques minutes plus tôt. Son instinct lui dicte de boire et elle le fait. Parce que c'est sa nature.

Un dernier soubressaut secoue le corps de sa victime qu'elle finit par lâcher. Étancher sa soif a illuminé ses traits, elle semble plus forte, plus puissante. Transformée par l'effet euphorisant et galvanisant du sang. Un sourire victorieux traverse son visage quand elle se tourne vers moi et je le lui rends.

- Félicitations, tu es officiellement un vampire.

Je retourne le corps sans vie de celui qu'elle vient de tuer. Autour de lui le sol parait imbibé de sang, prenant à certains endroits des teintes encore plus sombres. En tout honneteté, il est dans un état lamentable. Plusieurs de ses nerfs sont arrachés et sa tête pend selon un angle étrange. Une vraie poupée de chiffons.

Soudain, le sourire de Katty se fissure.

- Qu'est-ce-que j'ai fait, murmure-t-elle en regardant ses mains tachées de sang.

Elle se laisse glisser au sol. Paul dirait que c'est le contre-coup mais je ne suis pas mon meilleur ami et je ne peux pas m'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité.
Quel sentiment désagréable.

Les humains ont l'habitude de combattre des monstres factices pour oublier qu'il n'y aura jamais pire que celui tapi en eux-mêmes. Et s'ils se donnent vraiment du mal, ils peuvent l'ignorer.
Notre nature elle, ne permet pas tant d'hypocrisie, exacerbant au contraire nos plus sombres et nos plus profondes pulsions. Celles auxquelles Katty n'aurait probablement jamais cedé si je ne l'avais pas transformé.

"Ne me touche pas !" Hurle-t-elle quand je m'approche.

Elle parait terrifiée mais je sais que ce n'est pas moi qui l'effraie. Ses yeux ne quittent plus le cadavre de l'étudiant et de minuscules gouttes d'eau commencent à perler aux coins de ses paupières. Un battement de cils les envoient rouler le long de ses joues.
Elle est en train de se laisser submerger par la souffrance. Pour une éternité de remords et de regrets.

- Katty, regarde-moi, dis-je en m'accroupissant près d'elle.

- Je l'ai tué, Alec, murmure-t-elle d'une voix tremblante. Je l'ai tué, et c'était tellement facile.

- Personne n'a dit que ça ne devait pas l'être.

- Si, moi je le pensais, objecte-t-elle en se détournant enfin. Je ne suis certainement pas un ange et encore moins innocente, mais tuer ?
Elle a un petit rire hystérique.

- J'ai toujours pensé que je ne blesserai jamais plus que des insectes. Et pourtant il m'a fallu moins d'une minute pour prendre sa vie. Juste pour que moi je vive un jour de plus. Tu avais raison, je suis un monstre.

- Hmm, je dis beaucoup de choses. Pas toujours vraies d'ailleurs, j'ajoute en fronçant les sourcils.
Tu n'es pas un monstre Katty, ce que tu ressens, cette peine, cette culpabilité, c'est parce que ton humanité n'a pas disparu. Et c'est une bonne chose en un sens, mais si tu la laisses prendre le dessus, ça te détruira.

Ses lèvres tremblent quand elle me répond : "Tant mieux. Je ne veux pas devenir cette personne, Alec. Je préfère mourir pour épargner des innocents que sacrifier des vies humaines pour simplement survivre."

J'ai entendu cette phrase des dizaines de fois. Par de jeunes vampires à l'âme torturée et dotés d'un goût prononcé pour l'auto-affliction. D'ordinaire ces discours suintant la fausse noblesse me pousse soit à les frapper pour les faire taire soit à les ignorer. Puis les frapper.
Pourtant à ma grande surprise je sens une minuscule étincelle d'empathie émerger et je me surprends à essayer de trouver les bons mots. Réconfortants. Rassurants. Encore des adjectifs qui me mettent mal à l'aise.

- Les vampires tuent, nous tuons. C'est une fatalité à laquelle nous ne pouvons pas échapper. Mais quelqu'un m'a dit un jour qu'être un vampire était aussi un choix, que nous pouvions conserver une étincelle d'humanité en dépit de ce que nous sommes. Il y a toujours un moyen de faire le bien, je conclus.

- C'est ce que tu as choisi, toi ?

Je grimace, je pensais la réponse plus évidente.

- Non, j'ai préféré l'inhumanité.

- Pourquoi, s'indigne-t-elle. Tu avais le choix.

- J'ai toujours aimé la facilité, je lâche avec un grand sourire.

- C'est une excuse, Alec, me fait-elle remarquer en se relevant, pas une raison.

- Peut-être, je concède. Mais les méchants n'ont pas besoin de bonnes raisons pour être méchant.

Elle secoue la tête comme pour chasser mes paroles.

- On peut rentrer maintenant ?

J'acquiesce en me remettant en marche. La nuit a été longue.

"Je suis désolée, souffle-t-elle à sa victime avant de partir. Vraiment."

Puis délicatement, comme si elle craignait de le briser encore plus, elle se penche sur son visage livide et lui ferme les yeux.